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Archives mensuelles : août 2015

Déviances comportementales des religions

Voici un excellent cas d’observation des phénomènes de stratégies comportementales psychosociales erronées induites par des concepts et mécanismes religieux associés à des croyances déconnectées de la réalité des faits.

La dérision fait parti intégrante des stratégies comportementales humaines et apparaît lorsque des concepts ou mécanismes de société sont erronés. Il s’agit d’un comportement expressif d’opposition normal qui peut être dommageable seulement s’il dégénère en intimidation qui peut s’aggraver jusqu’à des comportements violents.

Les religions sont des organisations sociales regroupant des individus partageant une même croyance. Les croyances font parti des stratégies comportementales humaines lorsque l’absence ou le manque de connaissances ou de reconnaissance de faits ne permet pas d’expliquer certains phénomènes des Environmental humain, biophysique ou social. 

Rien ni aucune loi naturelle ne justifie qu’un respect sans bornes doive être accordé aux concepts sociaux de religion et s’imposer aux comportements humains.

En aucun cas il ne peut être envisagé qu’une quelconque loi de convention sociale puisse contrevenir à des lois immuables et intransgressibles des environnements humain ou biophysique.

Interdire le comportement de dérision est aussi absurde que d’interdire à l’humain de se comporter comme un humain…

http://www.msn.com/fr-ca/actualites/quebec-canada/un-musulman-veut-interdire-la-d%C3%A9rision/ar-BBlWsuv?ocid=mailsignoutmd

Un musulman veut interdire la dérision

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© La Presse canadienne

QUÉBEC — La loi devrait explicitement interdire à quiconque de se moquer de la religion, a soutenu jeudi un des leaders de la communauté musulmane du Québec, Salam Elmenyawi.

En commission parlementaire qui étudie le projet de loi 59 sur le discours haineux, le président du Conseil musulman de Montréal a tenu des propos qui ont fait sourciller les partis d’opposition, estimant que M. Elmenyawi cherchait en fait à brimer la liberté d’expression au Québec.

Il a plaidé pour que Québec adopte la ligne dure avec son projet de loi 59, affirmant qu’il pouvait tolérer qu’on l’insulte, lui, mais jamais qu’on insulte sa religion.

Le mémoire présenté par le Conseil musulman de Montréal exhorte Québec à inclure notamment dans son projet de loi «la prévention de la dérision et le dénigrement de toute religion et de ses personnalités».

Car la liberté d’expression ne devrait pas inclure le droit de tourner en dérision une religion, a insisté M. Elmenyawi, qui ne s’exprimait qu’en anglais. Ses propos étaient traduits en français par un interprète.

La députée caquiste de Montarville, Nathalie Roy, lui a fait remarquer que son discours allait totalement à l’encontre des Chartes des droits, québécoise et canadienne, qui garantissent à toute personne le droit de s’exprimer librement.

«Vous allez loin, a commenté Mme Roy. Si on ne peut pas se moquer, si on ne peut pas rire d’une religion, quelle qu’elle soit, ça va à l’encontre de notre liberté d’expression. Ca va très, très loin ce que vous demandez.»

Le leader musulman en a rajouté, en faisant valoir que lorsqu’on tourne en dérision l’islam, «vous vous moquez de moi, vous vous moquez de ma femme, vous vous moquez du prophète, de la mère du prophète».

Et il a dit que si une personne ose insulter la mère du prophète, «c’est comme si on insultait ma mère, ça me touche, moi, personnellement».

«Vous pouvez m’insulter, moi, mais n’insultez pas ma religion!», a lancé le leader musulman aux élus réunis dans le Salon rouge de l’Assemblée nationale.

Avec le projet de loi 59, Québec veut s’attaquer aux discours haineux ou incitant à la violence, de même que prévenir les crimes dits d’honneur et les mariages forcés de jeunes filles âgées de 16 ou 17 ans.

Le projet de loi consent également davantage de pouvoir d’enquête à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ), lorsqu’elle jugera qu’un groupe ou une communauté peut faire l’objet d’un discours haineux.

Québec vise donc à protéger légalement la communauté musulmane, notamment, contre d’éventuelles attaques, mais le président du Conseil musulman de Montréal juge que le projet de loi devrait être encore plus répressif.

La députée péquiste Agnès Maltais est revenue quant à elle sur le fait que M. Elmenyawi avait dénoncé la motion votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale en vue de contrer l’implantation au Québec de tribunaux dit islamiques, en 2005.

L’initiative provenait de l’ex-députée libérale Fatima Houda-Pepin, qui cherchait ainsi à protéger les femmes musulmanes contre la charia, la loi islamique.

Jeudi, M. Elmenyawi a justifié son rejet de la motion en disant qu’il cherchait à éviter «la stigmatisation de la communauté musulmane» par l’Assemblée nationale, qui n’a pas agi de la même façon avec d’autres religions.

«Ma foi, ma religion, vous la dénigrez ainsi dans l’Assemblée nationale», a-t-il plaidé.

Nous avançons comme des somnambules vers la catastrophe

Une analyse de 2011 encore plus d’actualité avec l’accélération du développement économique provoquant le ralentissement du développement humain et l’augmentation des symptômes d’instabilités précurseurs à un effondrement.

http://www.terraeco.net/Comment-vivre-moins-vite-comment,19890.html

Edgar Morin : «  Nous avançons comme des somnambules vers la catastrophe  »

Que faire dans cette période de crise aiguë ? S’indigner, certes. Mais surtout agir. A 90 ans, le philosophe et sociologue nous invite à résister au diktat de l’urgence. Pour lui, l’espoir est à portée de main. Entretien.

Pourquoi la vitesse est-elle à ce point ancrée dans le fonctionnement de notre société ?

La vitesse fait partie du grand mythe du progrès, qui anime la civilisation occidentale depuis le XVIIIe et le XIXe siècle. L’idée sous-jacente, c’est que nous allons grâce à lui vers un avenir toujours meilleur. Plus vite nous allons vers cet avenir meilleur, et mieux c’est, naturellement. C’est dans cette optique que se sont multipliées les communications, aussi bien économiques que sociales, et toutes sortes de techniques qui ont permis de créer des transports rapides. Je pense notamment à la machine à vapeur, qui n’a pas été inventée pour des motivations de vitesse mais pour servir l’industrie des chemins de fer, lesquels sont eux-mêmes devenus de plus en plus rapides. Tout cela est corrélatif par le fait de la multiplication des activités et rend les gens de plus en plus pressés. Nous sommes dans une époque où la chronologie s’est imposée.

Cela est-il donc si nouveau ?

Dans les temps anciens, vous vous donniez rendez-vous quand le soleil se trouvait au zénith. Au Brésil, dans des villes comme Belém, encore aujourd’hui, on se retrouve « après la pluie ». Dans ces schémas, vos relations s’établissent selon un rythme temporel scandé par le soleil. Mais la montre-bracelet, par exemple, a fait qu’un temps abstrait s’est substitué au temps naturel. Et le système de compétition et de concurrence – qui est celui de notre économie marchande et capitaliste – fait que pour la concurrence, la meilleure performance est celle qui permet la plus grande rapidité. La compétition s’est donc transformée en compétitivité, ce qui est une perversion de la concurrence.

Cette quête de vitesse n’est-elle pas une illusion ?

En quelque sorte si. On ne se rend pas compte – alors même que nous pensons faire les choses rapidement – que nous sommes intoxiqués par le moyen de transport lui-même qui se prétend rapide. L’utilisation de moyens de transport toujours plus performants, au lieu d’accélérer notre temps de déplacement, finit – notamment à cause des embouteillages – par nous faire perdre du temps ! Comme le disait déjà Ivan Illich (philosophe autrichien né en 1926 et mort en 2002, ndlr) : « La voiture nous ralentit beaucoup. » Même les gens, immobilisés dans leur automobile, écoutent la radio et ont le sentiment d’utiliser malgré tout le temps de façon utile. Idem pour la compétition de l’information. On se rue désormais sur la radio ou la télé pour ne pas attendre la parution des journaux. Toutes ces multiples vitesses s’inscrivent dans une grande accélération du temps, celui de la mondialisation. Et tout cela nous conduit sans doute vers des catastrophes.

Le progrès et le rythme auquel nous le construisons nous détruit-il nécessairement ?

Le développement techno-économique accélère tous les processus de production de biens et de richesses, qui eux-mêmes accélèrent la dégradation de la biosphère et la pollution généralisée. Les armes nucléaires se multiplient et on demande aux techniciens de faire toujours plus vite. Tout cela, effectivement, ne va pas dans le sens d’un épanouissement individuel et collectif !

Pourquoi cherchons-nous systématiquement une utilité au temps qui passe ?

Prenez l’exemple du déjeuner. Le temps signifie convivialité et qualité. Aujourd’hui, l’idée de vitesse fait que dès qu’on a fini son assiette, on appelle un garçon qui se dépêche pour débarrasser et la remplacer. Si vous vous emmerdez avec votre voisin, vous aurez tendance à vouloir abréger ce temps. C’est le sens du mouvement slow food dont est née l’idée de « slow life », de « slow time » et même de « slow science ». Un mot là-dessus. Je vois que la tendance des jeunes chercheurs, dès qu’ils ont un domaine, même très spécialisé, de travail, consiste pour eux à se dépêcher pour obtenir des résultats et publier un « grand » article dans une « grande » revue scientifique internationale, pour que personne d’autre ne publie avant eux. Cet esprit se développe au détriment de la réflexion et de la pensée. Notre temps rapide est donc un temps antiréflexif. Et ce n’est pas un hasard si fleurissent dans notre pays un certain nombre d’institutions spécialisées qui prônent le temps de méditation. Le yoguisme, par exemple, est une façon d’interrompre le temps rapide et d’obtenir un temps tranquille de méditation. On échappe de la sorte à la chronométrie. Les vacances, elles aussi, permettent de reconquérir son temps naturel et ce temps de la paresse. L’ouvrage de Paul Lafargue Le droit à la paresse (qui date de 1880, ndlr) reste plus actuel que jamais car ne rien faire signifie temps mort, perte de temps, temps non-rentable.

Pourquoi ?

Nous sommes prisonniers de l’idée de rentabilité, de productivité et de compétitivité. Ces idées se sont exaspérées avec la concurrence mondialisée, dans les entreprises, puis répandues ailleurs. Idem dans le monde scolaire et universitaire ! La relation entre le maître et l’élève nécessite un rapport beaucoup plus personnel que les seules notions de rendement et de résultats. En outre, le calcul accélère tout cela. Nous vivons un temps où il est privilégié pour tout. Aussi bien pour tout connaître que pour tout maîtriser. Les sondages qui anticipent d’un an les élections participent du même phénomène. On en arrive à les confondre avec l’annonce du résultat. On tente ainsi de supprimer l’effet de surprise toujours possible.

A qui la faute ? Au capitalisme ? A la science ?

Nous sommes pris dans un processus hallucinant dans lequel le capitalisme, les échanges, la science sont entraînés dans ce rythme. On ne peut rendre coupable un seul homme. Faut-il accuser le seul Newton d’avoir inventé la machine à vapeur ? Non. Le capitalisme est essentiellement responsable, effectivement. Par son fondement qui consiste à rechercher le profit. Par son moteur qui consiste à tenter, par la concurrence, de devancer son adversaire. Par la soif incessante de « nouveau » qu’il promeut grâce à la publicité… Quelle est cette société qui produit des objets de plus en plus vite obsolètes ? Cette société de consommation qui organise la fabrication de frigos ou de machines à laver non pas à la durée de vie infinie, mais qui se détraquent au bout de huit ans ? Le mythe du nouveau, vous le voyez bien – et ce, même pour des lessives – vise à toujours inciter à la consommation. Le capitalisme, par sa loi naturelle – la concurrence –, pousse ainsi à l’accélération permanente, et par sa pression consommationniste, à toujours se procurer de nouveaux produits qui contribuent eux aussi à ce processus.

On le voit à travers de multiples mouvements dans le monde, ce capitalisme est questionné. Notamment dans sa dimension financière…

Nous sommes entrés dans une crise profonde sans savoir ce qui va en sortir. Des forces de résistance se manifestent effectivement. L’économie sociale et solidaire en est une. Elle incarne une façon de lutter contre cette pression. Si on observe une poussée vers l’agriculture biologique avec des petites et moyennes exploitations et un retour à l’agriculture fermière, c’est parce qu’une grande partie de l’opinion commence à comprendre que les poulets et les porcs industrialisés sont frelatés et dénaturent les sols et la nappe phréatique. Une quête vers les produits artisanaux, les Amap (Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne, ndlr), indique que nous souhaitons échapper aux grandes surfaces qui, elles-mêmes, exercent une pression du prix minimum sur le producteur et tentent de répercuter un prix maximum sur le consommateur. Le commerce équitable tente, lui aussi, de court-circuiter les intermédiaires prédateurs. Certes, le capitalisme triomphe dans certaines parties du monde, mais une autre frange voit naître des réactions qui ne viennent pas seulement des nouvelles formes de production (coopératives, exploitations bio), mais de l’union consciente des consommateurs. C’est à mes yeux une force inemployée et faible car encore dispersée. Si cette force prend conscience des produits de qualité et des produits nuisibles, superficiels, une force de pression incroyable se mettra en place et permettra d’influer sur la production.

Les politiques et leurs partis ne semblent pas prendre conscience de ces forces émergentes. Ils ne manquent pourtant pas d’intelligence d’analyse…

Mais vous partez de l’hypothèse que ces hommes et femmes politiques ont déjà fait cette analyse. Or, vous avez des esprits limités par certaines obsessions, certaines structures.

Par obsession, vous entendez croissance ?

Oui ! Ils ne savent même pas que la croissance – à supposer qu’elle revienne un jour dans les pays que l’on dit développés – ne dépassera pas 2 % ! Ce n’est donc pas cette croissance-là qui parviendra à résoudre la question de l’emploi ! La croissance que l’on souhaite rapide et forte est une croissance dans la compétition. Elle amène les entreprises à mettre des machines à la place des hommes et donc à liquider les gens et à les aliéner encore davantage. Il me semble donc terrifiant de voir que des socialistes puissent défendre et promettre plus de croissance. Ils n’ont pas encore fait l’effort de réfléchir et d’aller vers de nouvelles pensées.

Décélération signifierait décroissance ?

Ce qui est important, c’est de savoir ce qui doit croître et ce qui doit décroître. Il est évident que les villes non polluantes, les énergies renouvelables et les grands travaux collectifs salutaires doivent croître. La pensée binaire, c’est une erreur. C’est la même chose pour mondialiser et démondialiser : il faut poursuivre la mondialisation dans ce qu’elle créé de solidarités entre les peuples et envers la planète, mais il faut la condamner quand elle crée ou apporte non pas des zones de prospérité mais de la corruption ou de l’inégalité. Je milite pour une vision complexe des choses.

La vitesse en soi n’est donc pas à blâmer ?

Voilà. Si je prends mon vélo pour aller à la pharmacie et que je tente d’y parvenir avant que celle-ci ne ferme, je vais pédaler le plus vite possible. La vitesse est quelque chose que nous devons et pouvons utiliser quand le besoin se fait sentir. Le vrai problème, c’est de réussir le ralentissement général de nos activités. Reprendre du temps, naturel, biologique, au temps artificiel, chronologique et réussir à résister. Vous avez raison de dire que ce qui est vitesse et accélération est un processus de civilisation extrêmement complexe, dans lequel techniques, capitalisme, science, économie ont leur part. Toutes ces forces conjuguées nous poussent à accélérer sans que nous n’ayons aucun contrôle sur elles. Car notre grande tragédie, c’est que l’humanité est emportée dans une course accélérée, sans aucun pilote à bord. Il n’y a ni contrôle, ni régulation. L’économie elle-même n’est pas régulée. Le Fonds monétaire international n’est pas en ce sens un véritable système de régulation.

Le politique n’est-il pas tout de même censé « prendre le temps de la réflexion » ?

On a souvent le sentiment que par sa précipitation à agir, à s’exprimer, il en vient à œuvrer sans nos enfants, voire contre eux… Vous savez, les politiques sont embarqués dans cette course à la vitesse. J’ai lu une thèse récemment sur les cabinets ministériels. Parfois, sur les bureaux des conseillers, on trouvait des notes et des dossiers qualifiés de « U » pour « urgent ». Puis sont apparus les « TU » pour « très urgent » puis les « TTU ». Les cabinets ministériels sont désormais envahis, dépassés. Le drame de cette vitesse, c’est qu’elle annule et tue dans l’œuf la pensée politique. La classe politique n’a fait aucun investissement intellectuel pour anticiper, affronter l’avenir. C’est ce que j’ai tenté de faire dans mes livres comme Introduction à une politique de l’homme, La voie, Terre-patrie… L’avenir est incertain, il faut essayer de naviguer, trouver une voie, une perspective. Il y a toujours eu, dans l’Histoire, des ambitions personnelles. Mais elles étaient liées à des idées. De Gaulle avait sans doute une ambition, mais il avait une grande idée. Churchill avait de l’ambition au service d’une grande idée, qui consistait à vouloir sauver l’Angleterre du désastre. Désormais, il n’y a plus de grandes idées, mais de très grandes ambitions avec des petits bonshommes ou des petites bonnes femmes.

Michel Rocard déplorait il y a peu pour « Terra eco » la disparition de la vision à long terme…

Il a raison, mais il a tort. Un vrai politique ne se positionne pas dans l’immédiat mais dans l’essentiel. A force d’oublier l’essentiel pour l’urgence, on finit par oublier l’urgence de l’essentiel. Ce que Michel Rocard appelle le « long terme », je l’intitule « problème de fond », « question vitale ». Penser qu’il faut une politique planétaire pour la sauvegarde de la biosphère – avec un pouvoir de décision qui répartisse les responsabilités car on ne peut donner les mêmes responsabilités à des pays riches et à des pays pauvres –, c’est une politique essentielle à long terme. Mais ce long terme doit être suffisamment rapide car la menace elle-même se rapproche.

Le président de la République Nicolas Sarkozy n’incarne-t-il pas l’immédiateté et la présence médiatique permanente ?

Il symbolise une agitation dans l’immédiateté. Il passe à des immédiatetés successives. Après l’immédiateté, qui consiste à accueillir le despote libyen Kadhafi car il a du pétrole, succède l’autre immédiateté, où il faut détruire Kadhafi sans pour autant oublier le pétrole… En ce sens, Sarkozy n’est pas différent des autres responsables politiques, mais son caractère versatile et capricieux en font quelqu’un de très singulier pour ne pas dire un peu bizarre.

Edgar Morin, vous avez 90 ans. L’état de perpétuelle urgence de nos sociétés vous rend-il pessimiste ?

Cette absence de vision m’oblige à rester sur la brèche. Il y a une continuité dans la discontinuité. Je suis passé de l’époque de la Résistance où j’étais jeune, où il y avait un ennemi, un occupant et un danger mortel, à d’autres formes de résistances qui ne portaient pas, elles, de danger de mort, mais celui de rester incompris, calomnié ou bafoué. Après avoir été communiste de guerre et après avoir combattu l’Allemagne nazie avec de grands espoirs, j’ai vu que ces espoirs étaient trompeurs et j’ai rompu avec ce totalitarisme-là, devenu ennemi de l’humanité. J’ai combattu cela et résisté. J’ai ensuite – naturellement – défendu l’indépendance du Vietnam ou de l’Algérie, quand il s’agissait de liquider un passé colonial. Cela me semblait si logique après avoir lutté pour la propre indépendance de la France, mise en péril par le nazisme. Au bout du compte, nous sommes toujours pris dans des nécessités de résister.

Et aujourd’hui ?

Aujourd’hui, je me rends compte que nous sommes sous la menace de deux barbaries associées. Humaine tout d’abord, qui vient du fond de l’histoire et qui n’a jamais été liquidée : le camp américain de Guantánamo ou l’expulsion d’enfants et de parents que l’on sépare, ça se passe aujourd’hui ! Cette barbarie-là est fondée sur le mépris humain. Et puis la seconde, froide et glacée, fondée sur le calcul et le profit. Ces deux barbaries sont alliées et nous sommes contraints de résister sur ces deux fronts. Alors, je continue avec les mêmes aspirations et révoltes que celles de mon adolescence, avec cette conscience d’avoir perdu des illusions qui pouvaient m’animer quand, en 1931, j’avais dix ans.

