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Le jacobinisme : administratif, bureaucratique, centralisé

Ce texte de Michel David est plus éclairant que toutes nouvelles et éditoriaux concernant l’austérité. Il y a des concepts à saisir pour comprendre ce qui se passe réellement en politique et pourquoi le modèle actuel ne répond absolument pas aux attentes des citoyens.

Avant de lire le texte de M. David, voici ce qu’est le jacobinisme :

À son origine, le jacobinisme est une doctrine politique qui défend la souveraineté populaire et l’indivisibilité de la République française. Il tient son nom du club des Jacobins dont les membres, s’étaient établis pendant la Révolution française dans l’ancien couvent des Jacobins à Paris.

Le mot jacobinisme désigne aujourd’hui une doctrine qui tend à organiser le pouvoir de façon très administrative (bureaucratie) et très centralisée (centralisation) et à le faire exercer par une petite élite de techniciens (technocratie) qui étendent leur compétence à tous les échelons géographiques et à tous les domaines de la vie sociale afin de les rendre uniformes, ce qui en fait l’adversaire du régionalisme. L’usage moderne du mot jacobinisme est de quelque manière anachronique. En effet, le jacobinisme, pendant la révolution française, était une réaction aux enjeux particuliers de l’époque. Pour n’en retenir que la philosophie, on pourrait aussi entendre jacobinisme comme une doctrine opposée aux politiques communautaires, qui tendrait, par exemple, aux divisions internes.

Comme mouvement historique, le jacobinisme peut s’apparenter au XVIIIe siècle en Autriche au joséphisme et au XXe siècle en URSS au centralisme bureaucratique.

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http://www.ledevoir.com/politique/quebec/423325/les-nouveaux-jacobins

Les nouveaux jacobins

Dix jours avant de devenir premier ministre, Jacques Parizeau avait fait un rare mea-culpa devant la Jeune Chambre de commerce de Montréal. «J’ai été un affreux Jacobin, avait-il confessé. Je ne crache pas sur ce que j’ai fait, mais je suis revenu de pas mal de choses.»

«On légifère trop au Québec. Il y a des limites à dire aux gens comment se comporter», avait-il ajouté. Venant d’un des principaux bâtisseurs de l’État québécois moderne, cette soudaine conversion à la décentralisation avait de quoi surprendre. Dorénavant, les régions auraient leur mot à dire dans leur propre développement. «Elles ne feront pas pire que ce que les gouvernements ont fait», avait-il dit avec une humilité tout aussi inhabituelle. La Commission d’étude sur les municipalités, qu’il avait présidée au milieu des années 1980, lui avait fait découvrir toute la beauté du pouvoir local, mais la perspective du référendum a sans doute contribué à stimuler sa réflexion.

Le projet de loi sur l’avenir du Québec, que M. Parizeau a présenté à l’Assemblée nationale le 7 septembre 1995, stipulait que «la nouvelle constitution affirmera le principe de la décentralisation. Des pouvoirs spécifiques et des ressources fiscales et financières correspondantes seront attribués par la loi aux autorités locales et régionales».

Un Québec indépendant n’irait tout de même pas jusqu’à recréer une nouvelle fédération sur son territoire, mais il importait que les régions trouvent leur compte dans le projet souverainiste. Le référendum a été perdu, mais la décentralisation est demeurée un volet important du programme d’un « bon gouvernement » péquiste, ce qui s’est traduit en 1998 par la mise sur pied des centres locaux de développement (CLD). En 2002, Bernard Landry s’est même dit ouvert à l’idée d’un Sénat des régions.

Bien conscients que les élections se gagnent et se perdent dans les régions, les libéraux n’allaient évidemment pas laisser au PQ le monopole de la vertu. Durant la campagne de 2003, Jean Charest a promis à son tour une vaste décentralisation, qui a entraîné la création des conférences régionales des élus (CRE), dont les membres issus du milieu municipal étaient souvent plus proches du PLQ, sans que les CLD soient abolis pour autant.

Pendant des années, le PLQ s’est présenté comme le «parti des régions». Même si les résultats n’ont pas toujours été à la hauteur des attentes, Claude Béchard puis Nathalie Normandeau leur ont assuré une voix puissante au sein du Conseil des ministres. Quand le Directeur des élections a osé présenter un projet de carte électorale qui aurait eu pour effet de diminuer leur poids politique, l’ancienne vice-première ministre l’a carrément accusé de «trahison».

Aujourd’hui, c’est son ex-collègue Pierre Moreau qu’elle accuse de manquer de vision en affaiblissant les structures régionales de développement et de concertation. D’ailleurs, alors que Mme Normandeau avait le titre de ministre des Régions, M. Moreau, outre les Affaires municipales, s’est plutôt vu confier la responsabilité de «l’occupation du territoire». Manifestement, ce changement d’appellation n’était pas fortuit.

Lors de la Révolution française, l’abolition des corps intermédiaires qui pullulaient sous l’Ancien Régime a été au coeur du jacobinisme. Il ne devait y avoir aucune interférence entre les citoyens et l’État, qui était le seul apte à incarner l’intérêt public.

À l’époque où il cumulait les Finances, le Conseil du trésor, le Revenu et les Institutions financières, Jacques Parizeau aurait peut-être approuvé les dispositions du projet de loi 10, qui confère des pouvoirs sans précédent au ministre de la Santé. Jusqu’à ce qu’il devienne premier ministre, Philippe Couillard voyait cependant les choses d’un tout autre oeil. Au contraire, il proposait de confier la gestion du réseau à une société d’État indépendante et dénonçait la démagogie de ceux qui voulaient abolir les agences régionales de santé.

Paradoxalement, alors que son gouvernement s’apprête à abolir ces dernières, la France les a récemment mises en place pour assumer diverses responsabilités qui relevaient précédemment du ministère.

On ne connaît pas le sort qui est réservé aux commissions scolaires. Il est même probable que le ministre de l’Éducation ne le sait pas non plus. Il n’y a pas si longtemps, l’idée d’éliminer un contrepoids à l’autorité de l’État dans le domaine de l’éducation aurait paru hautement suspecte aux libéraux.

Dans la France révolutionnaire, l’attachement du PLQ au principe du fédéralisme l’aurait plutôt associé à ceux qu’on appelait les Girondins, qui privilégiaient le maintien des pouvoirs locaux. Même s’il est davantage la conséquence d’impératifs budgétaires que le fruit d’une quelconque réflexion philosophique, son nouveau penchant pour le jacobinisme a de quoi en déconcerter plusieurs.


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