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Une économie humaine pour éviter le «crash» de la civilisation | Stéphane Brousseau

http://quebec.huffingtonpost.ca/stephane-brousseau/une-economie-humaine-pour-eviter-le-crash-de-la-civilisation_b_6925210.html

Une économie humaine pour éviter le «crash» de la civilisation

Dans mon dernier article, j’écrivais qu’il ne faut pas s’attendre à des engagements de la part des politiciens pour lutter contre les gaz à effet de serre responsables des changements climatiques. Ce constat s’appuie sur l’observation de l’influence qu’exerce l’économie capitaliste sur les stratégies comportementales des décideurs dont l’intérêt se limite au développement économique à court terme selon un modèle dépassé qui nous projette vers notre perte!

Dans son livre This Changes Everything: Capitalism vs. the Climate édité en français en mars 2015 chez Lux Éditeur sous le titre Tout peut changer: Capitalisme et changement climatique, l’auteure et journaliste canadienne Naomi Klein explique avec exactitude en quoi les changements climatiques et toutes les autres pressions exercées sur les environnements sont les conséquences d’un capitalisme amplifié par des politiques néo-libérales!

Gouvernements, industries et citoyens sont assujettis aux pressions d’une course effrénée à la croissance caractéristique de ce modèle économique insoutenable. L’environnement biophysique subit la surexploitation des ressources, et l’environnement social est victime de mesures inefficaces drainées par l’austérité qui ne fait que réduire la capacité novatrice en projetant plus de citoyens vers la pauvreté. L’humanité est entrée dans l’Anthropocène et son modèle économique propulse la civilisation vers sa faillite.

Paradoxalement, on vise aveuglément la croissance. Dans un rapport, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a estimé que l’ensemble des pays devra investir 44 000 milliards de dollars d’ici 2050 pour limiter le réchauffement à 2 degrés afin d’éviter des changements climatiques qui coûteraient encore plus cher. Une récente étude économique de Kepler Cheuvreux conclut que l’industrie pétrolière devra absorber une perte de 28 000 milliards de dollars suite à la réduction des combustibles fossiles.

Ces dépenses de 72 000 milliards de dollars représentent 9863 $ par personne à l’échelle mondiale! Et cette dette virtuelle ne vaut rien comparée à celle bien réelle de la dégradation de la planète qui soutient la vie à laquelle le capitalisme n’accorde aucune valeur!

Si l’on assumait l’investissement de ces sommes dans les énergies renouvelables et le développement durable, elles rapporteraient 115 000 milliards d’économies, soit 15 753 $ par personne! Mais ni le capitalisme ni le néo-libéralisme ne sont adaptés à ce genre de stratégies trop novatrices pour ces modèles primitifs de société.

La croissance économique se poursuit avec les pires objectifs. Neuf limites à cette croissance ont été identifiées par des scientifiques depuis 2007 comme étant des frontières que la civilisation ne doit pas dépasser au risque de déstabiliser l’équilibre fragile de la planète.

Selon une étude du Stockholm Resilience Centre, réalisée par 17 universitaires et publiée en janvier 2015 dans Science, l’humanité a dépassé quatre des neuf limites de la planète:

  1. Les changements climatiques avec une concentration de CO2 dépassant 400 ppm alors qu’elle ne devrait pas dépasser 350 ppm.
  2. La perte de biodiversité rabaissée à 84% alors qu’elle devrait être de 90%.
  3. La pollution agricole avec des concentrations de 22 Tg (milliards de grammes) de phosphore et de 150 Tg d’azote dont les seuils sont de 11 Tg et 62 Tg.
  4. La déforestation dont la superficie a été réduite à 62% alors qu’elle doit être maintenue à 75%.

Deux limites sont dépassées occasionnellement: les émissions de microparticules et la dégradation de la couche d’ozone stratosphérique. Deux limites risquent d’être dépassées sans changements politiques et économiques: l’acidification des océans par l’absorption de CO2 et la consommation d’eau potable limitée à 4000 km3 par année (l’humanité consomme 2600 km3). Il reste une limite dont la capacité n’a pas été mesurée, celle des rejets de polluants organiques, radioactifs, microplastiques, nanomatériaux et autres substances industrielles.

Dans sa conférence, Johan Rockström, directeur exécutif du Stockholm Resilience Centre et co-auteur de la recherche, insiste sur la nécessité que le développement de la civilisation soit assujetti aux lois de l’environnement. Ce sont les lois immuables et intransgressibles de la nature et de la physique. Or, la civilisation est guidée dans sa dérive par des conventions du système social élaborées par l’homme au fil de son évolution depuis une époque à laquelle la science ne connaissait pas ces lois! La survie implique une modernisation complète du fonctionnement de la société!

La refonte d’un système aussi complexe requiert une approche intégrée et méthodique afin de garantir un succès acceptable: c’est l’architecture durable de la société.

Cette discipline requiert une analyse, élargie à toutes les sciences, pour comprendre le système actuel, les interactions entre ses concepts et mécanismes qui modulent les stratégies comportementales humaines dont les décisions ont des impacts directs sur l’environnement.

L’IRASD effectue ces recherches depuis deux ans dans le but de proposer des concepts opérationnels de société pouvant servir de modèles pour supporter une modernisation complète du système: gouvernance, législation, économie, etc.

Cette révolution ne sera pas initiée par les décideurs, mais par les 99% des citoyens qui subissent lourdement les conséquences de la dette environnementale engendrée par la croissance impitoyable d’un modèle social non viable sur une planète qui n’est pas infinie.

La nouvelle économie ne sera pas monétaire… Elle sera humaine! Nous sommes riches de 7,3 milliards d’individus capables de réfléchir, et nous devons innover sans compter pour adopter des solutions qui garantiront la pérennité de la civilisation et la survie de l’espèce humaine.

«Tout peut changer»… Nous devons le faire! Mais nous atteindrons l’efficacité collective qu’en abolissant l’individualisme au bénéfice de l’altruisme afin d’unir nos forces et nos différences pour travailler sur le même projet de société avec des objectifs communs!

Changements climatiques et capitalisme, tout doit changer et nous devons agir

« Nous savons que, si nous continuons, comme à présent, à laisser les émissions de gaz à effet de serre (GES) augmenter d’année en année, le réchauffement planétaire va bouleverser tout ce dont est fait notre monde. Il est plus que probable que de grandes villes se verront englouties et des cultures ancestrales immergées sous les flots, que nos enfants passeront une bonne partie de leur vie à fuir ou à tenter de se remettre de tempêtes effroyables et de sécheresses extrêmes. Et nous n’avons pas grand-chose à faire pour qu’un tel avenir se concrétise. En fait, il suffit de ne rien faire et de poursuivre sur notre lancée, à savoir attendre le salut des technologies, continuer à cultiver notre potager ou nous raconter que nous sommes malheureusement trop occupés pour prendre la situation en main.

Il suffit que nous ne réagissions pas comme s’il s’agissait d’une crise avérée. Il suffit de continuer à nier l’ampleur de notre effroi. C’est ainsi que, petit à petit, nous atteindrons le point de bascule que nous redoutons par-dessus tout, et dont nous avons systématiquement détourné le regard. Sans avoir rien de particulier à faire.

Il existe des moyens de se prémunir contre un avenir aussi sombre ou, du moins, d’en atténuer significativement le caractère funeste. À condition de tout changer de fond en comble. Ce qui implique, pour les consommateurs à outrance que nous sommes devenus, une mutation complète, tant de notre mode de vie que du fonctionnement de l’économie, voire des discours que nous tenons quant à notre place sur la Terre. La bonne nouvelle, c’est que bon nombre de ces moyens n’ont rien de catastrophique. Qu’ils sont même absolument passionnants. » 

« Jamais le dérèglement climatique n’a fait l’objet de pareil traitement de la part de nos dirigeants, quand bien même il risquerait de faire beaucoup plus de morts que l’effondrement de grandes banques et autres gratte-ciel. La réduction des émissions de GES (qui selon les scientifiques permettrait d’atténuer considérablement le risque de catastrophe) se voit considérée comme une simple recommandation ou relevant d’actions que l’on peut reporter indéfiniment. Manifestement, pour qu’une crise devienne une crise, les rapports de pouvoir et les priorités établies ont autant d’importance que les faits concrets. Mais, en l’occurrence, nous n’avons pas à nous contenter d’agir en spectateurs: les politiciens ne sont pas seuls à détenir le pouvoir de déclarer une crise. Les mouvements citoyens de masse sont également en mesure de le faire. »

« si suffisamment d’entre nous cessons de détourner les yeux et décidons que le dérèglement climatique constitue bel et bien une crise nécessitant une intervention de l’ordre du plan Marshall, alors elle sera perçue comme telle, et la classe politique n’aura d’autre choix que de réagir »

« Une telle vision de l’avenir va bien au-delà de la question de la simple survie ou de la résistance aux bouleversements climatiques, bien au-delà des mesures d’«atténuation» et d’«adaptation» dont les rapports des Nations Unies font état dans leur lugubre jargon. C’est une vision qui nous incite à nous servir collectivement de cette crise pour faire le grand saut et bâtir un monde autrement plus accueillant que celui d’aujourd’hui. »

Extrait de: Klein, Naomi. « Tout peut changer. » Lux Éditeur, 2015-02-16. 