La combinaison de ces deux barbaries nous mettrait en danger mortel…

Oui, car ces guerres peuvent à tout instant se développer dans le fanatisme. Le pouvoir de destruction des armes nucléaires est immense et celui de la dégradation de la biosphère pour toute l’humanité est vertigineux. Nous allons, par cette combinaison, vers des cataclysmes. Toutefois, le probable, le pire, n’est jamais certain à mes yeux, car il suffit parfois de quelques événements pour que l’évidence se retourne.

Des femmes et des hommes peuvent-ils aussi avoir ce pouvoir ?

Malheureusement, dans notre époque, le système empêche les esprits de percer. Quand l’Angleterre était menacée à mort, un homme marginal a été porté au pouvoir, qui se nommait Churchill. Quand la France était menacée, ce fut De Gaulle. Pendant la Révolution, de très nombreuses personnes, qui n’avaient aucune formation militaire, sont parvenues à devenir des généraux formidables, comme Hoche ou Bonaparte ; des avocaillons comme Robespierre, de grands tribuns. Des grandes époques de crise épouvantable suscitent des hommes capables de porter la résistance. Nous ne sommes pas encore assez conscients du péril. Nous n’avons pas encore compris que nous allons vers la catastrophe et nous avançons à toute allure comme des somnambules.

Le philosophe Jean-Pierre Dupuy estime que de la catastrophe naît la solution. Partagez-vous son analyse ?

Il n’est pas assez dialectique. Il nous dit que la catastrophe est inévitable mais qu’elle constitue la seule façon de savoir qu’on pourrait l’éviter. Moi je dis : la catastrophe est probable, mais il y a l’improbabilité. J’entends par « probable », que pour nous observateurs, dans le temps où nous sommes et dans les lieux où nous sommes, avec les meilleures informations disponibles, nous voyons que le cours des choses nous emmène à toute vitesse vers les catastrophes. Or, nous savons que c’est toujours l’improbable qui a surgi et qui a « fait » la transformation. Bouddha était improbable, Jésus était improbable, Mahomet, la science moderne avec Descartes, Pierre Gassendi, Francis Bacon ou Galilée était improbables, le socialisme avec Marx ou Proudhon était improbable, le capitalisme était improbable au Moyen-Age… Regardez Athènes. Cinq siècles avant notre ère, vous avez une petite cité grecque qui fait face à un empire gigantesque, la Perse. Et à deux reprises – bien que détruite la seconde fois – Athènes parvient à chasser ces Perses grâce au coup de génie du stratège Thémistocle, à Salamine. Grâce à cette improbabilité incroyable est née la démocratie, qui a pu féconder toute l’histoire future, puis la philosophie. Alors, si vous voulez, je peux aller aux mêmes conclusions que Jean-Pierre Dupuy, mais ma façon d’y aller est tout à fait différente. Car aujourd’hui existent des forces de résistance qui sont dispersées, qui sont nichées dans la société civile et qui ne se connaissent pas les unes les autres. Mais je crois au jour où ces forces se rassembleront, en faisceaux. Tout commence par une déviance, qui se transforme en tendance, qui devient une force historique. Nous n’en sommes pas encore là, certes, mais c’est possible.

Il est donc possible de rassembler ces forces, d’engager la grande métamorphose, de l’individu puis de la société ?

Ce que j’appelle la métamorphose, c’est le terme d’un processus dans lequel de multiples réformes, dans tous les domaines, commencent en même temps.

Nous sommes déjà dans un processus de réformes…

Non, non. Pas ces pseudo-réformes. Je parle de réformes profondes de vie, de civilisation, de société, d’économie. Ces réformes-là devront se mettre en marche simultanément et être intersolidaires.

Vous appelez cette démarche « le bien-vivre ». L’expression semble faible au regard de l’ambition que vous lui conférez.

L’idéal de la société occidentale – « bien-être » – s’est dégradé en des choses purement matérielles, de confort et de propriété d’objet. Et bien que ce mot « bien-être » soit très beau, il fallait trouver autre chose. Et quand le président de l’Equateur Rafael Correa a trouvé cette formule de « bien-vivre », reprise ensuite par Evo Morales (le président bolivien, ndlr), elle signifiait un épanouissement humain, non seulement au sein de la société mais aussi de la nature. L’expression « bien vivir » est sans doute plus forte en espagnol qu’en français. Le terme est « actif » dans la langue de Cervantès et passif dans celle de Molière. Mais cette idée est ce qui se rapporte le mieux à la qualité de la vie, à ce que j’appelle la poésie de la vie, l’amour, l’affection, la communion et la joie et donc au qualitatif, que l’on doit opposer au primat du quantitatif et de l’accumulation. Le bien-vivre, la qualité et la poésie de la vie, y compris dans son rythme, sont des choses qui doivent – ensemble – nous guider. C’est pour l’humanité une si belle finalité. Cela implique aussi et simultanément de juguler des choses comme la spéculation internationale… Si l’on ne parvient pas à se sauver de ces pieuvres qui nous menacent et dont la force s’accentue, s’accélère, il n’y aura pas de bien-vivre. —

L’IRASD dévoile son plan de recherche

Après plusieurs mois de travail, l’IRASD diffuse son plan de recherche. Cette première version, loin d’être définitive, est plutôt évolutive et les thèmes à aborder seront bonifiés au fil de l’avancement des travaux.

Le plan de recherche de l’IRASD vise à diriger les efforts de recherche vers les divers domaines des sciences naturelles, physiques et sociales identifiées pour décrire et documenter les principaux concepts clefs définissant les environnements humain, biophysique et social pouvant contribuer à valider l’hypothèse de l’objectif principal du plan maître :

Démontrer scientifiquement que des concepts-acteurs de l’environnement social interagissent avec la nature humaine pour induire des comportements décisionnels nuisibles à la pérennité de la civilisation et de l’espèce humaine.

Objectifs du plan de recherche

  • Répondre aux questions qui permettent de décrire les environnements.
  • Circonscrire, définir et documenter la portée du plan de recherche.
  • Déterminer les domaines de spécialisation requis en sciences pures et sociales.
  • Distribuer le travail de recherche et de documentation.

Le plan sera mis à jour pour préciser des aspects des travaux ou des sujets visés.

Stéphane BrousseauDirecteur de recherche
B.Sc. Géologie
Analyste et architecte en technologies de l’information et des communications
Chercheur en architecture sociale durable

L’accroissement des instabilités, des précurseurs à l’effondrement

Les instabilités boursières du système économique monétaire à la base de la civilisation humaine ne datent pas d’hier. L’instabilité du système économique humain qui s’accentue depuis 2008 n’est qu’un symptôme des déviances comportementales induites par les concepts et mécanismes de l’organisation sociale de l’espèce.

« Les villes intensifiant la mondialisation et la mondialisation intensifiant les villes, le commerce mondial s’est multiplié par 11 entre 1980 et 2004 – de 580 milliards de dollars à plus de 6000 milliards. » – Stewart Brand, « Discipline pour la planète Terre », 2010

Lorsque les pressions exercées sur les environnements humain, biophysique et social s’accroissent simultanément, la probabilité de déstabilisation du système grandit (1), augmentant le risque d’effondrement (2). Surtout lorsque plusieurs autres variables se retrouvent sous une même pression croissante; celle de la volonté comportementale de faire croitre l’économie monétaire.

La civilisation humaine est actuellement sur un pic instable. (6) La croissance économique et les déviances comportementales psychosociales pour l’accélérer ont également engendré des pressions sur la surexploitation des ressources humaines et naturelles. (3) L’augmentation est proportionnelle à l’accroissement de la population et l’agrandissement des villes supportées par les industries en est une des conséquences.

« L’argent mène le monde! » Mais il le détruit également. L’espèce humaine est-elle suffisamment évoluée pour en prendre conscience? Est-elle suffisamment mature pour se départir de ce modèle? (4)

L’homme a déjà perdu le contrôle de son système social et il est en train de perdre le contrôle de son environnement planétaire. (1)

L’adolescence de l’espèce tire à sa fin, il est temps que l’homme se prenne en main.

La partie de plaisir est terminée, il n’y a plus de place pour le jeu.

L’action est urgente, l’acquisition de connaissances une nécessité et la réforme une obligation inévitable.

Mais l’homme est-il préparé à agir? (5)

À l’IRASD, nous préparons le terrain pour agir. Car agir n’importe comment en faisant n’importe quoi mène à de mauvaises décisions ou à de pires résultats.

Corriger ce qui a été fait avec les mêmes moyens que ce qui l’a provoqué n’est pas une bonne idée.

Introduire de nouveaux concepts et mecanismes de société exige des connaissances et un certain temps.

Nos travaux de recherche ont pour objectif de documenter des dossiers thématiques qui serviront de bases de connaissances pour réaliser l’architecture sociale des solutions pour notre civilisation.

L’IRASD forme une équipe microscopique comparée à l’ampleur de la tâche qui consiste à architecturer des modèles de fonctionnement soutenables et durables pour la société humaine.

Sans l’implication de chercheurs et de citoyens engagés, la tâche est colossale et le temps requis risque de se prolonger au-delà de l’effondrement.

(1) https://irasd.wordpress.com/2015/08/05/synthese-des-donnees-planetaires-adrastia/

(2) https://irasd.wordpress.com/2015/08/10/leffondrement-analyse-critique-du-livre/

(3) https://irasd.wordpress.com/2015/08/10/lespece-humaine-vit-au-dessus-des-capacites-de-ses-niches-ecologiques-2/

(4) https://irasd.wordpress.com/2014/11/17/letat-actuel-de-levolution-de-lespece-humaine-favorise-t-il-sa-capacite-de-survie/

(5) https://irasd.wordpress.com/2015/08/22/que-sommes-nous-censes-faire-de-nos-vies-sachant-que-nous-nous-dirigeons-vers-un-effondrement/ 

(6) https://irasd.wordpress.com/2015/08/18/le-monde-sapproche-dune-grande-catastrophe-economique-et-personne-nen-parl-e/
.

http://quebec.huffingtonpost.ca/2015/08/25/bourse-impact-canada_n_8036100.html?utm_hp_ref=canada-quebec&ir=Canada+Quebec

Dégringolade boursière: quels impacts pour le Canada?

  
En pleine dégringolade, l’indice Shanghai Composite a chuté de 37 % en deux mois et dans tout le pays, l’économie continue de tourner au ralenti. Doit-on craindre la contagion? Décryptage en cinq questions.

Un texte de Christine Bureau

1. La Bourse de Shanghai a connu hier sa pire journée depuis 2007. Son principal indice, le Shanghai Composite, a chuté de 8,5 % pour clôturer à 3209,91 points. Comment la Chine en est-elle arrivée là?

L’économie chinoise est en décélération depuis plusieurs années, un phénomène qui a récemment pris de l’ampleur. Le marché boursier s’est lui aussi écrasé au cours des derniers mois. La semaine dernière, les autorités chinoises ont voulu redonner du souffle à leurs exportations en dévaluant le yuan de 2 %. La mesure a eu l’effet contraire.

« D’abord, les autorités chinoises ont interdit les ventes à découvert puis, la semaine dernière, ils ont dévalué le yuan, leur monnaie. Ce genre de choses a été vu par les investisseurs internationaux comme un signe de désespoir », soutient le directeur général chef de la recherche pour les particuliers chez BMO Nesbitt Burns, Stéphane Rochon, pour expliquer la récente dégringolade des bourses mondiales.

Selon lui, la Chine essaie « par tous les moyens » de relancer son économie. Mais le fond du problème, lui, reste le même.

« [Les Chinois] ont une économie qui a trop de capacités. Ils ont beaucoup, beaucoup investi dans leurs capacités manufacturières, mais il n’y a pas assez de demandes globalement pour absorber toute cette production. »
Stéphane Rochon

2. Quels outils se trouvent à la portée de la Chine pour freiner la dégringolade de son marché boursier?

Pékin étudie l’option d’injecter de l’argent frais dans la Bourse de Shanghai. Avec 3,5 trillions de dollars en devises étrangères, la Chine a d’ailleurs les moyens de le faire. Mais Stéphane Rochon croit que ce sera insuffisant pour calmer les marchés.

« Ils font ça depuis un bout de temps déjà et on dirait qu’à chaque fois qu’ils le font, ça a de moins en moins d’effets positifs. Oui, ils peuvent encore [réinjecter de l’argent], mais en fin de compte, l’économie va se stabiliser là où l’économie va se stabiliser. Toutes les mesures qu’ils vont prendre, ce sont des pansements », soutient-il.

Selon lui, la Chine a plutôt intérêt à limiter ses interventions pour laisser l’économie retrouver son « point d’équilibre ». Une croissance annuelle de 10 % comme celle qu’a connue la Chine n’était pas viable à long terme de toute façon, note-t-il.

3. Peut-on parler d’une crise boursière chinoise?

« C’est une correction majeure, réplique Stéphane Rochon. Le problème, c’est que je ne vois pas d’événement catalyseur qui pourrait stabiliser [l’économie chinoise] à court terme. C’est donc possible qu’on voit plus de déclin encore, du moins dans les actions chinoises. »

Il rappelle que c’est un « momentum économique » à la baisse – c’est-à-dire tous les indices -, qui a créé le mouvement de panique sur les marchés. « Généralement, c’est ce qui fait peur aux investisseurs et c’est pour ça qu’on voit les secousses qu’on voit dans la bourse », résume-t-il.

4. Quelles répercussions aura la chute de la Bourse de Shanghai sur sa consoeur de Toronto et sur l’économie canadienne?

Les secteurs de l’énergie et miniers composent 30 % de l’indice canadien S&P/TSX. Or, ce sont justement ces secteurs qui souffrent le plus du ralentissement de la Chine et de sa dégringolade boursière.

Comme il y a peu d’investisseurs étrangers sur la Bourse de Shanghai, les entreprises canadiennes en lien avec le secteur minier et de l’énergie sont celles qui vont le plus subir les impacts financiers de cette chute, ainsi que tous les secteurs connexes, comme le marché immobilier à Calgary.

« Ce n’est pas le fait que la Chine ne consomme pas beaucoup de matières premières, explique Stéphane Rochon. Elle en consomme encore beaucoup, mais d’année en année, l’augmentation de leur consommation descend », surtout pour ce qui est des métaux de base, comme le cuivre. Le prix du pétrole est lui aussi en forte chute, bien que son prix dépende aussi des surplus de production des pays de l’OPEP et de la Russie.

« Les revenus d’impôts ou de taxes de l’Alberta vont baisser en flèche. En termes d’équilibre budgétaire, ça va faire mal au Canada, ça, c’est clair. En termes de péréquation, ça pourrait avoir un effet. »
Stéphane Rochon

Les États-Unis, malgré des marchés à la baisse de près de 8 % par rapport à leur sommet cette année, s’en tireront mieux que le Canada parce qu’ils ont un énorme marché de consommation interne, note-t-il.

5. À quoi faut-il s’attendre sur les marchés boursiers au cours des prochaines semaines?

« On peut s’attendre à beaucoup de volatilité. Ça ne veut pas dire que ça va continuer descendre à ce rythme-ci, mais une chose qui est claire, c’est qu’il va y avoir beaucoup de volatilité », estime Stéphane Rochon.

Et comme la bourse précède souvent l’économie réelle de six à neuf mois, il est probable que l’économie chinoise continue de tourner au ralenti. « La trajectoire est à la baisse et jusqu’à nouvel ordre, c’est comme ça qu’on devrait penser à l’économie chinoise », conclut-il.

Que sommes-nous censés faire de nos vies, sachant que nous nous dirigeons vers un effondrement ?

Cet article démontre clairement l’effet des déviances comportementales psychosociales résultant de l’interaction des concepts de société avec la nature humaine.

http://partage-le.com/2015/08/que-sommes-nous-censes-faire-de-nos-vies-sachant-que-nous-nous-dirigeons-vers-un-effondrement/

Que sommes-nous censés faire de nos vies, sachant que nous nous dirigeons vers un effondrement?

Article original (en anglais) publié sur le site de VICE, le 28 mars 2014.

Cela devient monnaie courante de dire que nous, « les jeunes », n’avons plus d’avenir. Nous blâmons la crise financière qui entraine des taux de chômage ahurissants ; nous blâmons ces gouvernements inefficaces qui n’ont pas intérêt à nous aider ; nous blâmons les baby-boomers qui ont refusé de léguer un peu de leur richesse aux générations suivantes ; nous blâmons les corporations qui ne fournissent que des emplois à mi-temps, précaire et uniquement dans le service et l’industrie. Et nous avons raison.

Ces problèmes viennent effacer des années de progrès et ne nous laissent qu’une existence stérile et dénuée d’enfance, dont nous ne pouvons nous échapper qu’à l’aide de jeux d’alcools, de petits-dejs chez Taco Bell, de drogues qui nous font moisir de l’intérieur, et de jeux de téléphones mobiles merdiques. Mais qu’allons-nous faire lorsque tout ça nous pètera à la gueule ?

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A gauche, un des passe-temps favoris des mal nommés pays « développés », et à droite, la vie de bien trop de gens dans le mal nommé « Tiers-monde », deux facettes de la même organisation humaine mondialisée.

Tout le monde prédit la fin des temps depuis la nuit des temps, manifestement. Dieu allait nous tuer. Puis le Diable. Puis la bombe nucléaire. Maintenant des astéroïdes, ou la mer, nous nos propres comportements de merde. Peu importe ce qui se passe, nous savons qu’un jour tout partira en fumée, et pour les médias, cette paranoïa est du pain béni, l’outil de marketing ultime. La plupart des gens se sont au moins un peu souciés de savoir comment et quand leur espèce s’éteindrait, c’est pourquoi les sectes religieuses apocalyptiques sont toujours à la mode. C’est l’attrape-nigaud de première classe, avec des rebondissements alléchants, le saint Graal des médias modernes.

Malheureusement, lorsque vous lisez le New York Times, ou n’importe quel autre journal, il ne s’agit pas de prophètes de l’apocalypse à la mords-moi-le-nœud avec des pancartes « la Fin des temps » — il s’agit de scientifiques sérieux. Cela donne du poids, non seulement aux histoires individuelles effrayantes sur les grippes aviaires, les pluies acides, mais aussi à l’ensemble de ce panel terrifiant, qui suggère que — à travers une combinaison d’avidité, de stupidité et de cruauté — nous avons réellement saccagé la planète au-delà de toute remédiation, et que le futur ressemble à un film catastrophe de Michael Bay.

La dernière étude que j’ai lu, qui était en partie financée par la NASA, « a souligné la possibilité d’un effondrement de la civilisation industrielle, dans les décennies à venir, en raison de l’exploitation insoutenable des ressources et de la hausse continue de l’inégale distribution des richesses. » Et cela selon le GUARDIAN, un journal respectable, qui, apparemment, ne peut se permettre d’écrire « NOUS SOMMES FOUTUS, NOUS SOMMES FOUTUS, AHHHHH! ». Quoi qu’il en soit, cet article est une lecture intéressante bien que peu réjouissante.

La vraie question, cependant, ne dépend pas du degré d’anéantissement de l’humanité, mais de savoir ce que nous sommes supposés faire de cette information. Y-a-t-il quelque chose que nous puissions faire ? Ou devrions-nous simplement sortir les chaises de la cave, mettre de la bière au frais, et attendre que les voisins commencent à passer les bergers allemands au barbecue ? Enfin, c’est une chose pour les vieux d’entendre que leur planète est foutue et qu’ils passeront leur âge d’or à boire de l’urine sur des radeaux de survie à la Kevin Costner, mais c’en est une autre pour les jeunes d’entendre qu’ils n’ont pas d’avenir.

Si vous avez 20 ans aujourd’hui, à quoi bon? A quoi bon les enfants, la carrière, l’arrêt de la cigarette, la construction d’une famille, l’éducation, ou tout ce qui requiert quelque effort que ce soit ? Pourquoi devrions-nous passer nos années post-adolescence à viser la stabilité matérielle, quand nous savons que cette stabilité commencera à s’effriter dans 15 ans, peu importe nos agissements ? Pourquoi ne pas simplement rester assis à sniffer du protoxyde d’azote, avoir des relations non-protégées avec des étrangers rencontrés sur Grindr et/ou Tinder ?

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Cela ne me surprendrait pas. Je ne suis pas sûr que nous soyons une génération particulièrement bonne en ce qui concerne la confrontation de la réalité, de toute façon, et il me semble maintenant que nous sommes la génération qui se retrouve avec la pire des donnes en main. L’idée de la catastrophe environnementale mondiale est si effrayante à saisir que nous courons le risque de nous retrouver comme paralysés, dans un état d’inquiétude perpétuelle, et qu’alors nous continuions à faire ce qu’on a toujours fait avant — i.e., à tout ignorer au-delà de notre weekend.

Aucun d’entre nous ne sait comment réagir face aux sinistres prédictions qui émanent régulièrement des institutions de recherche les plus respectées du monde. Il est peut-être trop tard pour stopper les effets du réchauffement climatique, bien que nous n’ayons absolument pas l’air de vouloir ralentir cet engrenage infernal ; nous sommes trop ancrés dans nos quotidiens. Les solutions semblent soit impossible, soit ont l’air de mesures symboliques trop faibles et arrivant trop tard. Nous maudissons nos ancêtres d’avoir tout foutu en l’air pour nous, mais nous rappelons alors que nous sommes la génération qui a demandé à être emmenée à l’école en voiture, à avoir de plus en plus de consoles de jeux vidéo, de téléphones mobiles et de gadgets de merde. Nous n’avons pas allumé le feu, mais nous n’avons pas non plus exactement essayé de l’éteindre.

Nous vivons donc dans un monde où nous sommes tous responsables, et il n’y a rien que nous puissions y faire. Les nouvelles de l’imminence de l’apocalypse ne deviennent qu’une chose de plus arrivant à quelqu’un d’autre, un nouvel objet pour notre indifférence et notre apathie. A quoi bon en reconnaitre l’existence ? Nous savons que les calottes polaires fondent depuis des années, mais combien d’entre nous ont changé leur mode de vie pour autant ? Continuons tel que nous sommes, et, avec un peu chance, nous nous ficherons de mourir lorsque notre tour viendra.

Bien sûr, il y a eu tout un tas de pétards mouillés et de peurs en ce qui concerne la fin du monde, beaucoup de science-fiction vacillante et très peu de faits, mais le poids écrasant des problèmes auxquels nous faisons face nous donne vraiment l’impression d’être sur la dernière ligne droite du chemin de la destruction.

Le problème, c’est que l’ignorance est bénie lorsque la recherche de la vérité implique de se rendre compte que tous vos amis et vous-mêmes êtes sur la corde raide. Si rien ne peut être fait, il semble alors aussi bien de continuer à vivre nos vies comme nous l’avons toujours fait : avec nos réseaux, avec les mêmes fréquentations, les mêmes bavardages jusqu’à ce que le soleil s’assombrisse et qu’il se mette à pleuvoir des oiseaux.

L’apathie est certainement l’émotion caractérisant le mieux notre époque. Politiquement, culturellement, dans tous les domaines-ment. Tellement que nous semblons incapables de réagir lorsque la NASA suggère que nous ne sommes qu’à quelques décennies de l’effondrement social total, et que toutes les autres agences de renseignements scientifiques suggèrent que les conditions environnementales que nous avons façonnées auront eu raison de nous bien avant.

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Tout va bien, cependant. Détendons-nous. Nous avons Angry Birds. Nous avons Drake et Rihanna. Un Starbucks ouvre bientôt à côté. Nous mourrons tous. Rien que nous puissions y faire, pas vrai ?

Clive Martin

Traduction: Nicolas Casaux

Paniquer pour le concept d’argent sans s’inquiéter de l’attrition des ressources

Voici une observation symptomatique des stratégies comportementales psychosociales induites par l’interaction entre la nature humaine et des concepts de société. Nous avons publié une analyse de Jacques Atali sur l’effondrement de l’économie mondiale (1) et les statistiques de consultation sur notre site ont explosé de 25 000%!

À première vue, cette réaction semble démontrer un attachement maladif au concept d’argent qui n’est qu’un outil virtualisé d’estimation de valeur et d’échange de produits et services (2). Cette réaction s’explique par de profondes déviances de valeurs culturelles associant l’argent et l’économie à la capacité de survie de l’espèce, alors que ce sont les ressources et infrastructures naturelles de l’environnement biophysique qui assurent cette capacité.

(1) https://irasd.wordpress.com/2015/08/18/le-monde-sapproche-dune-grande-catastrophe-economique-et-personne-nen-parl-e/

(2) https://irasd.wordpress.com/dossiers/recherches/environnement-social/analyse-et-historique-du-modele-economique-monetaire-capitaliste/

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L’humain, superprédateur destructeur d’écosystèmes

L’analyse des stratégies comportementales de l’humain comme prédateur des autres espèces révèle que les impacts de ses activités de chasse et de pêche ne sont pas soutenables pour le maintien de la biodiversité de la planète. Sans des modifications profondes de ses habitudes, une réduction de sa population est inévitable.

Cette étude ne s’attarde toutefois pas aux Premiers Peuples et tribus isolées de la civilisation, dont les traditions ancestrales favorisaient des stratégies comportementales de chasse et de pêche plus soutenables. 

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http://www.lapresse.ca/actualites/environnement/201508/20/01-4894203-letre-humain-ce-superpredateur-destructeur-decosystemes.php

L’être humain, ce superprédateur destructeur d’écosystèmes

Des poissons dans la baie d'Honolulu.... (Photo Getty Images)

Agence France-Presse
WASHINGTON

La surpêche industrielle et la chasse excessive menacent les écosystèmes surtout parce que les animaux adultes, au plus fort de leur potentiel de reproduction, sont les cibles de choix, estiment des chercheurs, plaidant pour une approche plus en harmonie avec la nature.

«Notre technologie très efficace pour tuer, nos systèmes économiques mondialisés et notre gestion des ressources donnant la priorité aux bénéfices à court terme de l’humanité, a favorisé l’émergence du superprédateur humain», explique Chris Darimont, professeur de géographie à l’université de Victoria au Canada. Il est le principal auteur de cette étude publiée jeudi dans la revue américaine Science.

«Les effets de cette approche sont aussi extrêmes que l’est notre comportement de prédateur dominant et la planète en fait les frais», déplore-t-il.

«Alors que les autres prédateurs s’en prennent principalement aux jeunes et aux plus faibles, les humains s’attaquent au capital de reproduction des espèces en chassant les adultes… Une pratique particulièrement marquée dans la pêche.»

Tom Reimchen
professeur de biologie à l’université de Victoria

Pour évaluer la nature et l’étendue de la prédation humaine comparée à celle des animaux, les chercheurs ont analysé 2125 espèces de prédateurs marins et terrestres.

Ils ont conclu que les humains chassent de préférence les poissons et mammifères adultes dans l’océan à un taux quatorze fois supérieur à celui des autres prédateurs marins.

Les hommes chassent et abattent également les grands carnivores terrestres comme les ours, les loups et les lions neuf fois plus que ces derniers s’entretuent dans la nature.

«Alors que les autres prédateurs s’en prennent principalement aux jeunes et aux plus faibles, les humains s’attaquent au capital de reproduction des espèces en chassant les adultes… Une pratique particulièrement marquée dans la pêche», précise Tom Reimchen, professeur de biologie à l’université de Victoria, un des principaux co-auteurs de cette étude.

Et comme le montre la théorie de l’évolution de Darwin, le fait d’éliminer les poissons les plus grands et les plus productifs favorise les individus plus petits qui se développent lentement, relèvent ces scientifiques.

Mais les chercheurs reconnaissent aussi qu’un changement fondamental soudain des pratiques actuelles de la pêche pour adopter une technique de capture de poissons plus en phase avec la nature serait impossible car cela entraînerait une réduction des prises actuelles de 80 à 90% au niveau mondial.

Toutefois, souligne Thomas Rymkin, en prenant en compte ses avantages à long terme, une telle approche pourrait être envisagée graduellement.

Dans une analyse de l’étude, publiée également dans Science, Boris Worn, biologiste de l’université Dalhousie à Halifax, abonde dans ce sens. Il relève que les sociétés humaines «sont dotées de la capacité unique d’analyser l’impact de leurs actions et d’ajuster leur comportement pour en minimiser les conséquences néfastes».

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http://www.sciencemag.org/content/349/6250/858.full

The unique ecology of human predators

An anomalous and unbalanced predator

In the past century, humans have become the dominant predator across many systems. The species that we target are thus far in considerable decline; however, predators in the wild generally achieve a balance with their prey populations such that both persist. Darimont et al. found several specific differences between how humans and other predatory species target prey populations (see the Perspective by Worm). In marine environments, for example, we regularly prey on other predator species. These differences may contribute to our much larger ecological impact when compared with other predators.

Science, this issue p. 858; see also p. 784

Paradigms of sustainable exploitation focus on population dynamics of prey and yields to humanity but ignore the behavior of humans as predators. We compared patterns of predation by contemporary hunters and fishers with those of other predators that compete over shared prey (terrestrial mammals and marine fishes). Our global survey (2125 estimates of annual finite exploitation rate) revealed that humans kill adult prey, the reproductive capital of populations, at much higher median rates than other predators (up to 14 times higher), with particularly intense exploitation of terrestrial carnivores and fishes. Given this competitive dominance, impacts on predators, and other unique predatory behavior, we suggest that humans function as an unsustainable “super predator,” which—unless additionally constrained by managers—will continue to alter ecological and evolutionary processes globally.

Humans have diverged from other predators in behavior and influence. Geographic expansion, exploitation of naïve prey, killing technology, symbioses with dogs, and rapid population growth, among other factors, have long imposed profound impacts—including widespread extinction and restructuring of food webs and ecosystems—in terrestrial and marine systems (13). Despite contributions from the “sustainable exploitation” paradigm (4), contemporary humans can rapidly drive prey declines (57), degrade ecosystems (8, 9), and impose evolutionary change in prey (10, 11). Owing to long-term coevolutionary relationships that generally limit exploitation rates, especially on adult prey, these are extreme outcomes that nonhuman predators seldom impose. Meanwhile, whether present and future exploitation can be considered sustainable is hotly contested, especially in fisheries. Debate has been largely restricted to elements of the sustainable exploitation model, namely, a model of prey abundance and yields to humanity (e.g., 12, 13).

Here, we approach the notion of sustainable exploitation differently by asking whether humans—extreme in their impacts—are extreme in their predatory behavior (14, 15). Previous work has variously estimated exploitation by humans, nonhuman predators, or both, but systematic comparisons have focused on specific taxa or regions, have lumped all predators together, have been reconstructed indirectly, and/or did not include age classes (e.g., 14, 16, 17). We address these limitations with data spanning wildlife, tropical wild meat, and fisheries systems (data files S1 and S2). We examine variation in annual finite exploitation rates of marine fishes from every ocean (n = 1494 estimates, 282 species from 110 communities) and terrestrial mammals from every continent except Antarctica (631 estimates, 117 species from 179 communities) (fig. S1 and tables S1 and S2) by predator type (humans versus nonhuman), ecosystem (marine versus terrestrial), region, and trophic level. We focus on adult prey because hunters and fishers overwhelmingly target adults (18). We complement this quantitative assessment by identifying additionally unique predatory behaviors by humans that (i) facilitate the large differences in exploitation rates we detect and (ii) elicit the manifold consequences of humanity’s predatory hegemony.

Differences in exploitation rates between hunters and terrestrial predators varied among comparisons. Globally and pooled across trophic levels, exploitation rates by hunters (median = 0.06) did not differ from those of carnivores [median = 0.05; Wilcoxon test W = 46076, Padj(2) = 0.11] (Fig. 1A and figs. S2A and S3A). A paired comparison over shared prey within the same community, however, revealed that hunters exploit at higher rates than the highest-exploiting terrestrial predator [paired Wilcoxon test V = 929, Padj(2) = 0.03] (fig. S3B). Additionally, a similar paired comparison showed that the median proportion of mortality (an independent metric) caused by hunters (0.35) was 1.9 times that (0.19) caused by all other predators combined (paired Wilcoxon test V = 1605, P = 0.004) (Fig. 1B).

  
Fig. 1 Patterns of exploitation by human and nonhuman predators on adult prey.

(A) Complementary cumulative distribution functions showing the probability of predators exploiting prey at a rate (R) greater than or equal to a given annual finite exploitation rate (r), on the basis of the number of available individuals in populations (terrestrial mammals) or biomass (marine fishes). (B) Proportion of annual mortality caused by hunters and all other (i.e., aggregated) terrestrial predators consuming the same prey population. (C and D) Exploitation rates of human and nonhuman predators across trophic levels in (C) terrestrial and (D) marine systems. Whiskers represent distance from upper and lower quartiles to largest and smallest nonoutliers. [Art by T. Saxby, K. Kraeer, L. Van Essen-Fishman/ian.umces.edu/imagelibrary/ and K. Eberlins/123rf.com]

Trophic level and regional analyses (across taxa and areas with abundant data) revealed additional patterns. Although globally pooled comparisons showed that hunters and terrestrial predators exploited herbivores (artiodactyls) at similar rates [W = 14751, Padj(9) = 1.00] (Fig. 1C), hunters in North America and Europe exploited herbivores at median rates 7.2 and 12.5 times those of hunters in Africa [both Padj(9) < 0.04]; rates did not differ statistically between hunters and terrestrial predators within any of the regions (fig. S4A). Globally, hunters exploited mesocarnivores [W = 248, Padj(9) = 0.03] and large carnivores [W = 181, Padj(9) < 0.001] at higher rates than nonhuman predators by factors of 4.3 and 9.2, respectively (Fig. 1C). Remarkably, hunters exploited large carnivores at 3.7 times the rate that they killed herbivores [W = 2697, Padj(9) < 0.001] (Fig. 1C).

Fisheries exploited adult prey at higher rates than any other of the planet’s predators (Fig. 1A and fig. S2B). Among nonhuman predators across all oceans, 50% of exploitation rates were less than 1% of annual adult biomass. In contrast, fisheries exploited more than 10% of adult biomass in 62% of cases. Overall, the median fishing rate (0.14) was 14.1 times the take (0.01) by marine predators [W = 83614, Padj(2) < 0.001] (fig. S3A). In paired comparisons, median fisheries exploitation (0.17) was 3.1 times the median rate (0.06) by the highest exploiting marine predator of the same prey [V = 382, Padj(2) = 0.02] (fig. S3B). At all trophic levels, humans killed fishes at higher rates than marine predators [all Padj(9) < 0.04] (Fig. 1D), but there were no differences in take by each predator across trophic levels [all Padj(9) ≥ 0.5]. Pooling all trophic levels, the median rate of Atlantic fisheries exploitation (0.20) was 2.9 times that of Pacific fisheries [median = 0.07, W = 6633, Padj(4) < 0.001] (fig. S4B).

Although our varied data set could impose biases in both directions (supplementary text), we reveal striking differences in exploitation rates between nonhuman predators and contemporary humans, particularly fishers and carnivore hunters. Interactions between human and natural systems likely underlie patterns. For example, global seafood markets, industrial processing, relatively high fecundity among fishes, and schooling behavior could, in part, explain the particularly high fisheries take, whereas gape limitation by piscivores and a generally species-rich marine environment might explain why marine predator rates are comparatively low. Higher human densities and reduced fish biomass (from longer exploitation) likely explain higher fishing rates in the Atlantic versus Pacific oceans. Moreover, motivations to kill typically inedible carnivores for trophy and competitive reasons [intraguild predation; (7)] are evidently powerful and drive acutely high rates. Although, in terms of numbers, it is easy to exploit high proportions of (less abundant) carnivore populations, the implications remain profound (below). In addition, whereas declines in tropical wild meat (5) might predict an opposite pattern, lower hunting rates of African herbivores could relate to simpler technology, less reporting, and/or longer adaptation to human predation.

Whereas sociopolitical factors can explain why humans repeatedly overexploit (19), cultural and technological dimensions can explain how. Human predatory behavior evolved much faster than competing predators and the defensive adaptations of prey (20). Indeed, division of labor, global trade systems, and dedicated recreational pursuit have equipped highly specialized individuals with advanced killing technology and fossil fuel subsidy that essentially obviate energetically expensive and formerly dangerous search, pursuit, and capture. Moreover, agri- and aquaculture, as well as an ever-increasing taxonomic and geographic niche, leave an enormous and rapidly growing human population demographically decoupled from dwindling prey. In fact, low prey abundance can drive aggressive exploitation, because of the increased economic value of rare resources (21).

Emerging evidence suggests that the consequences of dominating adult prey are considerable. For example, human preference for large ornaments and/or large body size has fundamentally altered the selective landscape for many vertebrates. Not only can this rapidly alter morphological and life-history phenotypes (11), the resulting changes can modify the reproductive potential of populations (22) and ecological interactions within food webs [e.g., (23)]. In addition, owing to different behavior (e.g., age-class preferences and seasonality of exploitation), hunters likely cannot substitute for carnivores as providers of ecological services [e.g., regulation of disease and wildfire (7, 9), as well as mesopredator control (8, 24)]. Finally, less explored is the potentially substantial impact of prey biomass removal from ecosystems; global trade and sanitation systems shunt energy and nutrients from food webs of provenance to distant landfills and sewers.

These implications, the high exploitation rates that drive them, and the broadest taxonomic niche of any consumer uniquely define humans as a global “super predator.” Clearly, nonhuman predators influence prey availability to humans [e.g., (25)]. But overwhelmingly these consumers target juveniles (18), the reproductive “interest” of populations. In contrast, humans—released from limits other predators encounter—exploit the “capital” (adults) at exceptionally high rates. The implications that can result are now increasingly costly to humanity (26) and add new urgency to reconsidering the concept of sustainable exploitation.

Transformation requires imposing limits of humanity’s own design: cultural, economic, and institutional changes as pronounced and widespread as those that provided the advantages humans developed over prey and competitors. This includes, for example, cultivating tolerance for carnivores (7), designing catch-share programs (27), and supporting community leadership in fisheries (28). Also key could be a new definition of sustainable exploitation that focuses not on yields to humanity but rather emulates the behavior of other predators (14). Cultural, economic, and technological factors would make targeting juvenile prey challenging in many cases. Aligning exploitation rates on adults with those of competing predators, however, would provide management options between status quo exploitation and moratoria. Recent approaches to resolve controversies among fisheries scientists reveal how distant such predator-inspired management prescriptions are now. For example, although the mean “conservative” fishing rate estimated to rebuild multispecies fisheries across 10 ecosystems (0.04) is one-fourth their maximum sustainable yield rates (0.16) (13), it remains 4 times the median value we estimated among marine predators globally (0.01). Consequently, more aggressive reductions in exploitation are required to mimic nonhuman predators, which represent long-term models of sustainability (14).

Supplementary Materials

  • Received for publication 24 April 2015.
  • Accepted for publication 13 July 2015.

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  2. Acknowledgments: We thank M. Arseneau, L. Grant, H. Kobluk, J. Nelson, and S. Leaver for data collection; L. Reshitnyk for creating fig. S1; and P. Ehlers and J. Ehlers for statistical assistance. S. Anderson, J. Baum, T. Branch, J. Brashares, A. Calestagne, S. Carlson, T. Davies, D. Kramer, T. Levi, J. Reynolds, and the “Ecology@UVic” discussion group offered insight on drafts. We thank the Raincoast Conservation, Tula, Wilburforce, and Willowgrove Foundations. C.T.D. and T.E.R. acknowledge Natural Sciences and Engineering Research Council of Canada Discovery Grant 435683 and National Research Council Canada Operating Grant 2354, respectively. Data and R code available in Dryad (doi:10.5061/dryad.238b2). T.E.R. conceived of the idea and created the preliminary data set. C.T.D., H.M.B., C.H.F., and T.E.R. designed the research. C.T.D. led data collection and project management. H.M.B., C.T.D., and C.H.F. conducted analyses. C.T.D., C.H.F., H.M.B., and T.E.R. wrote the manuscript.