 

Il faut construire un consensus social | Le Devoir

http://www.ledevoir.com/societe/science-et-technologie/434775/il-faut-construire-un-consensus-social

Il faut construire un consensus social

Marguerite Mendell, professeure titulaire à l’École des affaires publiques et communautaires de l’Université Concordia et directrice de l’équipe de recherche sur l’économie sociale de cette université.

Le Québec possède une expertise unique en matière d’innovation sociale, constate Marguerite Mendell, professeure titulaire à l’École des affaires publiques et communautaires de l’Université Concordia et directrice de l’équipe de recherche sur l’économie sociale de cette université. C’est en outre une économiste de renommée internationale dont l’expertise est réclamée à travers le monde.

Depuis des décennies, Mme Mendell étudie les différents modèles économiques et elle se réjouit de celui qu’on a mis en pratique au Québec. «Je voyage un peu partout, dit-elle, mais pas pour dire que tout ce qu’on fait ici est merveilleux, ni pour dire qu’on a les réponses à toutes les questions. Non! Mais nous avons une façon particulière de dialoguer et de se concerter qui est précieuse… puisque ça marche!»

Le bon et le mauvais modèle économique

Étudiante dans les années 1970-1980, Marguerite Mendell a eu la chance, comme elle le raconte elle-même, de s’être fait enseigner les différentes théories économiques. «J’ai été privilégiée d’étudier la science économique à une époque où on enseignait les diverses écoles théoriques, les différents modèles et également le contexte dans lequel ceux-ci ont été élaborés.»

C’est ainsi qu’elle a étudié le keynésianisme, le marxisme, le néoclassicisme, etc. « Je pense que j’ai fait partie de la dernière génération d’économistes à qui on a enseigné tout cela», se désole-t-elle, alors qu’aujourd’hui il n’y a place que pour un modèle : l’économie de marché (le néolibéralisme). De surcroît, ce modèle est une perversion du néoclassicisme. «Il s’agit d’un modèle à pensée unique, dit-elle, une idéologie centrée sur l’individu où on oublie qu’il y a d’autres modèles, dont des modèles coopératifs et des modèles où l’État joue un rôle.»

En outre, l’économie de marché — qui devrait s’autoréguler, dit-on — est, pour l’économiste, «une perversion», pour ne pas dire une chimère. À preuve, les innombrables impacts négatifs qu’on observe dans les sociétés qui reposent essentiellement sur l’autorégulation du libre marché (notamment aux États-Unis). Et ce qui étonne le plus Mme Mendel, c’est que, peu importe les échecs répétés un peu partout à travers le monde avec ce modèle, on n’en continue pas moins de vanter ses mérites !

En pratique, Marguerite Mendell constate que le meilleur modèle est celui de l’économie plurielle. «Il y a des activités économiques où le secteur privé est la meilleure formule, dit-elle. Mais il y a aussi des activités où l’État est préférable et d’autres où le milieu communautaire est mieux placé. Et il est souvent préférable d’avoir une combinaison des deux ou des trois secteurs.»

« Il faut, à coup sûr, que l’État intervienne en économie pour établir les priorités et pour réguler les marchés, poursuit-elle. Il faut aussi un secteur communautaire fort, de même qu’un secteur privé en bonne santé. Les trois sont nécessaires, puisqu’ils sont souvent complémentaires les uns par rapport aux autres.»

De surcroît, il faut tendre vers un système économique où existe un consensus social, une économie où les divers acteurs (le patronat, les syndicats, le milieu communautaire, les politiques, etc.) se parlent, échangent entre eux et se concertent. C’est même, pour elle, la formule gagnante — celle, justement, qu’on a développée au Québec ces dernières décennies.

« Mon Québec, que je ne reconnais plus ! »

Or, rapporte la professeure à l’École des affaires publiques et communautaires, c’était le modèle économique qu’on appliquait jusqu’à tout récemment. «Ce que je trouve vraiment particulier, dit-elle, c’est la façon selon laquelle on a cette capacité de dialoguer, de se rassembler autour d’une table, de négocier, de travailler ensemble — même si on n’aboutit pas toujours à un résultat acceptable pour tous. On fonctionnait selon un processus de concertation.»

Par conséquent, Mme Mendell n’en revient tout simplement pas de voir la façon dont le gouvernement Couillard procède en ce moment, en brisant le consensus social québécois. «Je n’ai pas de mots pour décrire ce qui se passe, déclare-t-elle. Bien sûr, on fait face à d’importants défis [budgétaires],poursuit-elle, mais là, ce que fait le gouvernement, il ne nous l’avait jamais annoncé en campagne électorale. Alors donc, pourquoi arrive-t-il avec un marteau en disant qu’il faut à peu près tout démolir?!»

Cette économiste chevronnée rejette, par conséquent, la stratégie qui consiste à dire que, pour parvenir à une responsabilité fiscale, il faut rationaliser, fermer, transformer, fusionner…

En réalité, le gouvernement Couillard cherche avant tout à réduire la taille et le rôle de l’État, sous le prétexte d’atteindre l’équilibre budgétaire. Il n’a pourtant jamais annoncé ses intentions durant la campagne électorale. «Le gouvernement nous dit qu’il faut faire un grand effort pour la prochaine année et que, par la suite, tout ira mieux… Mais non, ça ne se passera pas comme ça!», déclare Mme Mendell.

«Pour moi, ce n’est pas mon Québec, poursuit-elle. Je ne le reconnais pas!» Selon Mme Mendell, il serait essentiel de construire un consensus social, car, «autrement, tout le monde y perdra».

Heureusement qu’il y a les jeunes…

Par contre, Marguerite Mendell se dit inspirée par la nouvelle génération. «Il y a énormément de jeunes qui cherchent un autre modèle, observe-t-elle, une façon de réinsérer l’économie dans la société afin que la finance devienne un outil, un instrument, et non une fin en soi.»

Elle voit ainsi quantité de jeunes inspirés par l’économie sociale au Québec. «On a maintenant énormément de jeunes qui s’intéressent, partout à travers le monde, à l’entrepreneuriat social, dit-elle. Et nous, à Concordia — comme dans bien d’autres universités — nous travaillons avec ceux et celles qui cherchent à faire les choses autrement.»

Il y aurait donc de l’espoir.

L’avenir de la Terre impose un changement radical des mentalités – Grappe Belgique

Un texte de 2007, mais de plus en plus d’actualité…

http://www.grappebelgique.be/spip.php?page=imprimer&id_article=407

L’avenir de la Terre impose un changement radical des mentalités

Point de vue

L’avenir de la Terre impose un changement radical des mentalités,

par Bruno Latour LE MONDE | 04.05.07 | 14h14

Pour la première fois, en avril, le Conseil de sécurité a consacré une séance à la menace due au réchauffement global. Il ne s’agissait plus de la guerre froide, mais d’une nouvelle « guerre chaude ». La Terre est entrée enfin littéralement dans la géopolitique. Or, c’est le moment où le parti des Verts sort atomisé de l’élection.

On pourrait se réjouir de voir l’écologie politique réduite aux scores folkloriques des autres « nains de jardin ». Il me semble que ce serait une grave erreur, car ce qui est maintenant en jeu c’est une bataille autrement urgente pour la définition du courage en politique.

Depuis des lustres, tous les historiens l’ont montré, la gauche française reste paralysée par l’accusation de ne pas être assez radicale. On répartit donc toujours les passions politiques le long d’un gradient qui irait du courage le plus extrême (et d’autant plus extrême qu’il n’a jamais couru le risque d’être testé !) jusqu’au réformisme mou des « sociaux-traîtres » qui accepteraient, comme on dit étrangement, « le monde tel qu’il est ».

La menace écologique, cette guerre chaude que nous menons, selon l’expression de James Lovelock, contre Gaïa, cette guerre que nous ne pouvons pas gagner sans entraîner notre propre perte, modifie totalement l’ancienne répartition des formes de courage. Jusqu’ici, la radicalité en politique voulait dire qu’on allait « révolutionner », « renverser » le système économique. Or la crise écologique nous oblige à une transformation si profonde qu’elle fait pâlir par comparaison tous les rêves de « changer de société ». La prise du pouvoir est une fioriture à côté de la modification radicale de notre « train de vie ». Que peut vouloir dire aujourd’hui « l’appropriation collective des moyens de production » quand il s’agit de modifier tous les moyens de production de tous les ingrédients de notre existence terrestre ? D’autant qu’il ne s’agit pas de les changer « en gros », « d’un coup », « totalement », mais justement en détail par une transformation minutieuse de chaque mode de vie, chaque culture, chaque plante, chaque animal, chaque rivière, chaque maison, chaque moyen de transport, chaque produit, chaque entreprise, chaque marché, chaque geste.

Devant l’ampleur de cette transformation (d’autant plus radicale qu’elle doit se faire sur la totalité des conditions d’existence terrestre mais en détail et avec précaution), il est grand temps de réhabiliter le courage de ceux qui veulent prendre en compte « le monde tel qu’il est ». Tel qu’il est ? Oui, fragile, menacé, et surtout menaçant.

Par rapport à ce nouveau front de guerre chaude, les « néolibéraux » semblent encore plus archaïques que les révolutionnaires. Ceux que j’appelle les marxistes de droite – les ayatollahs du Wall Street Journal – sont aussi démunis que les marxistes de gauche devant l’ampleur des transformations qu’il va falloir faire subir à la totalité des commensaux de la planète. Le choix n’est donc plus celui d’autrefois entre le refus (plus ou moins révolutionnaire) ou l’acceptation (plus ou moins réformiste) des « forces du marché ». Le refus aussi bien que la complaisance sont déjà condamnés.

Chose amusante, c’est justement le moment que choisissent les jeunes retraités de Mai 68 pour se plaindre qu’il n’y ait plus de « pensée radicale » et plus de « maîtres penseurs ». J’ai l’impression, au contraire, que l’époque demande des modifications de l’intellect qui dépassent de très loin les pâles utopies de nos éminents prédécesseurs. D’autant qu’il ne s’agit pas seulement des « gens de plume », mais aussi de modifier la production même de toute pensée en la mêlant beaucoup plus étroitement aux sciences exactes et sociales – ou plutôt à ces nouvelles sciences hybrides qu’il faudra bien se décider à nommer terrestres ou terriennes.

Mais il y a plus étonnant encore : c’est précisément au moment où la question de la Terre devient la question-clé de la bien-nommée géopolitique que se présentent aux élections trois ou quatre défenseurs de la « ruralité ». Tout se passe comme si la Terre était à la fois derrière nous sous la forme d’un rural archaïque, et devant nous sous la forme de cette Gaïa dont nous ne savons plus si elle est mère ou marâtre, proche ou lointaine, pacifique ou guerrière, amie ou ennemie.

De ce point de vue, José Bové peut servir de transition puisqu’il défend à la fois l’ancien terroir et la nouvelle Terre. Il n’a pas recueilli beaucoup de voix, mais le court-circuit qu’il pratique entre les deux formes de ruralité indique sans aucun doute une voie d’avenir.

L’entre-deux tours ne serait-il pas le moment idéal pour redéfinir enfin le courage en politique ? Les petits partis extrêmes, qui ont tant fasciné les socialistes, ne pèsent pas lourd bien sûr, mais il faut garder d’eux l’essentiel : le goût de la radicalité. Car c’est justement ce dont on a le plus besoin pour mener cette lutte nouvelle qui porte sur la métamorphose de toutes les conditions d’existence et pour laquelle nous semblons si peu préparés. Comme le dit le philosophe Peter Sloterdijk, il ne s’agit pas de révolutionner d’un coup en modifiant seulement le nom et le titre de ceux qui sont aux commandes, mais d’expliciter l’une après l’autre les conditions qui forment la délicate enveloppe de nos « sphères de survie ».

« Changer la vie », tel était le slogan des socialistes. On l’a trouvé ensuite d’une ridicule naïveté. Or il a maintenant repris toute sa généreuse et écologique exactitude : les 30 % à 40 % d’espèces menacées de disparition embrasseraient volontiers ce fier slogan… Les petits partis n’ont pas à se « rallier » au socialisme faute de mieux. C’est lui, au contraire, qui doit cesser de regarder vers le passé révolutionnaire et se tourner enfin vers la « guerre chaude », qui exige, elle aussi, mais à une échelle démultipliée, le courage et la radicalité.

Bruno Latour est professeur à Sciences-Po Paris.

Article paru dans l’édition du 05.05.07

Naomi Klein : “ExxonMobil, BP, Shell… ont déclaré la guerre à la planète ” – Idées – Télérama.fr

http://www.telerama.fr/idees/naomi-klein-exxonmobil-bp-shell-ont-declare-la-guerre-a-la-planete,123946.php

Naomi Klein : “ExxonMobil, BP, Shell… ont déclaré la guerre à la planète”

Egérie de la gauche nord-américaine, elle s’engage, avec un nouvel essai, dans la lutte contre le changement climatique. Et voit dans la crise actuelle une chance pour remettre en cause le système capitaliste… Voici la version longue d’un entretien paru dans “Télérama”.
Elle s’était faite discrète, ces dernières années. On l’avait aperçue dans le parc Zuccotti, aux côtés des manifestants d’Occupy Wall Street, ou, plus récemment, soutenant les opposants au pipeline de Keystone. Sept ans après La Stratégie du choc, Naomi Klein, icône canadienne de la gauche nord-américaine, fait à nouveau entendre sa musique originale de « journaliste-chercheuse-activiste ». Tout peut changer, qui paraîtra le 18 mars prochain chez Actes Sud, décrypte les liens consanguins et mortifères entre capitalisme et changement climatique, au fil de pages aussi denses que passionnées, souvent personnelles, et fourmil­lant d’expériences, de chiffres, de faits. A quelques mois de la COP21, la conférence sur le climat qui se tiendra à Paris fin 2015, voilà un essai implacable, offensif ET optimiste, car « oui, assure l’essayiste canadienne,le changement climatique nous offre une opportunité unique pour changer de système ». Entretien exclusif.
Vous venez d’une famille de militants de gauche. Vos parents vous ont transmis le virus de l’activisme ?
Enfant, mes parents me traînaient sans cesse dans des manifestations et je détestais ça. A 10 ans, j’ai même annoncé à ma mère que je ne l’accompagnerais plus. J’étais une rebelle et une enfant des années 1980. Je me suis révoltée… en traînant dans les centres commerciaux ! Le déclic est venu plus tard, en particulier en 1989, après la tuerie de l’Ecole polytechnique de Montréal. Quatorze femmes ont été tuées par un jeune homme qui n’avait pas été accepté dans cette école et qui était convaincu que les femmes étaient favorisées (1) . Il s’est suicidé en laissant une lettre pleine de haine envers les féministes. J’ai décidé de me revendiquer féministe, j’ai commencé à écrire, mais je ne suis jamais devenue une manifestante. Même si je crois profondément aux mouvements sociaux de masse, je ne suis pas à l’aise dans une foule.
C’est étonnant, venant d’une égérie des grandes marches altermondialistes !
L’écriture est ma façon de m’engager. J’ai toujours voulu écrire des livres utiles aux mouvements sociaux dont je parle. Je me suis longtemps présentée comme activiste journaliste, mais je ne m’y retrouve plus vraiment. Je n’aime pas les étiquettes, pas seulement parce que j’ai écrit No logo… Mon travail est hybride, je croise l’enquête journalistique et la recherche scientifique. Quand j’écris un livre — celui-ci m’a pris cinq ans —, je me mets en retrait. Mais quand il sort, j’entre en campagne.