L’humain préfère la cage de son système social plutôt que la liberté de la nature

L’étude des stratégies comportementales de l’espèce humaine en société incluant les déviances du système qui induisent ces comportements est un sujet complexe à documenter par l’étendue des compétences requises.

Il devient plus facile à maîtriser en utilisant des analogies comparatives comme le fait ici l’auteur Armand Farrachi dans son livre « Les poules préfèrent les cages » dont voici quelques extraits significatifs.

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http://partage-le.com/2015/08/les-poules-preferent-les-cages-armand-farrachi/

Les poules préfèrent les cages! (Armand Farrachi)

coverpoules2

Cet article est composé d’extraits tirés du livre « les poules préfèrent les cages », d’Armand Farrachi (Éditeur : Yves Michel Editions (2012)).

Chaque fois que le cœur ou la raison poussent à s’indigner des cruautés infligées à des êtres sensibles pour des motifs qui les dépassent, économiques, scientifiques ou politiques, il est heureux qu’un spécialiste se dresse quelque part pour rétablir la vérité contre les préjugés. Faute de travaux approfondis ou d’études poussées, les ignorants, les imbéciles ou les naïfs ont, par exemple, tendance à croire spontanément qu’une poule, une simple poule, préfère courir au soleil, gratter la terre, battre des ailes et se percher plutôt que de piétiner dans une cage de fer où le jour ne s’aventure jamais. Par bonheur, les savants, ou plutôt, ainsi qu’ils aiment à se présenter eux-mêmes, « les membres de la communauté scientifique », qui se sont penchés sur la question avec des instruments adéquats et des méthodes éprouvées, sont là pour les détromper.

Après avoir étudié « de longues années », et (selon l’expression du magazine professionnel La France agricole) de façon « relativement sophistiquée », le comportement de « plusieurs groupes de poules », des membres de cette communauté scientifique ont constaté qu’elles manifestaient en semi-liberté une tendance à l’agressivité et parfois au cannibalisme, alors qu’en cage elles se contentaient de s’arracher leurs propres plumes. Les chercheurs, qui n’auront donc jamais trouvé de poules qu’en situation de conflit et en état de stress, en viendraient vite à éliminer d’office le facteur liberté pour se demander si elles n’éprouveraient pas un plus grand « bien-être » en captivité. Dans leur langage, il faut le savoir, « le bien-être d’un animal est jugé satisfaisant s’il se sent en sécurité, n’éprouve pas de douleur, ne présente pas de symptôme d’ennui ou de frustration ».

La comparaison impose l’évidence : les poules préfèrent les cages.

En exagérant à peine, la question ne serait donc même pas de se demander comment une poule parvient à survivre en si dure captivité, mais bien de prouver scientifiquement qu’entre la basse-cour et la batterie industrielle la poule préfère la cage. Il n’y aura bientôt plus lieu de s’étonner qu’à l’aube du XXIe siècle, dans une société « avancée », de haut niveau culturel, scientifique et technique, on se propose de prouver et d’imprimer, en toutes lettres, noir sur blanc, dans des publications officielles destinées à informer ou à convaincre, qu’un être vivant à qui la nature a donné des membres pour courir, des ailes pour voler, un bec pour picorer, lorsqu’il a le choix entre la liberté et la détention, préfère être incarcéré.

poules

Ce que prouvent d’abord, dans leur ambition de faire autorité, de tels résultats, c’est une confiance à peu près illimitée en un processus d’abrutissement collectif, sur lequel il faudra revenir. C’est aussi que l’objectif à peine dissimulé de l’économie mondialisée est de soumettre le vivant aux conditions de l’industrie. C’est encore que la science est de plus en plus souvent appelée à la rescousse pour définir une faculté d’adaptation optimale aux pires contraintes du productivisme. Ce ne sera d’ailleurs pas la première fois, ni, assurément, la dernière, que les membres les plus zélés de la communauté scientifique voudront savoir jusqu’où peuvent être exactement reculées les limites du supportable, dans une perspective d’applications rationnelles, systématiques et normatives dont on commence à suggérer qu’elles pourraient être assimilées à un « bien-être ».

En ce sens, le sort des poules, qui ne vivent plus nulle part à l’état sauvage, qui n’ont plus aucun milieu naturel pour les accueillir, augure si bien du nôtre, au moins à titre symbolique, que le malheureux volatile ne figure ici, pour quelques pages encore, que comme métaphore. Aux yeux de l’économie fanatisée, le vivant en général et l’humain en particulier ont été, sont ou seront logés, c’est le cas de le dire, à la même enseigne, ainsi qu’on n’aura que trop vite et trop souvent l’occasion de le vérifier. Puisqu’il est donc possible de prouver que les poules préfèrent les cages, et aussi, précisons-le, que les veaux préfèrent être enchaînés tout seuls dans l’obscurité (faute de quoi ils se piétinent), que les porcs préfèrent être garrottés dans l’ordure (sinon ils s’entre-dévorent), il y a tout lieu de croire que, en y menant l’application nécessaire, on prouverait tout aussi bien que les otaries préfèrent les cirques, les orques les bassins, les poissons les bocaux, les lapins les clapiers ou les loups les enclos. Allons plus loin. Après des études convenablement menées et « relativement sophistiquées », certains n’iraient-ils pas jusqu’à prétendre que les Indiens préfèrent vivre dans des réserves, les Juifs ou les Tziganes dans des camps de concentration, que les Noirs préfèrent voyager dans la soute des navires, avec des fers aux pieds et un carcan au cou, ainsi qu’ils en administrent encore aujourd’hui la preuve en préférant s’entasser par dizaines dans des rafiots de fortune pour fuir des pays où, laissés en liberté et livrés à eux-mêmes, ils n’ont que trop tendance à s’entre déchirer ? Tel était en tout cas l’argument avancé par les esclavagistes du XIXe siècle : la servitude protégeait les nègres des guerres tribales, des mutilations rituelles et du cannibalisme, ce qui promouvait l’esclavage en mission « humanitaire », pour reprendre une des expressions les mieux portées d’aujourd’hui. Pauvres cannibales, si anxieux d’être protégés de leurs semblables ! Du temps où il suffisait de les appeler ainsi pour s’estimer fondé à les exterminer, Montaigne rapporte que les Indiens « cannibales » déportés et promenés dans les rues de Rouen « avaient aperçu qu’il y avait parmi nous des hommes pleins et gorgés de toutes sortes de commodités et que leurs moitiés (ils ont une façon de leur langage telle qu’ils nomment les hommes moitiés les uns des autres) étaient mendiants à leurs portes, décharnés de faim et de pauvreté, et trouvaient étrange comme ces moitiés-ci nécessiteuses pouvaient souffrir une telle injustice qu’ils ne prissent les autres à la gorge ou missent le feu à leurs maisons ».

En ces temps d’obscurité scientifique, ces sauvages ignoraient encore, du fond de leur sauvagerie, qu’on pourrait un jour prouver que ces « moitiés » préféraient leur misère à l’opulence des autres, et qu’au cannibalisme et aux luttes de clans on opposerait la panacée des travaux forcés au fond des mines d’argent, en tout point préférable aux risques et aux tensions de la vie communautaire.

Un homme en cage dans la citadelle de Kowloon (Hong-Kong) - image tirée du film documentaire "le Syndrome du Titanic"

Un homme en cage dans la citadelle de Kowloon (Hong-Kong) – image tirée du film documentaire « le Syndrome du Titanic«

Si les poules préfèrent les cages (on ne le soulignera jamais assez), on ne voit pas pourquoi les humains ne préféreraient pas les conditions qui leur sont faites, aussi pénibles, aussi outrageantes soient-elles, à une liberté dont ils ne sauraient faire bon usage et qu’ils retourneraient contre eux-mêmes. Il suffirait de leur expliquer, éventuellement de leur prouver, qu’ils n’ont rien à espérer de mieux que les règles imposées par d’autres, et qu’il leur en cuirait bien davantage à vouloir les changer ou s’en affranchir. […]

Chaque fois qu’une forêt est rasée, qu’une rivière est canalisée, que les animaux sauvages sont chassés ou abattus, que les prairies sont stérilisées, viabilisées, loties et bâties, un cadre artificiel, arbitraire et autoritaire est substitué à la libre nature. À mesure qu’on nous prive d’arbres, de sources et d’oiseaux, on nous pousse vers des parkings, des routes, des compteurs, des péages, des « cités », des « espaces verts », des « espaces de liberté », des bacs à sable et des programmes télévisés. Tout ce qui nous est ôté de nature nous est rendu en contraintes. Nous ne sommes plus amenés à nous situer dans le cycle des saisons, dans la succession des horizons ou dans la chaîne des générations, mais renvoyés à notre individualité, au chacun chez soi et au chacun pour soi, à des espaces restreints, à l’immédiat et au court terme. On vend dès à présent des casques, pour les oreilles aussi bien que pour les yeux, qui limitent la portée des sens à la surface des organes récepteurs et ne livrent du monde, au-delà de la cornée ou du tympan, que l’illusion. Nous ne sommes pas davantage invités à trouver notre place dans l’ordre de la nature, mais forcés de la gagner dans les symboles de la société, dans une des niches à prendre ou à laisser que nous assignent les préposés du grand chenil social. Dans cet univers tautologique qui ne renvoie qu’à ses propres signaux, tout ce qui dépasse l’individu tend à devenir anxiogène. La moindre présence est perçue comme une gêne ou une menace, la ville comme un milieu oppressant et malsain, la rue comme un espace dangereux, saturé de flèches, de balises, de passages. Les poules préfèrent les cages obligatoires et de sens interdits. Sans plus de rapport avec les rythmes du jour ou des saisons, avec le retour des migrateurs ou la montée de la sève, un temps purement chronométrique exerce sa pression ininterrompue. Perdus dans l’infinie division des tâches, séparés de leur résultat, les gestes du travail s’apparentent à des rituels abstraits, et des images en 3-D n’offrent plus de l’extérieur qu’une réalité de synthèse. Passer du travail au loisir revient à passer de l’écran de l’ordinateur à l’écran de la télévision. Ainsi se constitue peu à peu un univers d’écrans, un univers-écran, entre ce qu’il reste du monde et ce qu’il reste de nous. Dans ce système de signes, sans arbres, sans étoiles et sans soleil, l’informatisation du monde continue d’opérer sur ses sujets une exérèse de la réalité, une codification, une virtualisation du réel, comme si toute dimension spatio-temporelle s’était soudain changée en un réseau immatériel de grilles, de codes, de connexions et d’interdépendances. […]

De même que les industriels ont tout intérêt à polluer l’eau pour la dépolluer afin de la vendre et de la distribuer comme un produit, à « mazouter » ou à « amianter » pour « démazouter » et « désamianter » ensuite, à empoisonner l’air pour nous vendre des masques, ou à détruire la nature pour nous en vendre des représentations, ils ont tout intérêt à rendre la société cannibale, la concurrence sauvage et la ville agressive afin de favoriser une préférence pour les bulles et les cocons habitables, c’est-à-dire équipés de tous les biens qui permettront d’y survivre « sans symptômes de frustration ni d’ennui » grâce aux images qu’ils auront fabriquées pour les y déverser et aux anxiolytiques qui les rendent supportables. Grâce à la « convivialité » des villes modernes, les systèmes de surveillance, d’alarme et de sécurité achèveront de fortifier ces refuges en bunkers. […]

L’expérience montre qu’un individu investi d’une autorité, pourvu d’un poste officiel et d’un grade universitaire élevé peut affirmer haut et fort, le regard clair et le sourire aux lèvres, qu’il est moins dangereux de vivre près d’une centrale nucléaire que sur un site granitique, que la progression démographique crée des emplois, que le sida n’affecte que les homosexuels, que les nuages radioactifs s’arrêtent aux frontières, que les bombardements sont effectués dans l’intérêt des populations bombardées, qu’une coupe à blanc régénère la forêt, que la « libre compétition » entre les paysans du Sahel et ceux du Midwest « optimise la production mondiale », qu’abattre les oiseaux migrateurs avant leur reproduction ne retentit en rien sur leur population, que la préservation de la couche d’ozone indispensable à toute vie terrestre coûte trop cher pour être envisagée, que le clonage permettra de sauver les espèces menacées, que la déportation des populations poursuit un but humanitaire, que la destruction du monde est inhérente à la marche du progrès, ou encore, rappelons-le, que les poules préfèrent les cages. […]

Armand Farrachi

Lien associé: http://www.ogmdangers.org/intro/biblio/les_poules.htm

 

Pour la science, pour l’économie, nous n’avons plus à définir notre bien-être en fonction de nos besoins ou de nos rêves, mais selon les nécessités de l’industrie et des marchés.

Une étude «scientifique» sur le comportement des poules élevées en batterie a conclu qu’elles n’étaient pas gênées par leur cage, mais s’y trouvaient au contraire plus en sécurité qu’ailleurs. De là à prétendre que les poules préfèrent les cages, il n’y a qu’un pas. Pourquoi ne pas dire alors que les veaux préfèrent l’obscurité, les otaries les cirques, les Indiens les réserves, ou que les humains se plaisent dans un environnement dévasté ?

La science n’a plus pour but de comprendre le monde physique ou d’en maîtriser le fonctionnement, mais cherche désormais à justifier l’enfermement, la violence ou l’oppression. Ce livre dénonce la déshumanisation de notre société par l’industrie et les technologies.

Après l’avoir lu, on ne pourra plus dire : «je ne savais pas». Son ironie cinglante s’inscrit dans la tradition polémique des siècles passés.

«Si les poules préfèrent les cages (on ne le soulignera jamais assez), on ne voit pas pourquoi les humains ne préféreraient pas les conditions qui leur sont faites, aussi pénibles, aussi outrageantes soient-elles, à une liberté dont ils ne sauraient faire bon usage et qu’ils retourneraient contre eux.

 

« Le monde s’approche d’une grande catastrophe économique. Et personne n’en parle »

Jacques Atali présente ici une analyse confinée à la Chine, mais dont l’ampleur significative est aussi représentative des déséquilibres systémiques mondiaux précurseurs à un effondrement.

Ce problème est sous la gouvernance irresponsable d’individus dont les stratégies comportementales encouragent l’accélération du développement économique monétaire capitaliste au détriment du développement humain novateur : les politiciens et leurs complices entrepreneurs opportunistes et industriels.

Cette obsession psychologique maladive du développement d’un concept social purement virtuel qu’est « l’argent » contribue également à accélérer une crise planétaire environnementale et climatique dont la seule issue possible est l’effondrement de la civilisation et l’extinction possible de la vie, incluant celle de l’espèce humaine elle-même.

À moins que l’homme soit suffisamment évolué pour réformer complètement les concepts et mécanismes sociaux de sa civilisation et le faire rapidement et juste à temps, car il commence à être presque un peu trop tard pour agir, du moins ça l’est pour prévenir une partie des impacts.

Il est urgent de réformer la fondation de l’économie sur une base humaine et non monétaire. Car ce n’est pas l’argent qui peut mesurer la valeur d’une société ni nourrir sa population mais bien la valeur des individus par leur apport novateur à la collectivité en créant des solutions viables et durables.

Il est urgent de favoriser des comportements de survie et d’évolution de l’espèce en symbiose avec l’environnement biophysique et non en surexploitant ses ressources au bénéfice d’un système qui consume tout le reste à petit feu sans vraiment apporter grand chose de viable…

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http://blogs.lexpress.fr/attali/2015/08/17/la-crise-acte-2/

La crise, Acte 2

Pour avoir écrit ici le 4 février dernier (voir L’Express N•3318) qu’une nouvelle crise économique mondiale menaçait, et en avoir révélé les signes avant-coureurs, j’ai déclenché d’innombrables ricanements. L’analyse est encore plus vraie aujourd’hui : le monde s’approche d’une grande catastrophe économique. Et personne n’en parle.

Nul ne voit, en particulier, que ce qui se joue en Chine peut entraîner, par contagion, une dépression planétaire si nous n’agissons pas vite, de façon préventive. L’évolution chinoise était prévisible : sa croissance à 10% par an ne pouvait être durable et le ralentissement était inévitable. De plus, la Chine n’est plus compétitive, au cœur d’une Asie dont nombre de pays s’éveillent à leur tour. L’Empire du Milieu n’a pas su, comme l’ont fait les Etats-Unis et le Japon en leur temps, créer des firmes de taille internationale, avec des marques mondiales. La catastrophe de Tianjin aggrave cette menace dans des proportions considérables, paralysant une ville de 15 millions d’habitants, l’un des premiers lieux d’exportation et d’importation du pays, et rappelant, après d’autres événements du même genre, combien ce pays souffre des censures que lui imposent les exigences d’un parti unique.

Les conséquences de cette situation peuvent être désastreuses pour le régime. La récession a, en effet, entraîné une baisse de plus d’un tiers de la valeur de la Bourse, où les 200 millions de membres de la classe moyenne ont investi la moitié de leur épargne, mise en réserve pour financer les frais de santé et d’éducation familiaux, ainsi que leurs retraites, que l’Etat ne couvre pas. De plus, si la croissance continue de ralentir, c’est l’exode rural qui va s’essouffler, réduisant la demande de logements et menant l’immobilier à l’effondrement, ce qui détruira l’autre moitié de l’épargne de la classe moyenne. Et rien n’est plus dangereux, pour tout régime, que de ruiner sa classe moyenne, ossature de tout ordre social.

La manipulation du taux de change ne suffira pas à enrayer cette chute. Au contraire, même, elle peut l’aggraver en mettant la Chine en situation de dépendre du bon vouloir des spéculateurs internationaux, et en incitant d’autres pays à agir sur leur taux de change pour rétablir leur compétitivité.

Au total, la récession chinoise, si elle se confirme, entraînera celle du Brésil, qui provoquera celle des Etats-Unis puis la nôtre. Cette menace, aujourd’hui négligée, sera bientôt d’actualité. Au plus tard lors du G7 d’Istanbul, en septembre, les dirigeants occidentaux devront débattre d’un éventuel plan de relance. Seulement voilà : nos Etats ne disposent plus, comme en 2008, de marges de manœuvre budgétaires, et nos banques centrales n’ont plus la possibilité, comme en 2010, de diminuer leurs taux d’intérêt.

Alors, que reste-t-il pour relancer la croissance ? La solution la plus folle, la plus facile, serait d’imprimer encore plus de billets, comme on le fait déjà aux Etats-Unis, au Japon, en Grande-Bretagne et dans la zone euro. Cela finirait par ruiner les épargnants, c’est-à-dire les seniors, aujourd’hui grands vainqueurs d’un monde sans enfants, sans pour autant donner du travail et des perspectives de croissance aux plus jeunes.

Nous avons encore tous les moyens d’empêcher un tel scénario et, même, de ne pas se contenter d’une stagnation sans création d’emplois, qui semble pourtant être aujourd’hui la meilleure hypothèse. L’économie mondiale a les possibilités d’une très forte croissance, d’un genre nouveau, à condition de mettre en place des mécanismes de coordination, de réorientation et de surveillance planétaires ; de penser l’économie en fonction de l’intérêt des générations suivantes ; de lutter contre les rentes économiques, financières, sociales et politiques ; et de favoriser les innovations de toutes natures. Cela suppose de l’audace, de la confiance, de la transparence. Toutes choses que les politiques, quels que soient les régimes, détestent par-dessus tout.

j

Jacques Attali

jacques attali lexpress

Professeur, écrivain, conseiller d’Etat honoraire, conseiller spécial auprès du Président de la République de1981 à 1991, fondateur et premier président de la Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement à Londres de 1991 à 1993, je suis maintenant président de A&A, société internationale de conseils, spécialisée dans les nouvelles technologies, basée à Paris, et président de PlaNet Finance, organisation internationale à but non lucratif, rassemblant l’ensemble des institutions de microfinance du monde.

J’ai fondé en 1980 Action Contre la Faim; en 1984 le programme européen Eurêka (programme majeur européen sur les nouvelles technologies qui a inventé, entre autres, le MP3). J’ai aussi lancé, en 1989, un programme international d’action contre les inondations catastrophiques au Bangladesh.

Ensuite, j’ai conseillé le secrétaire général des Nations Unies sur les risques de prolifération nucléaire.

Je suis à l’origine de la réforme de l’enseignement supérieure, dite LMD, qui harmonise tous les diplômes européens. Docteur d’Etat en Sciences économiques, je suis diplômé de l’Ecole Polytechnique, (major de la promotion 1963), de l’Ecole des Mines, de l’Institut d’Etudes Politiques et de l’Ecole Nationale de l’Administration.

J’ai enseigné l’économie théorique à l’Ecole Polytechnique, à l’École des Ponts et Chaussées et à l’Université Paris-Dauphine. Je suis docteur honoris causa de plusieurs universités étrangères et membre de l’Académie Internationale des Cultures.

Je suis chroniqueur à L’Express et l’auteur de plus de cinquante livres, traduits dans plus de vingt langues et diffusés à plus six millions d’exemplaires dans le monde entier: des essais (traitant de sujets variés allant de l’économie mathématique à la musique), des romans, des contes pour enfants, des biographies et des pièces de théâtre.

Les déviances du capitalisme analysées par Einstein

Une analyse exacte et d’actualité datant de 1949 de la part de nul autre que Albert Einstein. 
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http://www.humanite.fr/le-capitalisme-voila-la-source-du-mal-ecrit-einstein-581478

Le capitalisme, voilà la « source du mal », écrit Einstein

Ce texte a été écrit par Albert Einstein en mai 1949 et publié dans la revue américaine progressiste «Monthly Review».

  
Albert Einstein: «Est-il convenable qu’un homme qui n’est pas versé dans les questions économiques et sociales exprime des opinions au sujet du socialisme ? Pour de multiples raisons, je crois que oui.»

Je suis maintenant arrivé au point où je peux indiquer brièvement ce qui constitue pour moi l’essence de la crise de notre temps. Il s’agit du rapport entre l’individu et la société. L’individu est devenu plus conscient que jamais de sa dépendance à la société. Mais il n’éprouve pas cette dépendance comme un bien positif, comme une attache organique, comme une force protectrice, mais plutôt comme une menace pour ses droits naturels, ou même pour son existence économique. En outre, sa position sociale est telle que les tendances égoïstes de son être sont constamment mises en avant, tandis que ses tendances sociales qui, par nature, sont plus faibles, se dégradent progressivement. Tous les êtres humains, quelle que soit leur position sociale, souffrent de ce processus de dégradation. Prisonniers sans le savoir de leur propre égoïsme, ils se sentent en état d’insécurité, isolés et privés de la naïve, simple et pure joie de vivre. L’Homme ne peut trouver de sens à la vie, qui est brève et périlleuse, qu’en se dévouant à la société.

L’anarchie économique de la société capitaliste, telle qu’elle existe aujourd’hui, est, à mon avis, la source réelle du mal.

Nous voyons devant nous une immense société de producteurs dont les membres cherchent sans cesse à se priver mutuellement du fruit de leur travail collectif – non pas par la force, mais, en somme, conformément aux règles légalement établies. Sous ce rapport, il est important de se rendre compte que les moyens de la production – c’est-à-dire toute la capacité productive nécessaire pour produire les biens de consommation, ainsi que, par surcroît, les biens en capital – pourraient légalement être, et sont même pour la plus grande part, la propriété privée de certains individus.

Pour des raisons de simplicité, je veux, dans la discussion qui va suivre, appeler « ouvriers » tous ceux qui n’ont point part à la possession des moyens de production, bien que cela ne corresponde pas tout à fait à l’emploi ordinaire du terme. Le possesseur des moyens de production est en état d’acheter la capacité de travail de l’ouvrier. En se servant des moyens de production, l’ouvrier produit de nouveaux biens qui deviennent la propriété du capitaliste. Le point essentiel dans ce processus est le rapport entre ce que l’ouvrier produit et ce qu’il reçoit comme salaire, les deux choses étant évaluées en termes de valeur réelle.

Dans la mesure où le contrat de travail est « libre », ce que l’ouvrier reçoit est déterminé non pas par la valeur réelle des biens qu’il produit, mais par le minimum de ses besoins et par le rapport entre le nombre d’ouvriers dont le capitaliste a besoin et le nombre d’ouvriers qui sont à la recherche d’un emploi. Il faut comprendre que même en théorie, le salaire de l’ouvrier n’est pas déterminé par la valeur de son produit.

Le capital privé tend à se concentrer en peu de mains, en partie à cause de la compétition entre les capitalistes, en partie parce que le développement technologique et la division croissante du travail encouragent la formation de plus grandes unités de production aux dépens des plus petites. Le résultat de ces développements est une oligarchie de capitalistes dont la formidable puissance ne peut effectivement être refrénée, pas même par une société qui a une organisation politique démocratique. Ceci est vrai, puisque les membres du corps législatif sont choisis par des partis politiques largement financés ou autrement influencés par les capitalistes privés qui, pour tous les buts pratiques, séparent le corps électoral de la législature. La conséquence en est que, dans le fait, les représentants du peuple ne protègent pas suffisamment les intérêts des moins privilégiés. De plus, dans les conditions actuelles, les capitalistes contrôlent inévitablement, d’une manière directe ou indirecte, les principales sources d’information (presse, radio, éducation). Il est ainsi extrêmement difficile pour le citoyen, et dans la plupart des cas tout à fait impossible, d’arriver à des conclusions objectives et de faire un usage intelligent de ses droits politiques.

UNE « ARMÉE » DE CHÔMEURS

La situation dominante dans une économie basée sur la propriété privée du capital est ainsi caractérisée par deux principes importants: premièrement, les moyens de production (le capital) sont en possession privée et les possesseurs en disposent comme ils le jugent convenable; secondement, le contrat de travail est libre. Bien entendu, une société capitaliste pure dans ce sens n’existe pas. Il convient de noter en particulier que les ouvriers, après de longues et âpres luttes politiques, ont réussi à obtenir, pour certaines catégories d’entre eux, une meilleure forme de « contrat de travail libre». Mais, prise dans son ensemble, l’économie d’aujourd’hui ne diffère pas beaucoup du capitalisme « pur».

La production est faite en vue du profit et non pour l’utilité. Il n’y a pas moyen de prévoir que tous ceux qui sont capables et désireux de travailler pourront toujours trouver un emploi; une « armée » de chômeurs existe déjà. L’ouvrier est constamment dans la crainte de perdre son emploi. Et puisque les chômeurs et les ouvriers mal payés sont de faibles consommateurs, la production des biens de consommation est restreinte et a pour conséquences de grands inconvénients. Le progrès technologique a souvent pour résultat un accroissement du nombre de chômeurs, plutôt qu’un allégement du travail pénible pour tous. L’aiguillon du profit en conjonction avec la compétition entre les capitalistes est responsable de l’instabilité dans l’accumulation et l’utilisation du capital qui amène des dépressions économiques de plus en plus graves. La compétition illimitée conduit à un gaspillage considérable de travail et à la mutilation de la conscience sociale des individus dont j’ai fait mention plus haut.

Je considère cette mutilation des individus comme le pire mal du capitalisme.

Tout notre système d’éducation souffre de ce mal. Une attitude de compétition exagérée est inculquée à l’étudiant, qui est dressé à idolâtrer le succès de l’acquisition comme une préparation à sa carrière future.
POUR LE SOCIALISME

Je suis convaincu qu’il n’y a qu’un seul moyen d’éliminer ces maux graves, à savoir l’établissement d’une économie socialiste, accompagnée d’un système d’éducation orienté vers des buts sociaux. Dans une telle économie, les moyens de production appartiendraient à la société elle-même et seraient utilisés d’une façon planifiée.

Une économie planifiée, qui adapte la production aux besoins de la société, distribuerait le travail à faire entre tous ceux qui sont capables de travailler et garantirait les moyens d’existence à chaque homme, à chaque femme, à chaque enfant. L’éducation de l’individu devrait favoriser le développement de ses facultés innées et lui inculquer le sens de la responsabilité envers ses semblables, au lieu de la glorification du pouvoir et du succès, comme cela se fait dans la société actuelle.

Il est cependant nécessaire de rappeler qu’une économie planifiée n’est pas encore le socialisme. Une telle économie pourrait être accompagnée d’un complet asservissement de l’individu. La réalisation du socialisme exige la solution de quelques problèmes sociopolitiques extrêmement difficiles: comment serait-il possible, en face d’une centralisation extrême du pouvoir politique et économique, d’empêcher la bureaucratie de devenir toute-puissante et présomptueuse ? Comment pourrait-on protéger les droits de l’individu et assurer un contrepoids démocratique au pouvoir de la bureaucratie ? La clarté au sujet des buts et des problèmes du socialisme est de la plus grande importance à notre époque de transition. Puisque, dans les circonstances actuelles, la discussion libre et sans entrave de ces problèmes a été soumise à un puissant tabou, je considère que la fondation de cette revue est un important service rendu au public.

L’effondrement, analyse critique du livre

https://jeanneemard.wordpress.com/2015/08/10/leffondrement/

L’effondrement

collapsologie

Quand j’ai écrit un billet sur le livre Destruction massive – Géopolitique de la faim de Jean Ziegler, je n’ai pas pu faire autrement que de le qualifier de livre d’horreur. Bien que l’image était selon moi bien choisie, elle s’applique encore plus à Comment tout peut s’effondrer : petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes de Pablo Servigne et Raphaël Stevens.

Le début

«Tout le monde a su que le GIEC avait publié un nouveau rapport sur l’évolution du climat en 2014, mais a-t-on vu un réel débat sur ces nouveaux scénarios climatiques et sur leur implication en termes de changement social? Non, bien sûr. Trop catastrophiste.»

Cette citation, tirée de l’introduction du livre, met bien la table pour la suite. Comment cela se fait-il que la population et les politiciens n’aient pas réagi davantage face à ce rapport plus qu’inquiétant? Avant d’aborder ce genre de question, les premiers chapitres présentent plutôt le portrait de la situation actuelle et à venir de façon prévisible.

Pour les auteurs, l’effondrement est «le processus à partir duquel les besoins de base (eau, alimentation, logement, habillement, énergie, etc.) ne sont plus fournis (à un coût raisonnable) à une majorité de la population par des services encadrés par la loi». Il s’agit d’un processus à grande échelle irréversible, mais ce n’est pas la fin. On ne sait pas trop à quoi aura l’air la suite, mais, selon l’ampleur et la soudaineté de cet effondrement «la situation pourrait devenir incommensurablement catastrophique», le mot le plus important ici étant «pourrait»…

L’état des lieux ou les prémices d’un effondrement

Dans la première partie du livre, les auteurs présentent l’état des lieux. Je ne ferai ici que mentionner leurs principaux constats. Le premier d’entre eux est que la croissance exponentielle que l’économie mondiale a connue au cours des derniers siècles fera face à un plafond, soit la capacité de charge de la Terre. Ce plafond se concrétise par des limites et des frontières.

Les limites sont des quantités maximales à la fois de stocks (énergies fossiles, matières premières, etc.) et de flux (eau, bois, aliments, etc.), renouvelables certes, mais qu’on exploite à des rythmes supérieurs à leur capacité de régénération. Les frontières sont les seuils à ne pas dépasser «sous peine de déstabiliser et de détruire les systèmes qui maintiennent notre système en vie»: climat, écosystèmes, etc. Sachant que l’atteinte d’une seule des limites et le dépassement d’une seule des frontières suffiraient à sérieusement déstabiliser la civilisation, on peut imaginer les conséquences de l’atteinte de plusieurs limites et du dépassement plusieurs frontières simultanément.

– Les limites

L’énergie est au cœur de toute civilisation, surtout «industrielle et consumériste» comme la nôtre. Or, la principale source d’énergie, le pétrole, a déjà atteint son pic. Certes d’autres gisements sont découverts, mais ils sont beaucoup moins productifs. Sans énergie accessible, «c’est la fin de l’économie telle que nous la connaissons : les transports rapides, les chaînes d’approvisionnement longues et fluides, l’agriculture industrielle, le chauffage, le traitement des eaux usées, Internet, etc.».

Certaines des matières premières les plus utilisées par notre économie sont aussi à leur pic de production, notamment l’argent, le lithium, l’indium, le phosphate et… l’eau potable! Et, ces ressources sont difficilement remplaçables (surtout pas l’eau!), car la recherche d’autres ressources et leur exploitation exigeraient plus d’énergie, énergie ayant elle-même atteint son pic… Les auteurs concluent : «Nous vivons donc probablement les derniers toussotements du moteur de notre civilisation industrielle avant son extinction».

– Les frontières

  • le climat et la diversité : l’importance des conséquences du réchauffement climatique est relativement bien connue. Seule l’ampleur du réchauffement est encore incertaine. On sait qu’il aura des effets négatifs sur l’approvisionnement en eau, sur le rendement agricole, sur les courants marins et sur la perte de biodiversité (dont les conséquences sur les interactions écologiques ne sont pas suffisamment médiatisées, notamment sur la qualité de l’air, la séquestration du carbone, la fertilité des sols, le recyclage des déchets, la pollinisation et la prévention des maladies infectieuses), effets qui pourraient déboucher sur la sixième extinction. Les auteurs précisent que certaines régions du monde subiront le réchauffement climatique de façon encore plus dramatique que d’autres, notamment l’Inde, le Pakistan et le Bengladesh, élargissant encore les inégalités entre pays et à l’intérieur des pays. La possibilité d’un retour du cycle classique suivant bien des catastrophes ne doit pas être occultée : famines, maladies et guerres;
  • l’acidification des océans : conséquence des émissions de gaz à effet de serre, l’acidification des océans menace carrément la vie marine et l’alimentation humaine, tout en réduisant la capacité des océans à absorber le gaz carbonique de l’atmosphère, accentuant ainsi l’ampleur du réchauffement climatique;
  • la réduction de l’ozone stratosphérique : cette frontière nous est apparue de façon bien nette dans les années 1970; elle est peut-être moins d’actualité de nos jours, mais le dépassement de cette frontière demeure inquiétante et certains facteurs la menacent encore;
  • la perturbation du cycle du phosphore et de l’azote : le déversement de ces produits dans la nature, surtout dans les activités agricoles, est trop intense pour permettre à la nature de les absorber; on assiste donc à l’eutrophisation des eaux : l’eau n’est plus potable, les cyanobactéries (ou algues bleues) toxiques pour les humains et les animaux non humains se multiplient, la faune aquatique meurt par manque d’oxygène, etc.
  • la charge en aérosols atmosphériques : certains de ces aérosols menacent la couche d’ozone; on ne connaît pas encore toutes les conséquences de leur multiplication, due entres autres à la combustion de carburants fossiles;
  • la consommation d’eau douce : la limite d’utilisation n’est pas atteinte, mais elle s’approche, surtout en raison de la croissance de la population, de son utilisation dans l’agriculture et du changement climatique; son dépassement aurait bien sûr des conséquences catastrophiques (même cet adjectif extrême semble doux par rapport aux conséquences du manque d’eau douce); 80 % de la population serait actuellement exposée à des pénuries, notamment dans les deux pays les plus peuplés de la planète, l’Inde et la Chine;
  • le changement d’affectation des terres : comme la baisse du couvert forestier, un des plus importants puits de carbone;
  • la pollution chimique et atmosphérique : on parle ici des effets des produits chimiques de synthèse sur la santé humaine (et des animaux non humains), effets très inquiétants chez les femmes enceintes et leur embryon, et chez les enfants, mais aussi chez les abeilles (pesticides) et bien d’autres animaux (les papillons monarques, par exemple). La pollution atmosphérique menace les habitants des grandes villes et force même l’arrêt de l’activité économique de façon de plus en plus fréquente.

De ces neufs frontières, quatre auraient déjà été dépassées, alors que le dépassement des deux premières suffisent pour «faire basculer la vie humaine». Comme on l’a vu, ces frontières sont en grande partie liées : le dépassement d’une frontière entraîne le dépassement d’autres frontières.

Les autres chapitres

Le reste du livre aborde d’autres aspects de la question, expliquant par exemple pourquoi nous ne réagissons pas davantage à cette menace qui donne froid dans le dos (il est temps que je finisse ce billet…). Les auteurs abordent entre autres :

  • les verrouillages socio-techniques : ceux-ci expliquent qu’on reste pris avec des technologies inadéquates parce que celles-ci sont bien implantées et qu’il est trop difficile socialement de les changer; ce concept s’applique aussi bien au désir de la croissance infinie qu’à la difficulté de changer son mode de vie (lâcher l’auto, cesser de prendre l’avion, ralentir l’étalement urbain, etc.);
  • la fragilité des systèmes complexes : ces systèmes sont liés à la finance (on l’a vu lors de la crise débutée en 2007), à l’économie, aux flux tendus (système appelé souvent «just in time», qui fait en sorte qu’on garde de moins en moins de stocks et qu’un retard dans la livraison d’une seule des matières utilisées pour la production d’un bien ou d’un service peut paralyser cette production), aux chaînes d’approvisionnement, aux infrastructures, etc. Il suffit parfois d’un événement à première vue anodin pour que ces systèmes, fortement interdépendants, s’enrayent avec des conséquences toujours importantes, parfois dramatiques. Cela laisse penser que, quand l’effondrement commencera, il s’aggravera rapidement (un genre de moment Minsky nullement spécifique à la finance…), un peu comme le coyote qui reste suspendu dans les airs jusqu’à ce qu’il réalise sa situation et tombe dans le vide…
  • les prévisions du moment où l’effondrement aura lieu (ce que les auteurs refusent avec raison de faire);
  • les signaux avant-coureurs (qui peuvent provenir de différentes sources);
  • les modèles de prévisions : comme celui du Club de Rome (World 3), qui fonctionne vraiment trop bien, même s’il date de plus de 40 ans, et dont les prévisions sont loin d’être réjouissantes;
  • les stades de l’effondrement : il est fort possible que l’effondrement se réalise dans cet ordre : finance, économie, politique, société et culture (auxquels s’ajouterait l’écologie);
  • la psychologie de l’effondrement : ou pourquoi tant de personnes ne croient pas l’effondrement probable : les barrières cognitives (nous avons évolué en nous inquiétant des dangers à court terme, concrets et visibles, pas des dangers conceptuels à long terme), le déni, etc.
  • les types de réactions : du jemenfoutisme au survivalisme en passant par l’aquoibonisme et le catastrophisme (le terme «collapsologie» utilisé par les auteurs m’irrite…);
  • les réactions humaines : nous entraiderons-nous ou nous entretuerons-nous? Les auteurs penchent pour la première possibilité, mais ne peuvent en être certains…
  • les voies de sortie : il n’y en a pas vraiment, quoique les auteurs appuient les adeptes de la décroissance, car un effondrement graduel auquel on s’adapte est préférable à l’effondrement brutal auquel peu de gens pourront s’adapter.

Et alors…

Alors, lire ou ne pas lire? Pour moi, la question ne se pose pas, il s’agit d’une lecture essentielle. Je ne prétendrai pas avoir appris beaucoup d’éléments sur les dangers auxquels la survie de l’espèce humaine fait face, mais aucun livre que j’ai lu avant cela, même pas l’excellent Tout peut changer, Capitalisme et changement climatique de Naomi Klein (dont j’ai parlé dans ce billet), ne présente les facteurs qui nous mènent à l’effondrement de façon aussi claire et en faisant des liens aussi pertinents entre tous ces facteurs.

Cela dit, attendez-vous à quelques frissons. On a beau savoir ce qui nous attend, se le faire présenter de façon aussi crue peut quand même nous ébranler. Malgré tout, cette lecture demeure essentielle, car ce n’est qu’avec cette connaissance qu’on peut avoir une petite possibilité d’amoindrir les effets de l’effondrement qui est, lui, inéluctable.