“Je n’attends rien des dirigeants.”
Où en est la contestation aux Etats-Unis, quinze ans après les grandes manifestations de protestation de Seattle à l’occasion du sommet de l’Organisation mondiale du commerce ?
La longue histoire contestataire américaine se poursuit, avec toutes sortes de mouvements sociaux qui évoluent, interagissent. Certains manifestants d’Occupy sont des enfants de Seattle, et beaucoup de Black Lives Matter (mouvement de protestation suscité par les morts de jeunes Noirs non armés provoquées par des policiers à Ferguson et à New York) viennent d’Occupy. Tout l’enjeu consiste à créer des passerelles entre ces luttes, leurs problématiques, leurs ancrages sociaux. Pour l’instant, ces mouvements paraissent plus éclatés, plus éphémères que leurs cousins européens ; ils souffrent de la décomposition du paysage syndical et de la méfiance vis-à-vis des institutions, bien plus marquées aux Etats-Unis qu’en Europe. Mais leur impact sur la société américaine est plus profond que ce que l’on peut voir dans les rues. Thomas ­Piketty n’aurait jamais eu un tel succès aux Etats-Unis s’il n’y avait eu Occupy, qui a exposé la question des inégalités. La gauche américaine s’intéresse de près à la victoire de Syriza en Grèce et aux progrès de Podemos en Espagne. Je suis convaincue que les mouvements sociaux vont trouver de nouveaux débouchés politiques aux Etats-Unis.
Peu d’entre eux font le lien entre les politiques d’austérité et la crise écologique, y compris Podemos et Syriza. Cette question est au coeur de Tout peut changer. Pourquoi est-elle cruciale ?
Effectivement, les gens qui travaillent sur le changement climatique n’inter­agissent pas assez avec ceux qui luttent pour un meilleur partage des biens communs ou contre l’austérité, alors qu’il est évident que l’on parle d’une seule et même chose. Que nous dit le changement climatique ? Que notre système extractiviste — c’est-à-dire basé sur l’extraction intensive de nos ressources naturelles —, qui repose sur une croissance illimitée, une logique hyper compétitive et concentre le pouvoir dans les mains de moins de un pour cent de la population, a échoué. Ramener nos émissions de gaz à ­effet de serre aux niveaux recommandés par les climatologues implique une transformation économique radicale. C’est aussi une formidable occasion de changer car, avec ou sans réchauffement climatique, notre système ne fonctionne pas pour la majorité de la population. Le principal obstacle n’est pas qu’il soit trop tard ou que nous ignorions quoi faire. Nous avons juste assez de temps pour agir, et nous ne manquons pas de technologies « propres » ni d’une vision du monde capable de rivaliser avec le modèle actuel — un système économique plus juste, qui comble le fossé entre riches et pauvres, et redynamise la démocratie à partir de la base. Mais si la justice climatique l’emporte, le prix à payer pour nos élites sera réel. Je pense au manque à ­gagner du carbone non exploité par les industriels, mais aussi aux réglementations, impôts, investissements publics et programmes sociaux nécessaires pour accomplir ce changement.
Qu’attendez-vous du prochain sommet sur le climat, la COP21, qui se tiendra à Paris fin 2015 ?
Je n’attends rien des dirigeants. Mais le contexte de la COP est unique, car la mobilisation contre l’austérité est très puissante en Europe. J’espère vraiment que le mouvement contre les coupes budgétaires, celui contre le Tafta — le traité de libre-échange transatlantique — et celui pour le climat vont travailler ensemble pour exiger une transition post-carbone équitable, en se servant de la chute des prix pétroliers comme d’un catalyseur. La hausse des prix a été catastrophique, elle nous a précipités dans l’ère des énergies extrêmes, notamment en Amérique du Nord, avec la ruée sur le gaz de schiste et les sables bitumineux, la multiplication des pipelines, des terminaux d’exportation… Le mouvement pour le climat s’est retrouvé dans une position très défensive. La chute des prix du pétrole freine ces projets d’infrastructures, ces mirages d’eldorado économique et devrait encourager les mouvements ouvrier et environnemental à travailler ensemble.

“Je crois dans la force des mouvements sociaux pour faire pression sur nos gouvernants.”
Selon le sociologue Bruno Latour, si l’on veut être sérieux avec le changement climatique, il nous faut déclarer la guerre aux ennemis de la Terre…
Mais ExxonMobil, BP, Shell et les autres géants des énergies fossiles ont déjà déclaré la guerre à la planète, et à l’humanité ! Si on les autorise à exploiter les réserves de combustibles fossiles, la température augmentera de 4 à 6 degrés. Il faudrait plutôt leur répondre. Nous ne l’avons pas fait jusqu’à présent, voyez toutes ces ONG environnementales qui signent des partenariats avec des pollueurs, comme le WWF avec Shell. Idem pour les conférences des Nations unies sur le climat, financées… par le secteur des énergies fossiles depuis des années. J’ai bien peur que la COP21 ne batte tous les records, dans le contexte de crise budgétaire actuel, avec de multiples partenariats privés où l’on retrouvera les poids lourds du nucléaire, de l’eau, des transports…
Avec quelles armes pouvons-nous lutter ?
Il ne s’agit plus de cesser le sponsoring des conférences par ces grandes entreprises, mais de leur en interdire l’accès. Quand l’Organisation mondiale de la santé a négocié le traité anti-tabac, les grands ­cigarettiers ont eu l’interdiction de participer aux tractations, car elles portaient sur leur domaine. Shell, Exxon, etc., ne doivent pas prendre part aux discussions sur le climat.
On est loin de ce type de décisions !
Je crois dans la force des mouvements sociaux pour faire pression sur nos gouvernants, dénoncer la corruption qui gangrène les négociations. La « blocadie », ces poches de résistance qui s’opposent aux ambitions des sociétés minières, gazières et pétrolières, est en train de tisser un réseau mondial de militants enraciné et diversifié comme en a rarement connu le mouvement vert. Quand j’ai commencé le livre, beaucoup n’avaient pas encore vu le jour ou ne représentaient qu’une petite partie de leur ampleur actuelle. Regardez la campagne de « désinvestissement », lancée en 2012 par 350.org, l’ONG créée par Bill McKibben et dont je fais partie. Nous sommes partis d’un constat simple : puisque les industries des combustibles fossiles déstabilisent le climat de la planète, toute institution qui prétend servir des intérêts publics a la responsabilité morale de céder les actions qu’elle détient dans ces industries. Car c’est eux ou nous.

Pourquoi avoir pensé au « désinvestissement » ?
Bill et moi avions lu une enquête du « Carbon Tracker Research », qui montrait que l’industrie des combustibles fossiles possède cinq fois plus de dioxyde de carbone en réserve que l’atmosphère ne peut en absorber si l’on veut maintenir le réchauffement climatique en deçà de 2°C. Ce rapport s’adressait aux investisseurs, deux ans après le krach immobilier, pour les avertir du risque d’une nouvelle bulle : étant donné que ces industries ne pourraient pas brûler cinq fois plus de carbone, ces réserves en hydrocarbures risquaient d’être perdues.
J’ai lu le rapport et j’ai pensé « Mais non, ce n’est pas ça ! » En réalité, cet avertissement n’était pas destiné aux investisseurs, mais à nous tous. Car Shell, Exxon et les autres mentent : les engagements de Copenhague n’étant pas contraignants, les pétroliers prévoient bien de brûler leurs réserves de carbone. Alors, comment agir ? Comment faire en sorte que les extracteurs deviennent la bulle qui va éclater, et non pas nous ? Nous avons eu l’idée du désinvestissement. Encore une fois, c’est eux ou nous. Le message est passé : en six mois, les groupes appelant au « désinvestissement » se sont répandus aux Etats-Unis, sur plus de trois cents campus et une centaine de villes, Etats et organisations religieuses. Je n’ai jamais vu un combat qui se soit propagé aussi vite ! Depuis, la vague a gagné le Canada, l’Australie, les Pays-Bas, la Grande-Bretagne. Les villes de San Francisco et de Seattle ont annoncé qu’elles allaient « désinvestir ». Et la plus belle victoire a été remportée quand l’université de Stanford, dont la fondation gère un portefeuille de 18,7 milliards de dollars, a décidé de vendre ses actions dans le secteur du charbon.