L’espèce humaine vit au-dessus des capacités de ses niches écologiques

La planete subit les contraintes et les pressions de la croissance du système économique monétaire de la société humaine qui pousse les individus a adopter des stratégies comportementales erronées favorisant que l’espèce vive au-dessus de ses moyens.

http://www.parismatch.com/Actu/International/La-planete-vit-au-dessus-de-ses-moyens-ecologiques-748206

L’APPEL DE LA TERRE LA PLANÈTE VIT AU-DESSUS DE SES MOYENS ÉCOLOGIQUES

La planète vit au-dessus de ses moyens écologiques

La vitesse à laquelle l’humanité dilapide le capital écologique de la planète n’a cessé d’augmenter, ces dernières années. Aujourd’hui, l’homme est en mesure de faire basculer le destin de la Terre vers la catastrophe.

Le 18 août 2014. On aimerait pouvoir dire que cette date marque un tournant dans l’histoire de l’humanité, mais ce n’est sans doute pas le cas. Pourtant, à ce moment de l’année dernière, nous avions épuisé le budget écologique annuel de la planète.

A lire : l’interview de Nicolas Hulot

En clair, en huit mois, 7 milliards d’êtres humains étaient venus à bout des ressources naturelles que la Terre met un an entier à renouveler, et avaient émis plus de CO2 qu’elle n’en peut absorber dans le même temps. A ce stade, dans une quasi-insouciance, nous avions consommé nos réserves de manière irréversible. La date est édifiante. Après elle, nous avons commencé à vivre au-dessus de nos moyens écologiques. C’est un fait inexorable. Actuellement, la demande de l’humanité en ressources et services naturels exige déjà, pour être satisfaite, une fois et demie la capacité de la Terre. A ce rythme, ce seront deux planètes qu’il nous faudra en 2050. Un endettement environnemental sidérant, quand on sait que certains pays vont jusqu’à consommer sept fois plus qu’ils ne produisent écologiquement.

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Quand, en 2012, une vingtaine de chercheurs publient dans la revue «Nature» une étude sur l’état de la biosphère terrestre, ils ne sont pas inquiets… C’est pire : «Au vu de nos propres résultats, nous sommes terrifiés !» disent-ils. Ils ont analysé les bouleversements biologiques intervenus lors des grandes crises planétaires, notamment ceux qui ont abouti à la disparition de tant d’espèces dont la plus célèbre, les dinosaures, il y a soixante-cinq millions d’années, et ils ont constaté que «ces transitions avaient coïncidé avec des contraintes ayant modifié l’atmosphère, les océans et le climat à l’échelle mondiale». Or, un phénomène similaire est en train de se produire. Ici et maintenant.

CO2.png

Plus inquiétant, il pourrait survenir à une vitesse jamais connue jusque-là. «Le dernier bouleversement planétaire a eu besoin de mille ans pour faire apparaître des changements biologiques extrêmes», précise Arne Moers, l’un des auteurs, professeur de biodiversité à l’université de Vancouver. «A l’échelle géologique, c’est comme passer du stade de l’enfance à l’âge adulte en moins d’une année. Or, ce qui se produit aujourd’hui va encore plus vite.»

Foret.pngRefugies

Cela ne fait désormais aucun doute : l’homme est une force géologique. Il transforme le système terrestre et fait entrer le monde dans une nouvelle ère, «l’anthropocène», l’ère de l’homme. Elle a commencé avec les terres fertiles et labourées du néolithique, il y a dix mille ans, et pourrait s’achever bien plus rapidement avec les sols arides, voire lunaires, du changement climatique. L’impact de l’homme sur le globe est proche de l’insupportable. Les causes sont connues : industrialisation, émission de gaz à effet de serre, fragmentation des habitats naturels, explosion démographique.

A lire : l’édito d’Olivier Royant, directeur de la rédaction de Paris Match

Les espèces disparaissent à un rythme foudroyant. Une extinction toutes les vingt minutes quand, en cinq cents millions d’années, il n’y en a eu en moyenne qu’une par million d’années ! Mais le plus grave reste la consommation à outrance de nos ressources : 43 % des écosystèmes de la Terre sont utilisés pour subvenir aux besoins de 7 milliards d’habitants (10 milliards en 2050 selon l’Institut national d’études démographiques). Or, le point de non-retour sera atteint à 50%. Au-delà, nous entrons dans la zone rouge : la supernova écologique, ce stade où les étoiles en fin de vie finissent par exploser. L’histoire de l’homme a rendez-vous avec l’histoire de la Terre. Elles sont irrémédiablement liées. Notre destin est (encore) entre nos mains. Mais pour combien de temps?

Sources des données : Nature Climate Change, 2013; Edward Wilson, Harvard; Onu; Giec; Global Footprint Network; FAO; Norwegian Refugee Council, National Oceanic and Atmospheric Administration; The Carbon Dioxide Information Analysis Center.

Le capitalisme est-il un système obsolète? – Journal des sciences humaines

http://journaldesscienceshumaines.over-blog.com/2014/06/le-capitalisme-est-il-un-systeme-obsolete.html

LE CAPITALISME EST-IL UN SYSTEME OBSOLETE ?

La société humaine est en perpétuelle progression depuis que la vie est apparue sur terre. Les comportements archaïques furent peu à peu inhibés pour faire évoluer les mentalités, en revanche le capitalisme existe depuis le moyen âge au moyen duquel les premiers conquérants estimaient que les terres leur appartenaient, ou bien celui qui découvrait une motte de terre, ou un trésor caché comme de l’or : « je l’ai vu le premier, c’est à moi ». Un animal qui chasse une proie pense également ainsi, si un autre animal tente de lui soutirer sa proie cela finit en rixe. La notion de propriété n’est-il pas là un instinct primitif ? comme la guerre des gangs qui se disputent un territoire dans lequel se trouvent leurs clients ?

Aujourd’hui, le système bancaire dans lequel nous vivons revendique toujours plus d’argent. Le capitalisme va à l’encontre même de la démocratie (ou est réellement l’égalité ?) Sa folie n’a d’égal que sa cupidité, et le secret bancaire permet de détourner des milliards d’euros chaque année vers des paradis fiscaux. L’argent manipulé à partir de rien constitue une immense escroquerie bancaire au détriment du peuple (voir l’arnaque de la dette ; faire nationaliser les banques pour devoir l’argent à nous-mêmes).

Le peuple est un ensemble d’individus d’une ruche, qui en parfaites abeilles effectuent tout le travail nécessaire à la récolte du miel, et subviennent à la survie de l’essaim (le système) et à sa reine (les banquiers). Leur but est d’appauvrir davantage les classes moyennes et pauvres pour s’accaparer leurs gains, en provoquant parfois une crise économique, et ainsi s’enrichir. C’est ainsi que les écarts entre riche/pauvre se creusent.

Ex 1 : un milliardaire a les moyens d’aller tous les jours au restaurant, possède une villa en bord de mer en France, une autre en Amérique, et une résidence principale à Paris, consommera aisément 2 à 3 portions de viandes par jour, avec une femme au foyer insatiable qui possède 150 paires de chaussures.

Ex 2 : un simple salarié qui touche le smic en France avec une femme au foyer, a seulement les moyen de consommer une très bonne portion de viande une fois par semaine, n’a pas les moyens de payer l’électricité pour chauffer décemment son logement et donc utilisera un chauffage à pétrole (moins couteux mais polluant), et n’a pas les moyens de faire un crédit pour s’acheter une maison.

Le système impose un mode de vie de plus en plus austère à l’Europe d’aujourd’hui, soit le sacrifice humain sur l’autel de l’argent :
– Suppression massive d’emplois publics par le gouvernement qui conduit à l’augmentation du chômage. Conséquence en plus : il faudra travailler plus avec moins de personnel (risque de burnout ; syndrome d’épuisement professionnel), et dans un hôpital, cela peut devenir très vite chaotique s’il y a un manque évident de médecins par rapport au nombre de patients. Ex : au Portugal, le gouvernement a fait licencier d’innombrables fonctionnaires (hôpitaux et écoles n’ont pas été épargnés).
– Le gel des salaires (retraités compris) conduit à une misère sociale. Ex : au Portugal dont la situation est pire qu’en Grèce, des marchands âgés de plus de 70 ans sont obligés de maintenir leur activité professionnelle pour survivre.
– Faire du chiffre pour apporter un minimum de recettes à l’état (ex : des amendes) par des pressions hiérarchiques constantes et abusives.
– Avec la misère sociale, il y a plus d’endettement, de faillite. Conséquences en plus : comme le burnout, cela peut conduire à la dépression (agressivité), et au suicide (France télécom, Renault, Police et gendarmerie). En Corée du Nord, la famine conduit au cannibalisme pour survivre (à traiter l’homme comme un animal, il régresse à se comporter comme tel, l’instinct de survie étant un état primitif).

De plus, le temps de travail ne permet pas de prendre le temps de vivre pour les actifs professionnellement qui ont des enfants. Bousculés constamment par un rythme effréné qu’on leur impose : « dépêche-toi, on va être en retard ! dépêche-toi, j’ai plein de choses à faire ! » les enfants deviennent aussi stressés et sous pression constante.

Le système repose également sur une consommation excessive dans les pays développés. Certaines personnes surconsomment au détriment des autres, et en 8 mois, les ressources de la planète sont épuisées, ce qui représente une menace pour l’écosystème. Plusieurs facteurs sont en cause : L’influence par des publicités présentes partout (panneau d’affichage, télé, radio, mail…). L’influence devient contagieuse par des pressions sociales (quoi ?! tu n’as pas de smartphone ? même dans un pays sous développé ils n’ont plus ce vieux modèle de téléphone)

Fabrication douteuse : la durée de vie des appareils électriques est réduite volontairement. En France, les volailles sont dopées à la nourriture vitaminée toute la journée afin de booster leur croissance. On se donne un droit d’écourter excessivement leur vie pour faire des économies. On dit « le système est ainsi, sinon il n’y a plus d’élevages ». Si tout le monde cesse de consommer, il est évident que l’économie ne fonctionnera plus. Comment peut-on faire remédier à cela ? Le marché noir « invisible » est le procédé le plus lucratif pour booster l’économie d’un pays.
Ex : la vente d’armes, braconnage barbare (défenses éléphant, peau animal…), drogues et prostitutions.

Cela favorise la corruption dans le monde politique et par conséquent cela facilite des guerres (ex: la vente d’armes aux talibans dans les années 90 qui s’emparèrent ensuite de Kaboul en Afghanistan de 1996 à 2001).Tant que la misère subsistera, et que le marché noir sera fructueux, les gangs continueront à proliférer dans les rues.

La consommation excessive détruit l’écosystème, et les crises économiques engendrées volontairement détruisent l’homme, suscitant un immense désordre social (haine, misère, manifestations violentes, guerres…), ainsi l’anarchie entraine un chaos qui fait vaciller l’ordre établi pour mettre en péril tout l’équilibre et la sécurité d’un pays, empêchant ainsi le peuple de prospérer.

Aujourd’hui, les banquiers de wall street ne craignent pas du tout les manifestations pacifiques devant leur siège, mais devrait craindre ce qui suit : Lorsque notre monde règnera dans une immense confusion, la sécurité de tous sera mise en péril, se retrancher dans un bunker avec des armes ne servira rien d’autre qu’à gagner un peu de temps, le stock de vivres se videra, et il faudra bien sortir et rejoindre le chaos, ou mourir lentement sans vivres. Lorsque tous les arbres seront décimés avec la surconsommation ou l’anarchie, il n’y aura plus assez d’oxygène pour respirer.

Tel le naufrage du Titanic qu’on avait cru insubmersible, cela se produira. Pendant le naufrage, l’argent ne valait plus rien. Rappel du film de James Cameron « titanic », le fiancé de Rose qui tenta de soudoyer Murdoch pour monter dans un canot de sauvetage. Le lieutenant se sachant condamné répondit en lui lançant une liasse de billets à la figure : votre argent ne vous sauvera pas plus qu’il ne me sauvera moi !

Un système basé sur un monde de raison peut nous permettre d’investir intelligemment dans l’éducation, la santé, permettre à tout le monde de travailler, se loger et manger décemment. Encore faut-il se donner les moyens de changer notre mode de vie.

Théodore Monod a dit : L’utopie est simplement ce qui n’a pas été essayé.

Sommes-nous devenus des esclaves modernes retenus par des chaines invisibles? allons-nous un jour basculer vers un système plus humain ? un système sans argent (principal source d’avarice), plus juste, qu’on remplacerait sous forme de droits ou de points en fonction de ce que chacun apporterait à la société ? ou une grande réforme de ce système est-elle nécessaire ?

Synthèse des données planétaires – Adrastia

Un excellent résumé d’analyse des données planétaires produit par l’organisation Adrastia a partir des recherches du Global Change International Geosphere-Biosphere Program (IGBP) de la Royal Swedish Academy of Sciences.

Les données, résultats et rapports détaillés de l’IGBP sont disponibles ici : https://enjeuxenergies.wordpress.com/2015/08/05/great-acceleration-igbp/

 

http://adrastia.org/synthese-donnees-disponibles/

Synthèse des données planétaires

Great Acceleration 2015 from International Geosphere-Biosphere Programme

À ce jour, aucune mesure sur le réel, passée ou contemporaine ni aucun modèle n’ont pu démontrer que la possibilité d’acquisition d’avantages pour l’humanité (meilleure alimentation, meilleure santé, confort technologique…) ne dépendait pas toujours du Taux de Retour Energétique des ressources énergétiques qu’elle avait à sa disposition (TRE ou EROEI en anglais : rapport entre l’énergie récupérée et l’énergie investie pour récupérer cette énergie) (1). L’humanité a besoin de plus d’énergie que celle disponible directement dans son environnement pour satisfaire ses besoins, et depuis la maîtrise du feu jusqu’à celle de l’atome (depuis les ressources en bois jusqu’aux ressources en uranium) en passant par l’éolien et l’hydraulique (moulins à vent, à eau) et la vapeur (charbon) l’histoire de l’humanité et ses succès semblent toujours indexés sur la disponibilité, la performance et la souplesse d’utilisation des ressources en énergie qu’elle a pu exploiter (2).

Aujourd’hui la ressource la plus performante utilisée est le pétrole, ressource d’ailleurs à ce point souple d’utilisation qu’elle a pu faciliter l’exploitation d’autres ressources aux Taux de Retour Energétique pourtant plus bas, mais qui deviennent suffisants lorsque ces ressources sont combinées aux performances de l’or noir. Si nous devions considérer globalement la chaîne de dépendance des ressources disponibles, toutes dépendent du pétrole, pour leur extraction, leur mise en œuvre, leur transport (fabrication des centrales thermonucléaires, des panneaux solaires, des éoliennes, des lignes électriques haute ou basse tension) ou pour leur utilisation finale (pour la fabrication d’un véhicule électrique par exemple, ou plus simplement des routes, des machines à laver…).

Si le pétrole vient à manquer, comme aucune autre ressource ne dispose d’un TRE aussi élevé ni d’une telle plasticité d’usage, le niveau de confort, de santé et de sécurité global de l’humanité ne peut que décliner, mécaniquement. Nous avons passé le peak de son extraction (il y aura toujours moins de pétrole accessible désormais qu’il y en a eu par le passé), le déclin est entamé, les résultats de nos économies en témoignent. Si le charbon pourra prolonger un temps la viabilité de nos systèmes, il n’a pas les propriétés physiques avantageuses du pétrole et ne pourra s’y substituer, et lui aussi se trouve sur Terre en quantités limitées.

Bien que la fin de la disponibilité d’une énergie à faible coût suffise à envisager le déclin humain, il faut considérer d’autres paramètres qui viendront accélérer ce déclin et le faire sortir du champ des simples « modifications des conditions de vie » :

– Même si nous disposions d’une énergie infinie, tous les stocks des matières premières nécessaires à la fabrication de tous les objets qui nous entourent sont limités sur Terre, et leur disponibilité totale ne se compte plus qu’en décennies (épuisement pour l’essentiel avant 2050). De toute façon, sans pétrole ces matières premières ne pourraient plus être transformées ni même extraites du sol (3).

– La Terre absorbe une certaine quantité d’énergie en provenance du Soleil, et en ré-émet une partie vers l’espace sous forme de rayonnement infrarouge. En quelques décennies de combustion massive de ressources fossiles jusque-là enfouies sous terre (hydrocarbures, charbon) (4), l’homme a changé l’équilibre dynamique de l’atmosphère, qui retient désormais une plus grande proportion du rayonnement infrarouge émis par la planète. La conséquence de ce surplus d’énergie retenue est un réchauffement global, qui entraîne une modification de la dynamique du cycle atmosphérique : celui-ci doit désormais « dissiper » une plus grande quantité d’énergie (la chaleur), ce qui entraîne une déstabilisation de la régularité des courants atmosphériques, du cycle de l’eau, des courants océaniques (les océans se réchauffant aussi – ce sont même eux qui absorbent environ 93 % de l’énergie additionnée au système Terre)… Les effets de cette déstabilisation contribuent à une destruction de l’équilibre écologique vital, c’est-à-dire au dépassement des limites de ce que peut supporter la vie, en matière d’instabilité, dans sa relation à l’environnement : excès ou manque d’eau, trop forte chaleur ou trop grand froid, acidification des océans qui absorbent peu à peu le CO2 excédentaire de l’air, augmentation de la fréquence et de l’intensité des évènements extrêmes (cyclones, sécheresses, inondations…) (5). Les effets délétères de la destruction de l’équilibre vital ne pourront qu’aller croissant et ne pourront pas être tempérés par l’humanité, car pour tout processus physique ou chimique il est strictement impossible de revenir en arrière (principe de non réversibilité) (6). En moyenne, demain il fera plus chaud, jusqu’à des proportions physiquement insoutenables dans certaines régions à l’horizon 2100, comme c’est le cas déjà par épisodes en Australie avec des températures supérieures à 45 degrés Celsius en janvier 2013 et 2014 – la brûlure cutanée pouvant survenir avant 50 degrés. De plus, l’effet de nombreuses boucles de rétroaction positive (le réchauffement par exemple fait fondre le permafrost, ce qui libère le méthane qui y est enfoui, qui est aussi un puissant gaz à effet de serre et qui vient renforcer à son tour le réchauffement…) (7) fait craindre que la destruction de l’équilibre écologique vital déjà engagée rende la biosphère invivable à terme, pour l’humain comme pour l’essentiel des espèces vivantes présentes sur terre. Il est déjà quasiment acquis que le réchauffement ne sera pas limité à 2 degrés à l’horizon 2050, et atteindra peut-être 5 degrés en 2100. Et ensuite ?

– Alors que la baisse annoncée de l’énergie disponible, la déplétion des matières premières et la destruction de l’équilibre écologique vital suffisent à envisager, en toute rationalité et de façon scientifiquement vérifiable, le déclin humain (ne pas oublier la résurgence de maladies jusqu’à présent plus ou moins endiguées – dengue, malaria, Ebola, peste, grippes – parce que la destruction de l’équilibre vital déstabilise la dynamique du vivant, pour le bénéfice des souches les plus virulentes !), nous devons également compter avec les effets de la pollution directe, qui impactent notre santé. La fabrication volontaire de nouveaux composés chimiques, dont nous bénéficions pour ce qu’ils apportent comme améliorations à notre quotidien (depuis le bisphénol des emballages alimentaires jusqu’aux Composés Organiques Volatils toxiques de provenances industrielles hétérogènes en passant par le tabagisme, notamment passif) ou la dissémination d’engrais et de pesticides pour augmenter les rendements agricoles ont pour conséquences connues de participer à la modification du fonctionnement des organismes vivants… et les effets positifs à court terme s’accompagnent malheureusement d’effets négatifs (secondaires, imprévus ou non considérés) à moyen terme qui impactent déjà notre espérance de vie en bonne santé, sans compter la modification rapide des modes de vie pour une grande part de la population qui nous font notamment nous alimenter plus et plus mal. En Europe et aux Etats-Unis il est déjà constaté : obésité morbide ; dérèglements hormonaux dus aux perturbateurs endocriniens engendrant des malformations fœtales, baisse de la fertilité, augmentation de la fréquence des maladies auto-immunes ; pollution atmosphérique d’origines multiples entraînant asthme, allergies, cancers… (7) De cet ensemble de problèmes de santé, nous pourrons chaque jour moins bien nous en protéger car l’industrie du médicament, comme le fonctionnement des services de soin (hôpitaux, ambulances…), et la possibilité même pour un pays d’offrir une protection de la santé à faible coût dépendent… du pétrole.

Adrastia n’envisage pas un déclin humain par crainte irrationnelle ou selon des argumentaires infondés. Tous les « facteurs limitants » évoqués ici sont vérifiables, les indices les plus accessibles éprouvant leur réalité sont d’ailleurs aisément accessibles : coût du pétrole et du gaz, augmentation de la quantité et de la gravité des conflits dans les pays où ils se situent (ou par lesquels ils transitent), taux de chômage, pouvoir d’achat, accessibilité aux soins, notamment pour les plus démunis, fracture sociale, stagnation globale des économies et déclin déjà entamé pour certaines.

Références :

1 – EROEI, énergie nette : Extraire du pétrole pour… par Benoît Thévard

2 – Sources d’énergie et histoire de l’humanité, Carlo M. Cipolla, 1961

3 – Article Adrastia : Disponibilité des matières premières

4 – Qu’est-ce que l’effet de serre ? – Manicore, Jean-Marc Jancovici

5 – Climat : les météorologues brossent un tableau apocalyptique – Nouvel Observateur

La carte des impacts du réchauffement climatique – Le Monde

5th Assessment Report (AR5) du GIEC (groupe de travail 1) :

« Ocean warming dominates the total energy change inventory, accounting for roughly 93% on average from 1971 to 2010 (high confidence). The upper ocean (0-700 m) accounts for about 64% of the total energy change inventory. Melting ice (including Arctic sea ice, ice sheets and glaciers) accounts for 3% of the total, and warming of the continents 3%. Warming of the atmosphere makes up the remaining 1%. »

6 – Réversibilité thermodynamique, Wikipedia

7 – Sur les boucles de rétroaction positive : Quand le réchauffement climatique «assèche» les nuages bas… par Vincent Rondreux

8 – L’espérance de vie recule aux Etats-Unis – Article notre-planète.info

Espérance de vie en bonne santé : elle baisse ! (Europe) – Article Mediapart

Etude de référence : Financial crisis, austerity, and health in Europe

Vidéo : Sans Lendemain

Un film d’animation sur les énergies fossiles et la croissance

Lien Youtube
Titre original : There’s no tomorrow
Réalisation : Dermot O’ Connor (35 minutes, 2012)
Version française : mpOC-Liège (2013)

Vidéo : Collapse (L’Effondrement), par Michael Ruppert (VOSTFR)

Michael Ruppert, journaliste d’investigation, se trompait certainement de cible en accablant principalement les puissants des maux de nos sociétés, alors que nous sommes tous acteurs du développement humain et de la destruction de l’équilibre vital qui en découle. Mais il était un esprit éclairé, qui prenait en compte les facteurs limitants rationnels que nous avons rappelés ici pour penser l’avenir de l’humanité.

Un homme sensible, vigilant, inquiet, qui fait le résumé de sa vie dans ce documentaire. Michael Ruppert s’est suicidé en avril 2014.

Collapse (L’Effondrement), par Michael Ruppert (VOSTFR) (480p) from Vincent on Vimeo.

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Le troisième âge du carbone ou la fin de l’humanité

http://encyclopedie-dd.org/encyclopedie/terre/5-2-les-differents-secteurs/le-troisieme-age-du-carbone.html

Le troisième âge du carbone

Résumé

En raison d’investissements massifs consacrés au développement des énergies non conventionnelles, très supérieurs à ceux en faveur des énergies renouvelables, c’est une nouvelle ère du carbone qui risque de s’ouvrir, ruinant pour longtemps les espoirs d’une réussite de la négociation sur le changement climatique.

L’auteur recadre l’avènement de cette nouvelle ère dans une perspective historique, économique et géopolitique.

Il pointe les désastres humains et écologiques qui l’accompagnent et invite à réagir contre cette évolution en jetant les bases d’une véritable transition énergétique.

Cet article a fait l’objet d’une parution dans la revue (n°62-avril 2014) : www.leconomiepolitique.fr.
L’Economie politique :
* le Pdf de l’article paru est présent dans la rubrique « Documents joints ».

A L’HEURE DU CHANGEMENT CLIMATIQUE, QUAND ON PARLE d’énergie et d’économie, les apparences sont souvent trompeuses. La plupart d’entre nous croient (ou veulent croire) que l’âge des énergies renouvelables détrônera bientôt la deuxième ère carbonique, l’âge du pétrole, de la même manière que le pétrole avait, il y a longtemps, supplanté le charbon. C’est exactement la vision offerte par le Président Obama dans son allocution de juin 2013, qui a suscité tant d’éloges. Il est vrai que nous aurons besoin des énergies fossiles un peu plus longtemps, a-t-il concédé, mais les énergies renouvelables ne tarderont pas à les dépasser.
Beaucoup d’experts partagent ce point de vue, nous assurant que le recours au gaz naturel « propre » combiné à l’expansion des investissements dans les énergies solaire et éolienne permettra une transition en douceur vers un avenir tout en énergies vertes dans lequel l’humanité ne déversera plus de dioxyde de carbone ou d’autres gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Tout cela semble prometteur, en effet. Seule ombre au tableau : en réalité, ce n’est pas cette voie-là que nous sommes en train d’emprunter. L’industrie de l’énergie n’investit pas significativement dans les énergies renouvelables. Au lieu de cela, elle reverse ses profits historiques dans de nouveaux projets de combustibles fossiles, principalement liés à l’exploitation du pétrole et du gaz dits « non conventionnels ».

Le résultat est sans appel : l’humanité n’entre pas dans une période qui sera dominée par les énergies renouvelables. A la place, elle ouvre la voie à la troisième grande ère carbonique, l’âge du pétrole et du gaz non conventionnels. Le fait que nous nous embarquions dans une nouvelle ère carbonique est de plus en plus évident et devrait tous nous déconcerter. La fracturation hydraulique – technique qui permet, grâce à l’utilisation de colonnes d’eau envoyées à haute pression, de briser les formations de schiste souterraines et de libérer les réserves naturelles de gaz et de pétrole qui y sont emprisonnées – est mise en oeuvre dans un nombre croissant de régions américaines et de pays étrangers. Dans le même temps, l’exploitation de pétrole lourd très carbonique et de sables bitumineux s’accélère au Canada, au Venezuela et ailleurs.

Certes, de plus en plus de fermes éoliennes et de panneaux solaires sont en cours de construction, mais il y a un hic : dans les décennies à venir, l’investissement dans l’extraction et la distribution de combustibles fossiles non conventionnels devrait devenir au moins trois fois plus élevé que les dépenses dans les énergies renouvelables. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), organisation de recherche intergouvernementale située à Paris, l’investissement mondial cumulé dans l’extraction et la transformation de nouveaux combustibles fossiles atteindra une somme estimée à 22 870 milliards de dollars entre 2012 et 2035, tandis que les investissements dans les énergies renouvelables, l’hydroélectricité et l’énergie nucléaire s’élèveront à seulement 7 320 milliards de dollars. Durant cette période, les investissements dans le pétrole seul, estimés à 10 320 milliards de dollars, devraient dépasser les dépenses pour l’énergie éolienne, solaire, géothermique, hydraulique, nucléaire, les biocarburants et toutes les autres formes d’énergies renouvelables combinées.

En outre, comme l’explique l’AIE, une part sans cesse croissante de cet investissement vertigineux dans les combustibles fossiles sera consacrée à des formes non conventionnelles de pétrole et de gaz : les sables bitumineux canadiens, le pétrole brut extra-lourd vénézuélien, les gaz et pétrole de schiste, les profonds gisements énergétiques marins d’Arctique et autres hydrocarbures tirés de réserves autrefois inaccessibles. L’explication est assez simple : l’offre mondiale de gaz et de pétrole conventionnels – carburants issus de ressources facilement accessibles et exigeant un minimum de traitement – est en train de fondre. Compte tenu d’une augmentation de la demande globale de combustibles fossiles estimée à 26 % entre aujourd’hui et 2035, une part de plus en plus importante de l’approvisionnement énergétique est amenée à être assurée par les combustibles non conventionnels.

Dans un tel monde, une chose est sûre : les émissions mondiales de carbone vont grimper au-delà de nos pires prévisions, ce qui signifie que les intenses vagues de chaleur deviendront monnaie courante et que nos quelques zones encore sauvages seront éviscérées. La planète bleue sera un jour – peut-être plus proche que ce que l’on imagine – une terre rude et inhospitalière. A la lumière de ce constat, il vaut la peine de prendre du recul et de la profondeur, en explorant chaque âge carbonique afin de comprendre comment nous nous sommes retrouvés dans une telle situation.

La première ère carbonique

La première ère carbonique a commencé à la fin du XVIIIe siècle avec l’introduction de la machine à vapeur, alimentée avec du charbon, que toutes sortes d’entreprises industrielles ont rapidement adoptée. Initialement utilisé pour alimenter les usines de textile et les installations industrielles, le charbon a également été employé dans les transports (bateaux et locomotives à vapeur), l’exploitation minière et la production de fer à grande échelle. Cet élargissement de l’utilisation du charbon et de la machine à vapeur à des activités productives a en grande partie contribué à lancer ce qui est aujourd’hui connu sous le nom de « révolution industrielle ». Et le charbon a fini par être utilisé pour la production d’électricité, un domaine dans lequel il est aujourd’hui toujours dominant.

C’était l’époque où de vastes armées de travailleurs exploités construisaient des chemins de fer traversant les continents et des usines de textile gigantesques, tandis que les villes industrielles se multipliaient et grandissaient. C’était l’époque, avant tout, de l’expansion de l’Empire britannique. Pendant quelque temps, la Grande-Bretagne fut à la fois le plus grand pays producteur et consommateur de charbon, le premier pays manufacturier, le sommet de l’innovation industrielle et la grande puissance dominante du monde – et tous ces attributs étaient inextricablement liés. En maîtrisant la technologie du charbon, une petite île au large des côtes européennes a pu accumuler une immense richesse, développer les armes les plus avancées au monde et s’assurer le contrôle des voies maritimes.

Cette technologie qui conféra à la Grande-Bretagne sa puissance mondiale a également entraîné une grande misère dans son sillage. Comme l’a noté le spécialiste de l’énergie Paul Roberts dans The End of Oil, le charbon qui était alors consommé en Grande-Bretagne était une variété de houille brune, « bourrée de soufre et autres impuretés ». Lors de sa combustion, « elle produisait une fumée âcre et étouffante qui piquait les yeux et les poumons et noircissait les murs et les vêtements ». A la fin du XIXe siècle, l’air de Londres et des autres villes consommatrices de charbon était tellement pollué que « les arbres morts, les façades de marbre dissoutes et les affections respiratoires étaient devenus épidémiques ».

En Chine et en Inde, le charbon demeure la principale source d’énergie, condamnant les villes et la population à une version actualisée du Londres ou du Manchester du XIXe siècle.

Alors, pour la Grande-Bretagne et les autres puissances industrielles émergentes, la substitution du pétrole et du gaz au charbon a été une aubaine permettant d’améliorer la qualité de l’air, de restaurer les villes et de réduire les affections respiratoires. Mais dans de nombreuses régions du monde, l’âge du charbon n’est bien sûr pas révolu. En Chine et en Inde, entre autres, le charbon demeure la principale source d’énergie, condamnant les villes et la population à une version actualisée du Londres ou du Manchester du XIXe siècle.

La deuxième ère carbonique

L’âge du pétrole a débuté en 1859, lorsque la production commerciale a démarré dans l’ouest de la Pennsylvanie, mais il n’a véritablement décollé qu’après la Seconde Guerre mondiale, avec la croissance explosive de l’automobile individuelle. Avant 1940, le pétrole jouait un rôle important, entre autres applications, dans l’éclairage et le graissage de mécanismes, mais il restait subordonné au charbon ; après la guerre, le pétrole est devenu la principale source d’énergie du monde. De 10 millions de barils par jour en 1950, la consommation globale a bondi jusqu’à 77 millions en 2000, soit un demi-siècle de bacchanales pour la combustion de fossiles.

L’étroite association du pétrole avec le moteur à combustion interne explique qu’il ait pris l’ascendant. Sa meilleure portabilité et sa plus forte intensité énergétique (c’est-à-dire la quantité d’énergie libérée par unité de volume) ont fait du pétrole le combustible idéal pour le moteur à combustion interne polyvalent et mobile. Tout comme le charbon avait acquis sa notoriété en alimentant des machines à vapeur, le pétrole s’est hissé au sommet de la hiérarchie énergétique en alimentant une flotte toujours plus nombreuse de voitures, camions, avions, trains et navires.
Aujourd’hui, il fournit environ 97 % de toute l’énergie utilisée par les transports dans le monde entier.

Sa prédominance a aussi été assurée par son utilisation croissante dans l’agriculture et l’armée. Dans un laps de temps relativement court, les tracteurs et autres engins agricoles alimentés avec du pétrole ont remplacé les animaux comme principale source d’énergie des exploitations à travers le monde. Une transition similaire s’est produite sur les champs de bataille modernes, où les chars et les avions équipés de moteurs à combustion ont remplacé la cavalerie au rang de principale source de puissance offensive.

C’étaient les années de l’équipement automobile de masse, des étendues d’autoroutes traversant les continents, des banlieues sans fin, des centres commerciaux géants, des vols bon marché, de l’agriculture mécanisée, des fibres artificielles et, avant tout, de l’expansion de la domination américaine. Parce qu’ils possédaient des réserves gigantesques de pétrole, qu’ils ont été les premiers à maîtriser la technologie de l’extraction pétrolière et celle du raffinage, à l’utiliser avec succès dans les transports, la manufacture, l’agriculture et la guerre, les Etats-Unis sont devenus le pays le plus riche et le plus puissant du XXe siècle. Une véritable saga racontée avec délectation par l’historien Daniel Yergin dans The Prize. Grâce à la technologie du pétrole, les Etats-Unis ont été en mesure d’accumuler des niveaux stupéfiants de richesse, de déployer des armées et des bases militaires sur tous les continents et de contrôler les voies d’accès maritimes et aériennes, étendant leur pouvoir à tous les coins de la planète. Cependant, tout comme la Grande-Bretagne avait subi les conséquences négatives de sa dépendance au charbon, les Etats-Unis – et le reste du monde – ont souffert de leur dépendance au pétrole. Pour assurer la sécurité de ses sources étrangères d’approvisionnement, Washington a établi des relations tortueuses avec les pays étrangers producteurs de pétrole et mené plusieurs guerres coûteuses et absurdes dans la région du golfe Persique, une histoire sordide que je raconte dans Blood and Oil. La dépendance excessive à l’égard des véhicules à moteur pour l’utilisation personnelle ou le transport commercial a laissé le pays démuni face aux ruptures périodiques d’approvisionnement et aux chocs pétroliers. Surtout, l’augmentation massive de la consommation de pétrole – ici et ailleurs – a entraîné une hausse tout aussi massive des émissions de CO2, accélérant le réchauffement planétaire (un phénomène qui avait déjà commencé sous la première ère carbonique) et exposant le pays aux effets toujours plus dévastateurs du changement climatique.

L’âge du pétrole et du gaz non conventionnels

La croissance explosive de la voiture et de l’aviation civile, la périurbanisation d’une bonne partie de la planète, la mécanisation de l’agriculture et de la guerre, la suprématie mondiale des Etats-Unis : tels étaient les maîtres mots de l’exploitation du pétrole conventionnel. A l’heure actuelle, l’essentiel du pétrole mondial est toujours issu de quelques centaines de productions pétrolières terrestres en Iran, en Irak, au Koweït, en Russie, en Arabie Saoudite, aux Emirats arabes unis, aux Etats-Unis et au Venezuela, parmi d’autres pays ; une petite partie est tirée de productions marines en mer du Nord, dans le golfe de Guinée et dans celui du Mexique. Ce pétrole sort de terre sous forme liquide et exige un traitement relativement léger avant d’être commercialisé en tant que carburant raffiné.

Mais le pétrole conventionnel est en train de disparaître.
Selon l’AIE, les principaux domaines qui fournissent actuellement la part du lion du pétrole mondial vont perdre deux tiers de leur production au cours des vingt-cinq prochaines années et verront leur rendement net plonger de 68 millions de barils par jour en 2009 à moins de 26 millions en 2035. L’AIE affirme que ces pertes seront compensées par du nouveau pétrole, mais que celui-ci sera majoritairement d’origine non conventionnelle. Dans les prochaines décennies, le pétrole non conventionnel représentera une part croissante des stocks mondiaux de pétrole, pour devenir en fin de compte notre principale source d’approvisionnement.

Il en va de même pour le gaz naturel, la deuxième source énergétique la plus importante du monde. Comme pour le pétrole conventionnel, l’offre mondiale de gaz conventionnel est en baisse et nous sommes de plus en plus dépendants des sources d’approvisionnement non conventionnelles – en particulier d’Arctique, des océans profonds et de la roche de schiste par fracturation hydraulique.

D’une certaine façon, les hydrocarbures non conventionnels sont similaires aux carburants classiques. Les deux sont en grande partie composés d’hydrogène et de carbone et peuvent être brûlés pour produire de la chaleur et de l’énergie. Mais avec le temps, ce qui les distingue fera pour nous une grosse différence. Les carburants non conventionnels – notamment le pétrole extra-lourd et le sable bitumineux – ont tendance à posséder une plus forte part de carbone à hydrogène que le pétrole conventionnel et donc à libérer davantage de dioxyde de carbone en brûlant. Le pétrole d’Arctique et des eaux profondes, dont l’extraction requiert plus d’énergie, émet du carbone en quantité plus élevée pour sa propre production. « Beaucoup de nouvelles espèces de carburants pétroliers ne ressemblent en rien au pétrole conventionnel, écrit, en 2012, Deborah Gordon, spécialiste du sujet au Carnegie Endowment for International Peace. Le pétrole non conventionnel a tendance à être lourd, complexe, chargé en carbone, emprisonné au fond de la terre, fermement coincé entre le sable, le goudron et la roche. »

La conséquence de loin la plus inquiétante de la nature spécifique des carburants non conventionnels est leur extrême impact sur l’environnement. Ils produisent davantage de dioxyde de carbone par unité d’énergie libérée parce qu’ils se caractérisent souvent par des taux de carbone élevés et nécessitent généralement plus d’énergie pour être extraits et convertis en matériaux utilisables. En outre, le processus de production du gaz de schiste, salué comme un combustible fossile « propre », est considéré par de nombreux scientifiques comme responsable d’importants rejets de méthane, un gaz à effet de serre très puissant.

Tout cela signifie que, comme la consommation de combustibles fossiles augmente au lieu de diminuer, des quantités de CO2 et de méthane seront rejetées dans l’atmosphère et le réchauffement climatique s’accélérera au lieu de diminuer.

Sans compter un autre problème lié au troisième âge carbonique : la production de pétrole et de gaz non conventionnels se révèle être consommatrice de grandes quantités d’eau – pour les opérations de fracturation hydraulique, d’extraction des sables bitumineux et du pétrole extra-lourd et pour faciliter le transport et le raffinage de ces carburants. Ceci représente une menace grandissante de contamination de l’eau et de concurrence pour l’accès à l’approvisionnement en eau entre les foreurs, les agriculteurs, les services municipaux et d’autres encore. Etant donné que le changement climatique s’intensifie, la sécheresse deviendra la norme dans de nombreuses régions et cette concurrence ne pourra devenir que plus féroce.

Entre cela et d’autres impacts sur l’environnement, la transition des carburants conventionnels vers les carburants non conventionnels est porteuse de conséquences qu’il est pour le moment difficile d’évaluer pleinement. Dans un premier temps, l’exploitation des réserves de gaz et de pétrole non conventionnels autrefois non accessibles a impliqué l’introduction de nouvelles technologies de production, y compris les forages d’Arctique et de haute mer et la modernisation de l’extraction des sables bitumineux. Il en a résulté un remaniement dans l’industrie mondiale de l’énergie, avec l’émergence d’entreprises innovantes possédant les compétences et la détermination pour exploiter les ressources non conventionnelles – comme cela s’est produit au cours des premières années de l’ère du pétrole, lorsque de nombreuses entreprises ont émergé pour exploiter les réserves mondiales de pétrole.