“Agir contre le réchauffement est une question de justice intergénérationnelle.”
La puissance du mouvement vient aussi du fait qu’il est mené par des jeunes gens, des étudiants qui disent à leurs administrateurs : votre job est de me préparer pour le futur, comment est-ce possible si vous investissez notre argent dans les industries qui hypothèquent notre avenir ? C’est une question de justice intergénérationnelle que les jeunes comprennent instantanément. A partir du moment où l’on insiste sur le fait que le développement de ces secteurs est en conflit avec la vie sur terre, nous ouvrons de nouvelles possibilités d’actions. Il devient légitime de taxer les profits, d’augmenter les royalties voire de nationaliser ces sociétés qui menacent nos vies. Car nous avons aussi un droit sur ces profits, pour financer la transition énergétique, la facture de cette crise majeure. Cela nous ramène aussi à la question des partenariats entre beaucoup d’ONG écologiques et les industries de combustibles fossiles, partenariats basés sur l’idée que nous sommes tous dans le même bateau. Mais c’est faux et les gens le savent bien, surtout les jeunes ! Je suis également convaincue que les gens sont prêts à lutter depuis très longtemps, mais le mouvement environnemental n’a jamais déclaré la guerre jusqu’à présent !
Quelle lutte vous a le plus inspirée ?
Sans hésitation le mouvement de résistance contre l’oléoduc du Northern Gateway en Colombie-Britannique, car il rassemble des populations indigènes et non indigènes d’une manière inédite dans l’histoire du Canada. Ensemble, elles luttent pour l’essentiel — la santé de leurs enfants, la préservation de l’eau, de leurs terres. Jamais je n’aurais cru voir changer les mentalités de mon pays aussi rapidement. C’est un magnifique exemple de ces nouvelles mobilisations qui utilisent l’arsenal technologique moderne, les médias sociaux, tout en étant profondément implantées dans une communauté et en travaillant avec les outils plus traditionnels de la mobilisation.
Notre salut se trouverait dans l’action locale ?
Personne ne résoudra cette crise à notre place. Et nous avons tous besoin de nous battre à partir d’un lieu, d’avoir les pieds bien ancrés dans la terre, et non flottant dans l’espace. Le mouvement environnementaliste est enfin en train de revenir sur terre, de se réenraciner. Depuis des années, l’image de la planète vue du ciel sert d’icône aux militants écologistes, aux sommets sur le climat, mais la perspective de l’astronaute est dangereuse, si loin de la réalité. La Terre des photos de la Nasa semble si jolie, si propre, comme l’écrivait Kurt Vonnegut en 1969. « On ne voit pas les Terriens affamés ou en colère à sa surface, ni leurs gaz d’échappement, leurs égouts, leurs ordures et leurs armes sophistiquées. » Avec cette vision « globale », les sources de pollution deviennent de simples pièces sur un échiquier géant : telle forêt tropicale va absorber les émissions des usines européennes, des champs de maïs vont remplacer les puits de pétrole pour fournir de l’éthanol… Et on perd de vue les êtres qui, sur place, sous les jolis nuages coiffant notre globe, font face à la dévastation de leur territoire ou à l’empoisonnement de l’eau. Je suis convaincue qu’un mouvement environnementaliste s’appuyant sur la mobilisation locale de gens qui veulent préserver les terres qu’ils aiment sera plus honnête et réaliste.
Aucune de ces batailles ne peut remplacer les indispensables politiques de réduction d’émissions de gaz au niveau planétaire. Comment passer à une échelle plus large ?
Les deux mouvements vont de pair. La position du gouvernement français contre le gaz de schiste a été prise après des mobilisations locales. Dans l’Etat de New York aussi tout a commencé par des luttes de terrain. Nous sommes moins isolés les uns des autres que nous ne l’étions il y a dix ans, grâce aux médias sociaux, qui permettent de rendre virales des actions locales et de les articuler à un débat planétaire, d’une portée et d’une influence sans précédent. Nul besoin d’un mouvement tout neuf qui réussirait comme par magie là où tous ses prédécesseurs ont échoué. Mais cette crise, qui nous place devant une échéance inéluctable, peut pousser tous ces mouvements sociaux à se rassembler, tel un puissant fleuve alimenté par d’innombrables ruisseaux.

“On accuse l’énergie solaire ou éolienne de ne pas être fiable, mais regardez le pétrole, les stocks s’effondrent.”
Cette crise constitue aussi un enjeu majeur de justice climatique – et de dette climatique –, que vous placez au cœur de Tout peut changer
Effectivement, et chaque négociation des Nations unies sur le climat se brise sur cette question fondamentale : notre réponse collective au changement climatique s’appuira-t-elle sur des principes de justice et d’équité ? Plus de cent soixante pays ont signé en 1992 la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), dans laquelle ils reconnaissent « leurs responsabilités communes mais différenciées ». Ce qui veut dire que les pays qui ont émis le plus de CO2 au cours du siècle passé doivent être les premiers à réduire leurs émissions et aider financièrement les pays pauvres à se développer de façon « écoresponsable ».
Même si Bill Clinton et Al Gore ont négocié le protocole de Kyoto, ils ne l’ont jamais signé. A leur retour aux Etats-Unis, le Congrès l’a rejeté en disant : pourquoi signer, alors que la Chine refuse de le faire ? Il a rejeté ce principe selon lequel les pays en développement ont le droit de rattraper le monde occidental, de se développer et que les pays les plus responsables du changement climatique devraient prendre la tête du mouvement de lutte contre le réchauffement.
Ce qui nous ramène au débat fondamental de l’histoire des inégalités : c’est la civilisation du carbone qui est à l’origine d’un monde profondément inégalitaire ; c’est l’Europe qui, en commençant à brûler massivement du charbon, a ouvert le fossé des inégalités d’une manière inédite dans l’histoire. Voilà précisément l’une des raisons pour lesquelles la lutte contre le changement climatique apparaît si menaçante pour la droite, particulièrement la droite américaine, qui la considère comme un « complot » pour redistribuer la richesse. Mais cela n’a rien d’un complot ! Nous resterons coincés tant que nous ne permettrons pas au monde en développement de lutter contre la pauvreté, sans brûler plus d’énergies fossiles. Cela implique des transferts de technologies bien supérieurs à ceux réalisés jusqu’à aujourd’hui.
Il s’agit du fondement de l’idée de « dette climatique ». Je l’ai entendue pour la première fois en 2009 dans la bouche d’Angelica Navarro Llanos, la négociatrice bolivienne en matière de climat, qui m’avait expliqué comment le changement climatique pourrait constituer un catalyseur pour résoudre les inégalités entre le Nord et le Sud, en jetant les bases d’un « plan Marshall pour la planète ».

“La gauche a du mal à accepter que l’obsession de la croissance mène dans le mur.”
Vous dites que la droite se sent particulièrement menacée par la lutte contre le changement climatique. La gauche, qui reste aussi arrimée à une histoire productiviste, serait plus prête à ces remises en question ?
Elle ne l’a pas fait jusqu’ici. Elle n’a jamais remis en cause la logique extractiviste — ou productiviste, ou développementaliste, selon le terme que l’on choisit —, la déclaration de guerre contre la nature qui constitue le cœur de notre système économique et qui est partagée à la fois par le communisme et le capitalisme.
C’est un défi profond pour la droite, car le changement climatique exige de la régulation, des investissements publics, de l’action collective et d’imaginer un autre horizon intellectuel que celui de la croissance infinie. Même chose pour la gauche, qui même si elle a plus d’appétit pour l’intervention publique, a du mal à accepter que l’obsession de la croissance nous mène droit dans le mur. Notre objectif commun est de vivre bien, avec moins, ce qui est plus facile à comprendre pour la gauche. Une partie de la gauche a d’ailleurs déjà effectué ce chemin, même si les partis seront les derniers à le faire.
Cette prise de conscience est bien plus développée en Amérique Latine, en Bolivie ou en Equateur par exemple. Deux pays qui ont des gouvernements de gauche à leur tête, qui ont intégré dans leurs discours les droits de la nature, la critique de la croissance, tout en restant dépendants de la logique extractiviste. Cette tension donne lieu à des débats intellectuels vraiment intéressants. En fait, si je me concentre sur la critique du capitalisme, c’est parce qu’il s’agit du modèle dans lequel nous vivons. Nos économies sont capitalistes, même en Bolivie. Et le réchauffement climatique nous remet en cause de la manière la plus profonde, en nous obligeant à renoncer à cette envoûtante utopie d’une maîtrise totale de la nature dans laquelle les énergies fossiles ont joué un rôle capital. Comme l’écrit l’écologiste Andreas Malm, le premier moteur à vapeur commercial « était apprécié pour n’être soumis à aucune force qui lui fût propre, à aucune contrainte géographique, à aucune loi extérieure, à aucune volonté résiduelle autre que celle de ses propriétaires ; il était absolument – ou plutôt ontolongiquement – asservi à ceux qui le possédaient. »
On continue à parler des énergies solaire et éolienne comme n’étant pas fiables, mais regardez le pétrole, les stocks sont en train de s’effondrer. S’il y a bien une technologie qui n’est pas fiable, c’est celle-ci, qui nous emmène tous à la catastrophe… Les énergies solaire et éolienne nous obligent à changer de position, à engager un dialogue avec la nature, puisque pour que ces modèles fonctionnent, vous devez tenir compte de l’ensoleillement, du vent… Elles nous disent que tous les endroits en se valent pas, ce qui est précisément l’inverse de ce qu’on nous a répété pendant toute l’ère de la mondialisation : la géographie ne compte pas, les nationalités ne comptent pas… Ces technologies nous obligent à prêter attention aux endroits où nous vivons, ce qui représente un vrai changement de paradigme pour la gauche comme pour la droite. Mais je suis convaincue que les nouvelles générations d’intellectuels vont s’en emparer. Même si c’est lent, parce que le changement est tellement profond.
De tous vos livres, Tout peut changer est le plus optimiste. La naissance de votre fils, auquel vous l’avez dédié, y est-elle pour quelque chose ?
J’ai commencé ce livre avant sa naissance et l’ai conçu dès le départ comme un projet optimiste quant à nos possibilités de changement. J’ai toujours eu du mal avec le cliché selon lequel nous nous battons pour nos enfants. La maternité peut certes devenir une force créatrice, mais certaines des personnes qui me servent de modèles de créativité et d’empathie n’ont pas d’enfants — par choix ou pas — et je les respecte. Non, vraiment, je ne joue pas la carte de la maternité, mais je suis nettement plus fatiguée qu’avant [rires] ! En revanche, mon travail a beaucoup été influencé par ma difficulté à être enceinte, les fausses couches, les expériences pharmaceutiques et technologiques ratées… Ce que j’ai appris sur la crise écologique a façonné mes réactions face à ma propre crise de fertilité et vice versa. J’ai pris conscience que la Terre est effectivement notre mère à tous, et qu’elle traverse une crise de fertilité. J’ai aussi compris que ces ingénieux mécanismes de procréation et de régénération de la Terre et de ses habitants pourraient contribuer à un nouveau modèle, qui ne reposerait plus sur la domination et le pillage des écosystèmes. Alors pourquoi ne pas être optimiste ?