Ce bouleversement a été particulièrement net dans le développement du pétrole et du gaz de schiste. Dans de nombreux cas, les technologies de pointe dans ce domaine ont été conçues et déployées par les entreprises les plus petites du secteur, qui prennent des risques, comme Cabot Oil and Gas, Devon Energy Corporation, Mitchell Energy and Development Corporation et XTO Corporation. Ces entreprises, avec d’autres, ont été les pionnières de l’utilisation de la fracturation hydraulique pour extraire du pétrole et du gaz des formations de schiste dans l’Arkansas, le Dakota du Nord, la Pennsylvanie et le Texas. Ce qui a déclenché ensuite une ruée des grandes entreprises de l’énergie impatientes de tirer leur épingle du jeu. Pour accroître leurs parts, les mastodontes de l’énergie ont englouti les autres, de petite ou moyenne taille. Parmi les acquisitions les plus remarquables, on compte l’achat de XTO par ExxonMobil en 2009 pour 41 milliards de dollars.

Cette acquisition met en évidence une caractéristique particulièrement inquiétante de cette nouvelle ère : le déploiement de fonds massifs par les grands industriels de l’énergie et leurs bailleurs de fonds pour acquérir des parts dans la production de formes non conventionnelles de pétrole et de gaz – en quantités dépassant de loin les investissements du même type, que ce soit en hydrocarbures conventionnels ou en énergies renouvelables. Il est clair que, pour ces sociétés, l’énergie non conventionnelle représente la prochaine grande révolution énergétique et, étant les entreprises les plus rentables de l’histoire, elles sont prêtes à dépenser des sommes astronomiques pour s’assurer que ce sera toujours le cas. Et si cela doit pénaliser l’investissement dans les énergies renouvelables, qu’il en soit ainsi. « Sans une volonté politique concertée » pour favoriser le développement des énergies renouvelables, avertit Deborah Gordon, les investissements futurs dans le domaine de l’énergie « vont probablement continuer à se diriger de façon disproportionnée vers le pétrole non conventionnel ».

Le choix en faveur de la production de combustibles fossiles de nouvelle génération est en train de s’enraciner dans les grandes entreprises de l’énergie, les banques, les organismes de crédit et les gouvernements.

En d’autres termes, le choix en faveur de la production de combustibles fossiles de nouvelle génération est en train de s’enraciner dans les grandes entreprises de l’énergie, les banques, les organismes de crédit et les gouvernements. Ce qui ne fera qu’augmenter la difficulté à établir des normes nationales et internationales de limitation des émissions de gaz à effet de serre. Cela se voit, par exemple, dans le soutien indéfectible de l’administration Obama au forage en offshore profond et au développement du gaz de schiste, en dépit de son prétendu engagement à réduire les émissions de gaz à effet de serre. C’est tout aussi visible dans l’intérêt international grandissant pour le développement des réserves de pétrole extra-lourd et de pétrole de schiste, tandis que les nouveaux investissements dans les énergies renouvelables s’amenuisent.

Loin de se limiter aux domaines économique et écologique, la transition du pétrole et du gaz conventionnels vers des formes non conventionnelles aura des répercussions majeures, quoiqu’encore largement indéterminées, sur le plan politique et militaire.

Les entreprises américaines et canadiennes jouent un rôle décisif dans le développement de la plupart des nouvelles technologies fondamentales pour les combustibles non conventionnels ; en outre, certaines des plus grandes réserves de gaz non conventionnel du monde se trouvent en Amérique du Nord. Ceci a pour effet de renforcer la puissance mondiale américaine au détriment des producteurs d’énergie rivaux comme la Russie et le Venezuela, qui font face à la concurrence croissante des compagnies nord-américaines, et des Etats importateurs d’énergie comme la Chine et l’Inde qui n’ont pas les ressources ni la technologie pour produire du carburant non conventionnel.

Dans le même temps, Washington se montre de plus en plus enclin à contrer l’ascension de la Chine en cherchant à dominer les voies maritimes mondiales et en renforçant ses liens militaires avec des alliés régionaux comme l’Australie, l’Inde, le Japon, les Philippines et la Corée du Sud. De nombreux facteurs contribuent à ce changement stratégique, mais si l’on écoute les déclarations des hauts responsables américains, il est assez clair qu’il découle en grande partie de l’indépendance énergétique de l’Amérique et de sa maîtrise précoce des nouvelles technologies de production de l’énergie.

Dans un discours tenu en avril à l’université Columbia, le conseiller à la sécurité nationale Thomas Donilon a affirmé que « la nouvelle posture énergétique de l’Amérique nous offre une position plus avantageuse [dans le rapport de force mondial]. L’augmentation de la production américaine d’énergie agit comme un matelas qui réduit notre vulnérabilité aux vicissitudes de l’approvisionnement mondial [et] nous donne une plus grande marge de manoeuvre dans la poursuite de nos objectifs et dans la mise en oeuvre de la sécurité internationale ».

Pour le moment, les dirigeants américains peuvent se vanter d’avoir une « marge de manoeuvre » dans les négociations mondiales qu’aucun autre pays ne possède, faute de capacités pour exploiter les ressources énergétiques non conventionnelles à si grande échelle. Cependant, en cherchant à tirer les avantages géopolitiques de la dépendance mondiale croissante à l’égard de ce type de combustibles, Washington suscite des réactions de toutes sortes. Les puissances rivales, effrayées et rancunières face à cette arrogance géopolitique, renforceront leur capacité à résister à la puissance américaine.
Une tendance déjà manifeste dans l’accumulation de missiles et d’équipements navals en Chine.

Dans le même temps, d’autres Etats chercheront à développer leur propre capacité à exploiter les carburants non conventionnels dans ce qui pourrait s’apparenter à une version fossilisée de la course aux armements. Cela nécessitera des efforts considérables, mais ces ressources sont largement distribuées sur toute la planète et, à terme, d’autres grands producteurs de carburants non conventionnels seront amenés à émerger et à défier l’avantage de l’Amérique dans ce domaine (tout en augmentant l’endurance et le pouvoir de nuisance de la troisième ère carbonique).

Survivre à la troisième ère carbonique

Sauf changements inattendus dans les comportements et la politique globale, le monde deviendra de plus en plus dépendant de l’exploitation de l’énergie non conventionnelle. Ce qui engendrera une augmentation des émissions de gaz à effet de serre, avec l’impossibilité de contrer leurs effets catastrophiques sur le climat. Certes, nous allons également assister à des progrès dans le développement et l’installation d’énergies renouvelables, mais elles joueront un rôle subalterne à côté du développement du pétrole et du gaz non conventionnels.

La vie dans la troisième ère carbonique n’ira pas sans avantages. Ceux qui comptent sur les combustibles fossiles pour le transport, le chauffage et autres pourront être rassurés par le fait que le pétrole et le gaz naturel ne disparaîtront pas de sitôt, contrairement à ce qu’ont prédit de nombreux analystes dans les premières années du XXIe siècle. Les banques, les industriels de l’énergie et d’autres groupements d’intérêt économique tireront certainement des profits faramineux de l’expansion explosive des affaires liées au pétrole non conventionnel et de l’accroissement global de la consommation de ce carburant. Mais la plupart d’entre nous ne seront pas récompensés. Bien au contraire. Nous subirons l’inconfort et la souffrance qui accompagneront le réchauffement de la planète, la rareté des ressources en eau, disputées dans de nombreuses régions, et la destruction des paysages naturels.

Que peut-on faire pour couper court à la troisième ère carbonique et empêcher ce funeste destin de se réaliser ? En appeler à davantage d’investissements dans les énergies vertes est essentiel, mais insuffisant, à l’heure où les pouvoirs publics mettent l’accent sur le développement des carburants non conventionnels. Militer pour freiner les émissions de gaz à effet de serre est nécessaire, mais se révélera sans doute problématique étant donné la partialité en faveur des énergies non conventionnelles de plus en plus ancrée dans nos institutions publiques et privées.

De tels efforts seront vains sans un travail visant à exposer la spécificité et les dangers de l’énergie non conventionnelle et à diaboliser ceux qui choisissent d’investir dans ces combustibles plutôt que dans leurs alternatives vertes. Des opérations de ce type sont déjà en cours, comme des campagnes initiées par des étudiants pour persuader ou contraindre les conseils d’administration de leurs universités de se départir de toute participation dans les compagnies pétrolières. Cependant, tout cela reste bien insuffisant pour nous faire prendre le chemin qui nous permettrait d’identifier et de résister aux responsables de notre dépendance croissante aux combustibles non conventionnels.

Quels que soient les propos du Président Obama promettant la révolution des technologies vertes, nous demeurons profondément ancrés dans un monde dominé par les combustibles fossiles, avec pour seule véritable révolution le passage d’un type de carburant à un autre. Il s’agit sans aucun doute de la formule idéale pour une catastrophe mondiale. Pour survivre à cette époque, l’humanité doit se montrer bien plus lucide sur ce nouveau type d’énergie et prendre les mesures nécessaires pour raccourcir le troisième âge du carbone et accélérer l’entrée dans l’âge des énergies renouvelables, avant que nous ne brûlions cette planète.

Michael Klare

Traduction d’ Antoine Machut

La seule agriculture durable est celle qui respecte les lois de la biologie du sol

http://encyclopedie-dd.org/encyclopedie/terre/la-seule-agriculture-durable-est.html

La seule agriculture durable est celle qui respecte les lois de la biologie du sol

Le sol est un milieu très complexe qui n’existe que sur la planète « Terre », c’est un milieu organo-minéral dont l’équilibre est fragile. Cette complexité implique que l’agriculteur doit avoir une bonne connaissance de son sol pour le gérer de manière durable. À l’heure actuelle la révolution verte et son agriculture intensive détruit 15 millions d’hectares chaque année (érosion, désertification, salinisation) auxquels s’ajoute une perte de 5 millions d’hectares due à l’urbanisation. Pour compenser, on détruisent 10 millions d’hectares de forêts tropicales. De ce fait la surface agricole n’augmente plus. Alors que la population mondiale augmente de 75 millions d’habitants/an. Ainsi, chaque année la surface agricole par habitant diminue ce qui n’est pas acceptable. Il va donc falloir apprendre à cultiver la terre sans la détruire en appliquant et en respectant les lois de la biologie du sol.

Au moment où notre civilisation technique se croit au sommet de sa gloire, un scandale vient entacher cette autosatisfaction : La Famine. En 2009, le nombre de personnes souffrant de la faim a atteint le milliard. Jamais autant d’hommes n’ont souffert de ce mal millénaire et cette souffrance crie vers le ciel. Quels sont donc les facteurs qui ont abouti à cette remontée de la famine alors que celle-ci avait continuellement baissé de 1950 à 1990 ? Les deux causes principales sont les carences des politiques agricoles et la révolution verte. Les deux causes sont intimement liées. En effet, depuis 40 ans, sous l’influence du néolibéralisme, les gouvernements de la majorité des pays se sont détournés de l’agriculture et ont confié son développement aux agro-industries. Or, celles-ci ne s’intéressent pas à la sécurité alimentaire, comme toutes les industries, elles s’intéressent à leur bénéfice. Elles ont donc développé l’agriculture la plus consommatrice d’engrais, de pesticides, d’irrigation, de semences et bien-sûr d’énergie. Le modèle obtenu a été appelé : La Révolution Verte. Ce modèle dans un premier temps à clairement augmenté les rendements (grâce aux énergies fossiles) mais ce gain de production a engendré des problèmes très graves pour l’environnement et depuis 20 ans, les limites de ce modèle sont évidentes, pire, aujourd’hui il affame l’humanité. Mais pourquoi les progrès obtenus sont-ils éphémères et se retourneront, si la tendance se poursuit, en une catastrophe écologique et humanitaire ?

Parce que les progrès obtenus par la révolution verte sont basés sur les énergies fossiles, or il est évident qu’un tel système n’est pas durable. Ensuite, parce la Révolution verte est une simplification outrancière de l’agriculture. Elle ne respecte pas les bases de l’agronomie, elle supprime les rotations et les associations au profit de la monoculture, elle détruit l’équilibre agro-sylvo-pastoral en séparant, dans l’espace, champs, forêts et élevages, elle détruit les sols et leur biodiversité par excès d’engrais et de pesticides, elle détruit l’environnement, elle est un gouffre énergétique puisqu’elle consomme en moyenne 9 calories fossiles pour produire 1 calorie alimentaire ; enfin elle ruine les petits paysans. Avec cette « Révolution Verte », l’agriculture a reculé de 6000 ans. Comme le dit très justement l’agronome Matthieu Calame : « La révolution verte, c’est le néolithique avec le pétrole en plus ».

Les lois de la biologie du sol.

Le sol est un milieu organo-minéral et les liens qui attachent les matières organiques et le monde minéral (les argiles) sont des attaches électriques donc très fragiles. C’est la raison pour laquelle les hommes ont ruiné bon nombre de sols, ils ont rompu ce lien entre matière organique et argile et les composants du sol partent alors avec le vent ou l’eau. La gestion d’un sol va donc commencer par ce que l’on appelle les amendements c’est-à-dire les apports de matière organique (compost, mulch [1] , etc.), par des apports d’argile (marnage) et par les apports de liens (chaulage). Dans la tradition paysanne, cultiver « en bon père de famille » consistait à faire des apports annuels de compost et des apports de Marne une fois par génération. Les doses apportées, de l’ordre de 30 t/ha/génération correspondent d’ailleurs au rythme naturel de la pédogénèse [2] qui est de 1 à 2 tonnes d’argile / ha produite chaque année par les racines et les microbes. La qualité de l’amendement dépend bien sûr de la qualité du compost et de la qualité de l’argile. Un bon compost doit produire le meilleur des humus, celui qui à la plus forte C.E.C. (Capacité d’Echange en Cations [3] ), c’est-à-dire le Mull [4]. Pour cela, il faut que la matière organique de départ soit riche en lignine (bois, paille) car elle est le principal précurseur de l’humus. Pour l’argile, on recherche celles qui ont la plus forte C.E.C. comme les smectites. L’amendement correspond donc pour l’agriculteur à la gestion de son sol.

Il faut maintenant que l’agriculteur favorise les organismes vivants de son sol afin que ses plantes soient bien nourries, puisque ce sont les microbes (bactéries et champignons) qui rendent les éléments assimilables par les plantes. Il lui faut favoriser les 3 faunes du sol car celles-ci aèrent le sol et permettent aux racines de plonger. La faune épigée qui vit en surface, l’endogée qui consomme les racines mortes et l’anécique, les grands vers de terre qui brassent le sol. L’agriculteur favorisera la faune épigée et les vers de terre en leur apportant du compost qui, s’il est bien fait, doit contenir au moins 1 million d’animaux par tonne. Il favorisera la faune endogée par la rotation des cultures et en plantant périodiquement des céréales qui sont les plantes qui produisent le plus de racines (600 km par plant de seigle, 400 km par plant de blé). Racines qui une fois mortes, nourriront la faune endogée.

L’agriculteur devra aussi favoriser les microbes du sol. Il lui faut favoriser les champignons qui produisent les humus, ils se développent sur des substrats organiques faiblement minéralisables, donc pauvres en azote. Le paysan le fera en mettant de la paille et des branches d’arbres dans son compost, c’est-à-dire, de la matière organique riche en carbone et pauvre en azote. Pour cela il lui faut intégrer l’arbre dans son champ sous forme de haies ou d’arbres de pleins champs. Sur le sol de son jardin potager, il appliquera directement le BRF (Bois Raméal Fragmenté) issus des haies sans passer par le compostage.

Il lui faut aussi stimuler les bactéries et les actinomycètes qui minéralisent la matière organique et nourrissent les plantes. Pour cela, il apportera les engrais verts ou les fientes de poule, ou les lisiers c’est-à-dire, de la matière organique riche en azote et pauvre en carbone. Nous insistons sur cet aspect d’équilibre et de complémentarité entre la stimulation des champignons pour faire de l’humus et la stimulation des bactéries qui minéralisent l’humus car souvent les agriculteurs ne stimulent que les bactéries et déstabilise la pédogénèse de leur sol.

Enfin, il faut que l’agriculteur stimule l’ensemble des bactéries minéralisatrices, c’est-à-dire les différents groupes liés aux différents nutriments. A l’inverse des engrais chimiques qui ne stimulent qu’une population très réduite de microbes. Pour cela les agriculteurs pratiquent la rotation pour les cultures annuelles et l’association pour les cultures pérennes. On cultivera ainsi des crucifères qui stimulent par leur racines les bactéries du cycle du soufre, des légumineuses qui hébergent dans leur nodosités racinaires des bactéries du cycle de l’azote, des céréales qui stimulent les bactéries du cycle du fer, les liliacées (ail, oignon, poireau, etc.) qui stimulent les mycorhizes, etc. Le métier d’agriculteur est donc mieux décrit par le mot « Paysan » celui qui fait le pays puisqu’il créé l’équilibre agro-sylvo-pastoral en faisant cohabiter dans un même paysage le champ, la forêt et les animaux, il gère ses sols par les amendements, nourrit la faune, les champignons et les bactéries du sol afin que ce sol vivant nourrisse sainement les plantes qu’il cultive. Car il faut rappeler que les plantes prélèvent une vingtaine d’atomes dans le sol (azote, fer, bore, zinc, soufre, etc) lorsque celui-ci est vivant. A l’inverse une plante nourrie avec des engrais et poussant sur un sol dégradé biologiquement devra se contenter de quelques atomes (azote, phosphore, potasse) et sera physiologiquement déséquilibrée.

La destruction des sols par la Révolution verte.

En ne respectant pas les lois de la biologie des sols, ce modèle industriel d’agriculture détruit les sols agricoles selon le processus suivant :

a) La dégradation biologique des sols :

Lorsque l’on met des engrais, que l’on irrigue, et que l’on laboure on provoque la minéralisation de la matière organique par les bactéries dans des proportions excessives. En France par exemple, la teneur moyenne en matière organique de nos sols est passée en 1 siècle de 4% à 1.3%. Et pourtant, en céréaliculture, le volume des pailles de blé est passé de 2 t/ha à 5-6 t/ha en 1 siècle. Nous aurions donc dû observer une augmentation de la teneur en matière organique. Mais l’excès d’engrais a tellement stimulé la minéralisation qu’il a gommé l’effet d’augmentation des volumes de paille. Or la faune se nourrit de la matière organique, lorsque celle-ci baisse, la population faunique chute. Les vers de terre par exemple sont passés de 2 t/ha en 1950 dans les sols de céréales à moins de 100 kg/ha. Or la faune remonte, par ses déjections, les éléments nutritifs. Lorsqu’elle disparait les éléments descendent vers les nappes phréatiques, qu’ils polluent, et les sols entrent dans la phase de dégradation chimique.

b) La dégradation chimique des sols :

En perdant les éléments nutritifs, les sols s’acidifient. Ils perdent alors, par lixiviation [5], deux éléments fondamentaux, le calcium et le fer qui servent de liens électriques entre les humus et les argiles. Les humus ayant été minéralisés et les liens, attachant le peu d’humus restant, étant lessivés, les argiles partent à leur tour dans les rivières et les sols entrent dans la phase de dégradation physique.

c) La dégradation physique ou l’érosion des sols :

Lorsque les argiles partent avec l’eau ou avec le vent, les sols s’appauvrissement et les rendements stagnent ou baissent. En France par exemple l’érosion des sols agricoles est passée de 10 t/ha/an dans les années 1970 à 40 t/ha/an actuellement. Aux U.S.A. elle est passée en moyenne de 40 t/ha/an à 200 t/ha/an et en Chine, les célèbres limons de la vallée du fleuve Jaune s’érodent, par l’eau ou le vent, à la vitesse de 500 t/ha/an soit 5 cm de sol par hectare et par an. L’agriculture dite conventionnelle, basée sur les engrais et les pesticides n’est donc pas durable. Il nous faut donc changer d’agriculture et définir une agronomie qui respecte les lois de la biologie du sol.

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