(1) Une pièce de Christophe Honoré, Violentes Femmes, mise en scène par Robert Cantarella, s’inspire de l’événement et tourne actuellement en France (du 18 au 20 mars, au CDN d’Orléans).

1970 Naissance à Montréal.
2000 Publie No logo, essai sur la mondialisation.
2004 Coréalise avec son mari Avi Lewis The Take, documentaire sur une coopérative ouvrière argentine.
2007 Publie La Stratégie du choc : la montée d’un capitalisme du désastre.
2015 Prépare un film à partir de son dernier essai.

À lire
Tout peut changer. Capitalisme et changement climatique, de Naomi Klein, traduit de l’anglais (Canada) par Nicolas Calve et Geneviève Boulanger, coéd. Actes Sud/Lux, 640 p., 24,80 €, sortie le 18 mars.

Rencontres avec Naomi Klein :
lundi 30 mars à 18h30 – Centre Pierre Mendes France (Tolbiac) de l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, 90 rue de Tolbiac (métro Olympiades, ligne 14)
mardi 31 mars à 12h30 – Université Paris 8 (métro Saint-Denis Université, ligne 13)
Dans la limite des places disponibles, réservation : http://attac.org/l/naomiklein

The 9 limits of our planet … and how we’ve raced past 4 of them | ideas.ted.com

http://ideas.ted.com/the-9-limits-of-our-planet-and-how-weve-raced-past-4-of-them/

THE 9 LIMITS OF OUR PLANET … AND HOW WE’VE RACED PAST 4 OF THEM

Johan Rockström says humanity has already raced past four of the nine boundaries keeping our planet hospitable to modern life. Writer John Carey digs into the “planetary boundary” theory — and why Rockström says his isn’t, actually, a doomsday message.We’ve been lucky, we humans: For many millennia, we’ve been on a pretty stable — and resilient — planet. As our civilizations developed, we’ve transformed the landscape by cutting down forests and growing crops. We’ve created pollution, and driven plants and animals extinct. Yet our planet has kept spinning along, supporting us, more or less stable and in balance. Going forward, scientists have recently proposed, all we need to do is stay within some limits, nine upper boundaries for bad behavior.

But of course, being human, we haven’t.

In a startling January 2015 paper in Science, Johan Rockström says humanity has already raced past four of the nine boundaries keeping our planet hospitable to modern life. The climate is changing too quickly, species are going extinct too fast, we’re adding too many nutrients like nitrogen to our ecosystems, and we keep on cutting down forests and other natural lands. And we’re inching towards crossing the remaining five boundaries (see image).

Rockström (TED Talk: Let the environment guide our development) is the executive director of the Stockholm Resilience Centre, and his paper is co-authored by 17 colleagues. “The planet has been our best friend by buffering our actions and showing its resilience,” Rockström says. “But for the first time ever, we might shift the planet from friend to foe.”

Rockström conceived of the idea of planetary boundaries back in 2007, and published his first landmark paper on the topic in 2009. The new paper digs far deeper. A key underlying assumption is that the extraordinary climate stability of the Holocene Epoch, which began when the last Ice Age ended 11,000 years ago, has been crucial to human development. This period of planetary calm enabled our ancestors to emerge from their Paleolithic caves to cultivate wheat, domesticate animals, and launch industrial and communications revolutions. As a result, the world now has 7.2 billion people—and almost that many cell phones.

9 planetary boundaries

But now, this stability is under threat. The paper concludes, for instance, that the “safe” concentration of greenhouse gases in the atmosphere (which cause climate change) is about 350 parts per million. At today’s level of 400 ppm, we’ve already blown by the boundary and risk dangerously high temperatures and sea levels, crippling droughts and floods, and other climate woes. Similarly, Rockström and his team calculate, we’ve already lost 16 percent of the biodiversity in many regions of the planet, more than the “safe” level of about 10 percent.

Crossing those two boundaries — climate change and the health of the planet’s ecosystems — is especially worrisome because doing so “can shove the Earth into completely different states,” says Will Steffen, executive director of the Australian National University’s Climate Change Institute and the new paper’s lead author. Cut down enough tropical forests, and the reminder will flip from rain forest to savannah, for instance, and all the benefits of forests will be lost. Or raise the planet’s temperature enough to cause ice sheets to collapse, and less of the sun’s heat will be reflected back to space, causing the warming to accelerate.

“For the first time, we have a framework for growth, for eradicating poverty and hunger, and for improving health,” Johan Rockström

We’re already close to points of no return, Rockström and many others believe. “What scares me absolutely the most is that we may have crossed a tipping point in the loss of the West Antarctic ice sheet,” he says.

Time to throw up our hands in despair? Not at all, says Rockström. “Ours is a positive — not a doomsday — message,” he insists. The beauty of the planetary boundary analysis is that it charts a path to keeping the planet “safe” for humanity, he believes. For instance, nations can slash their carbon emissions to almost nothing, thus pulling the Earth back across the climate boundary. Similarly, we can triple or quadruple agricultural yields in Africa with no-till water-saving methods, keeping us from the brink on forest and biodiversity loss. “For the first time, we have a framework for growth, for eradicating poverty and hunger, and for improving health,” says Rockström.

Slim and athletic at 50, and a man of boundless energy, Rockström has been taking this message on the road. He’s given talks at TEDGlobal and at the World Economic Forum in Davos. He’s met with scientists, politicians and executives — and earned accolades like “Sweden’s Person of the Year.” “Johan has incredible skill to be able to work with policy people, business executives, NGOs, and still keep his own research going,” says Steffen.

Even critics of the planetary boundary concept say he’s made a mark. “I can see how he has had a pretty big influence,” says Linus Blomqvist, director of research at the Breakthrough Institute, an `eco-modern’ think tank that has been perhaps the idea’s most vocal critic. “He’s brought the questions of global change and human effects to new forums and new debates.”

The boundary idea also is inspiring new scientific questions. Geological history shows that the planet can flip to a dramatically warmer or colder state lasting thousands of years when it crosses the climate boundary. But are there similar tipping points for other boundaries in Rockström’s analysis? For instance, if we keep pouring more nitrogen and phosphorus from fertilizers into rivers, lakes and oceans, do we just get a related increase in harmful algal blooms and “dead” zones from the excess nutrients? Or might the whole aquatic system suddenly flip to a new state less conducive to human life?

Another key unanswered question is whether (and how much) crossing one boundary might change the other boundaries. Imagine if a combination of nutrient pollution and ocean acidification killed most of the seas’ plankton, dramatically reducing the oceans’ ability to pull carbon from the atmosphere. That would accelerate global warming—and require carbon emissions to be cut below today’s calculated boundary level. But the details of such connections — and many other possible ones — are unclear. “What frustrates me is that we still don’t understand how these boundary points interact,” says Rockström, who together with his collaborators is now seeking funding to explore the many possible interconnections.

The research has not been without controversy. Some critics have seen the planetary boundaries idea as the intellectual stepchild of the now discredited 1970’s “Limits to Growth” and “Population Bomb” notions that the Earth will inevitably run out of room and resources. “A lot of countries hate the idea of planetary boundaries,” says Steffen. To them, it suggests that the planet’s available space has all been used up, so that they are unable to follow the path the West has taken to development and prosperity.

Some argue that humans are clever enough to thrive even if the Earth does lurch away from the stability of the Holocene. But why take the risk?

This particular criticism is a fundamental misreading, supporters say. “The planetary boundary research liberates us from limits to growth in a decisive way,” Rockström explains. “It says, ‘here is a safe operating space where we can have unlimited growth.’” True, the existence of the climate boundary means that developed nations must slash their carbon emissions to near zero in just a few decades. “But there is nothing to hinder solar and wind power and higher efficiency,” Rockström says. “The world economy can grow even in a decarbonized space.”

Others argue that humans are clever enough to thrive even if the Earth does lurch away from the stability of the Holocene. The planetary boundary concept “ignores the ability of humans to adapt and change, which is the hallmark of civilization,” says Ruth DeFries, professor of sustainable development at Columbia University and author of The Big Ratchet: How Humanity Thrives in the Face of Natural Crisis.

But why take the risk, especially if humanity can take reasonable steps to stay within the boundaries, Rockström replies. “Is it worth undermining the Earth system to create vast benefits for this generation, assuming the next generation will be more innovative?” he asks. Plus, adds Steffen, “anyone who says we can cope with a four to five degree warmer world, and a biologically impoverished world, hasn’t thought about it.”

The Breakthrough Institute frets that some boundaries seem arbitrary because they have no known threshold. And since it’s already obvious that the world must cut carbon emissions and boost agricultural yields, “those planetary boundaries kind of seem irrelevant,” says Breakthrough’s Blomqvist.

Not to Rockström. Instead of endlessly arguing with climate skeptics about supposed uncertainties in climate science, he says, it’s possible to show the overwhelming evidence of an acceleration towards the eight other boundaries too — forests, depleting ozone, chemical loading etc. “It creates a more healthy discussion than yes or no on climate change,” he says.

That’s an approach that others find compelling as well. Obviously, we need swift action to fight climate change, says Joe Romm, founding editor of Climate Progress, and a former U.S. Energy Department official. “But apparently, however we have been explaining that to people, they don’t get it.”

Will the world get the planetary boundary message? We’d better, Rockström says. “We may have entered the most challenging and exciting decade in the history of the planet,” he says. “We have a responsibility to leave the planet in a state as close to the Holocene as possible.”

Featured image by Reto Stöckli/NASA based on data from NASA and NOAA.

Le changement climatique est le meilleur argument à opposer au néo-libéralisme | Ricochet

https://ricochet.media/fr/349/le-changement-climatique-est-le-meilleur-argument-a-opposer-au-neo-liberalisme

Le changement climatique est le meilleur argument à opposer au néo-libéralisme 

Naomi Klein revient avec un fort livre, Tout peut changer. Capitalisme et changement climatique. Présentant le changement climatique comme un « risque existentiel », elle démontre que, pour éviter la catastrophe, il faut adopter des politiques radicalement contraires au néo-libéralisme dominant.

Cet entretien est aussi paru sur le site Reporterre

Avec* La stratégie du choc*, Naomi Klein avait écrit un des livres les plus forts pour comprendre le fonctionnement actuel du capitalisme. Venue du mouvement anti-mondialisation, elle a progressivement compris l’importance de l’enjeu écologique et s’est attelée à connecter les deux problèmes. Un travail qui s’exprime dans un fort livre, Tout peut changer, paru au Québec le 12 mars au Québec et qui paraitra en France le 18 mars. Nous l’avons interviewée – par skype.

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Naomi Klein

Jean-François Nadeau

Reporterre – Pourquoi les climato-sceptiques ont-ils raison sur un point crucial ?

Naomi Klein – Ils sont honnêtes sur le fait que, si le changement climatique est vrai, il requerra l’abandon de tout leur projet idéologique. IIs ont vraiment compris que, si la science est exacte, cela demandera des changements très fondamentaux dans le système économique et politique. Au contraire, les libéro-centristes, qui représentent une part très importante du mouvement climatique, ont systématiquement essayé de minimiser l’ampleur du changement que requiert le changement climatique. Alors que les sceptiques comprennent très bien que répondre au changement climatique exigera de changer la distribution des richesses, que cela demandera une énorme niveau de réglementation, qu’il faudra de la coopération, qu’il faudra réfléchir à comment nous allons utiliser les ressources, particulièrement les combustibles fossiles.

Quels changements radicaux sont nécessaires pour éviter l’aggravation du changement climatique ?

Pour prévenir les effets catastrophiques du changement climatique – nous ne parlons pas de prévenir le changement climatique, parce qu’il a déjà commencé -, nous devons lancer deux types d’investissement public : d’abord pour nous sortir des combustibles fossiles, ce qui signifie investir dans un nouveau système énergétique, repenser la façon dont sont faites nos villes, investir dans les systèmes agricoles et l’usage des sols. Mais puisque le changement climatique est là et va s’aggraver, investir aussi dans des infrastructures qui nous protègent du désastre, telles que des digues, parce que nous voyons de plus en plus fréquemment que les désastres deviennent catastrophiques, quand se conjuguent un temps violent et des infrastructures publiques déficientes. On l’a constaté lors de Katrina [sur La Nouvelle Orléans en 2005], ou pendant l’ouragan Sandy [à New York en 2012]. Comment concilier ces impératifs avec la logique de l’austérité ? Ce n’est pas possible.

Qu’appelez-vous la « logique de l’austérité » ?

La politique de perpétuelle attaque de la sphère publique.

La politique néo-libérale ?

Oui.

Les grandes ONG et le mouvement environnementaliste sont-ils prêts à opérer ces changements radicaux ?

Certains groupes l’ont compris. Par exemple, en Grèce, de grosses ONG comme le WWF en sont venues à lier changement climatique et néo-libéralisme. Parce qu’elles ont vu que, dans le cadre de la politique d’austérité, tous les programmes d’énergie renouvelable sont amoindris, tandis que tous les projets de mines et de pétrole offshore sont stimulés.

Donc, quelques fractions des groupes verts veulent faire ce lien. Mais le plus souvent, il n’est pas établi, parce que le mouvement environnementaliste est imprégné de l’idée qu’il est au-delà de la droite et de la gauche et que le changement climatique transcende les idéologies. C’est une notion erronée. Il n’est pas possible de gagner sans se confronter avec la logique néo-libérale fondée sur l’idéologie du marché. Je suis très étonnée de la lenteur avec laquelle le mouvement vert assimile cette idée.

Mais c’est une responsabilité partagée avec le mouvement anti-libéral, qui a été lent à réaliser à quel point le changement climatique est un argument puissant. J’ai interviewé Alexis Tsipras, en Grèce, avant qu’il devienne premier ministre. Et il me disait, « Avant, on pensait au changement climatique, mais maintenant, avec la crise économique, on ne peut plus ». Mon argument n’est pas qu’il faut lutter contre le changement climatique parce que c’est la chose importante à faire – même si c’est vrai -, mais parce que c’est le meilleur argument à opposer à la Banque centrale européenne et à l’Allemagne, qui prétendent qu’elles sont préoccupées du changement climatique.

Elles demandent une réduction des budgets publics quand les pompiers n’ont plus les moyens de lutter contre les incendies de forêt, dans un pays où ils sont très fréquents. La Grèce est un pays très vulnérable au changement climatique. Mais la pression économique qui s’exerce sur elle l’oblige à rechercher du pétrole et du gaz et à s’engager dans toutes sortes d’activités extractives. Je ne comprends pas qu’ils ne servent pas de cet argument.

Pourquoi le changement climatique serait-il le meilleur argument contre la logique néo-libérale ?

Parce que c’est une crise existentielle de l’humanité. Tous les politiciens doivent dire qu’ils s’en préoccupent. Et en Allemagne particulièrement. C’est la grande ironie. Ce pays est supposé être le plus vert en Europe, et il a une très bonne politique énergétique, en interne. L’Allemagne est un incroyablement bon exemple de comment vous pouvez créer des emplois en changeant le système énergétique. Elle utilise encore du charbon, mais 25 % de l’électricité vient des énergies renouvelables, et de très nombreux projets énergétiques y sont coopératifs, contrôlés et possédés localement, apportant des ressources aux territoires. Ils ont créé 400 000 emplois. L’Allemagne est un exemple étonnant que si vous prenez le changement climatique au sérieux, vous pouvez réduire l’inégalité et édifier une économie forte, renforcer la démocratie locale, et agir contre le changement climatique. Mais elle dit aux autres de faire l’opposé !

Pourquoi ?

Elle cherche des ressources ailleurs : en Grèce, les compagnies qui veulent exploiter le charbon sont des compagnies allemandes. Elles perdent de l’activité en Allemagne, mais elles vont en Grèce !

Aux États-Unis, que pensez-vous de la politique de Barack Obama sur l’environnement et le changement climatique ?

Trop lente, trop tardive. En 2009, quand se discutait la législation sur le climat, les groupes environnementaux essayaient d’influencer la loi par le lobbying, Obama s’en fichait. Il n’a dépensé aucun capital politique sur ce sujet. Mais il y a eu un mouvement massif de combat contre l’oléoduc Keystone XL [qui est censé acheminer le pétrole des sables bitumineux du Canada vers le golfe du Mexique], un mouvement qui a mobilisé sa base – les gens qui protestent contre Keystone sont les mêmes que ceux qui frappaient aux portes pour qu’il soit élu en 2008. Il y a alors été attentif et il a dit non à l’oléoduc. Il a résisté fermement à toutes les tentatives des parlementaires Républicains d’autoriser le Keystone XL. Je ne pense pas qu’il mérite exclusivement le crédit pour ça : le crédit va au mouvement qui a fait pression. Cela signifie-t-il que les mouvements de masse sont le meilleur outil pour changer la donne et influencer la politique ?

Les politiciens réagissent aux mouvements sociaux, et ceux-ci doivent donner la direction. Mais le niveau de réduction des émissions dont nous avons besoin est si important qu’il ne peut être atteint que par de l’interaction entre les mouvements et les partis politiques et le processus politique. C’est ce qu’on a vu en Allemagne : il y avait un mouvement vert très puissant, un mouvement anti-nucléaire très puissant, et aussi un système politique qui force les partis à travailler ensemble. Et cette interaction entre le mouvement de masse et le système politique résulte en une politique nationale très efficace. On a besoin de cette approche. Il y a aussi des exemples de mouvements sociaux deviennent eux-mêmes des partis, par exemple Podemos, en Espagne, qui est né dans les rues.

Une telle transformation est-elle imaginable aux États-Unis ?

Elle est imaginable. Mais c’est très difficile, parce le système politique est corrompu par l’argent : par exemple les frères Koch (des milliardaires qui financent les groupes climato-sceptiques), qui ont bâti leur fortune dans le pétrole, viennent juste d’annoncer qu’ils vont dépenser des milliards pour la prochaine élection présidentielle. Et c’est la même chose pour les deux principaux partis. C’est fou ! Une campagne présidentielle coûte trois milliards de dollars !

A l’échéance dont nous parlons, entre maintenant et 2016, il n’est pas possible qu’un parti alternatif puissant apparaisse. La question pour le mouvement climatique aux États-Unis est d’avoir une vision claire, qui définisse ce qu’est la transition pour sortir des combustibles fossiles. Il est aussi très important que le mouvement environnemental travaille avec les syndicats, et articule sa demande d’un passage à 100 % de renouvelables en 2030, ce qui est une demande très radicale, et dessiner des voies réalistes de création d’emplois, pour signifier qu’il ne s’agit pas de choisir entre l’emploi et l’environnement.

Il faut obliger Hillary [Clinton, la probable candidate du Parti Démocrate aux prochaines présidentielles] de répondre à çà. Parce que d’ici l’élection présidentielle de 2016, on a juste le temps de pousser Hillary Clinton et les syndicats vers une meilleure position. Quand Hillary était Secrétaire d’Etat [équivalent aux États-Unis de ministre des Affaires étrangères], elle n’a presque jamais parlé de changement climatique. Le sujet ne l’intéresse pas. Au moins, Obama en parle. John Kerry [l’actuel Secrétaire d’État] parle au moins trois plus de changement climatique qu’Hillary Clinton le faisait, et d’une façon beaucoup plus personnelle. Donc, on se dirige vers une situation où Obama sera remplacé, par Jeff Bush ou par Hillary Clinton, qui seront l’un comme l’autre pires, à moins que les mouvements de la société civile parviennent à agir de concert.

Quel doit être la tactique du mouvement vert ?

Il y a une formidable opportunité maintenant avec un prix du pétrole si bas. En six mois, le prix du baril est passé de cent dollars à cinquante. Cela crée beaucoup d’opportunités pour faire avancer un agenda qui connecte économie et climat. Jusqu’à maintenant, il a été très difficile de bâtir une coalition entre les syndicats de travailleurs et le mouvement vert, dans un contexte où l’industrie extractive était la seule à offrir des boulots bien payés, particulièrement en Amérique du nord, avec le boom du pétrole et du gaz de schiste, et le boom des sables bitumineux. Elle offrait des salaires de cent mille voire deux cent mille dollars l’année [près de deux cent mille euros]. C’était un contexte difficile pour construire une coalition.

Mais ce qui se passe maintenant est que l’industrie du pétrole et du gaz est en crise et licencie les employés par dizaines de milliers. Aux États-Unis, en ce moment, se déroule la plus grande grève au sein des raffineries qu’on ait vu depuis les années 1980. Le triomphe des compagnies pétrolières dans les années récentes a été de faire croire aux travailleurs du pétrole que leur intérêt était commun. Mais maintenant, ça ne marche plus. Ce contexte est beaucoup plus propice pour créer une alliance entre le mouvement climatique et les syndicats, pour mettre en avant une vision de création d’emplois, dans la ligne de ce qu’a fait le syndicat anglais TUC, avec la campagne One million jobs. Il s’agit d’invoquer l’urgence de la crise climatique pour demander le lancement d’un énorme mouvement de créations d’emplois. C’est ce que le mouvement en Amérique du nord doit faire.

L’autre chose à faire est d’élargir la définition d’« emploi vert », que ce ne désigne pas seulement, par exemple, quelqu’un qui pose des panneaux solaires, mais toute personne qui est dans une profession émettant peu de CO2, par exemple des infirmiers ou infirmières. C’est une façon importante d’étendre le mouvement.

Et puis il faut tirer parti du choc de prix du pétrole que nous vivons. Les compagnies sont en train de se retirer des sables bitumineux. Les grands projets énergétiques extrêmes ne sont plus rentables. C’est le moment de demander un moratoire sur les pratiques extractives, sur le gaz de schiste, sur l’oléoduc Keystone XL, parce que les compagnies poussent moins fort ces projets. Il est plus facile de gagner dans un contexte de bas prix du pétrole, où les investisseurs sont en retrait.

Donc les grandes compagnies pétrolières sont les cibles ?

L’objectif est d’opérer une translation de cette campagne contre les compagnies vers la politique : de porter le combat local contre le gaz de schiste vers une politique nationale d’interdiction du gaz de schiste. Ou d’obtenir qu’un groupe de pays refusent l’exploration de pétrole en Arctique. Il faut que les politiques régionales comme internationales ferment l’ère des combustibles fossiles. Transformer ce que nous faisons dans les rues, en bloquant un oléoduc particulier, en une politique globale adoptée par les gouvernements.

Qu’attendez-vous de la COP 21 ?

Il nous faut être réaliste sur ce qui peut être accompli en neuf mois : transformer nos politiciens pour qu’ils bouleversent leur politique et arrivent à Paris avec un objectif de réduction des émissions très ambitieux n’est pas possible.

Il ne faut pas mobiliser les gens si c’est pour arriver à la déception. C’est ce qui était arrivé à Copenhague, en 2009, où tout était axé sur le thème, « c’est notre dernière chance de sauver la planète », la conférence a été un échec, et tout le monde a été incroyablement déprimé. Ca a été terrible pour le mouvement environnemental. Un psychanalyste a même parlé du « syndrome de Copenhague ».

C’est important de mobiliser pour la COP 21 à Paris, fin novembre, mais il faut voir Paris comme une plate-forme, un point de convergence des mouvements. Ce sera un moment très intéressant à vivre en Europe, en raison de la montée de la résistance au néo-libéralisme. Paris doit être un haut-parleur, pour amplifier cette vision. Entre maintenant et Paris, il faut clarifier ce qu’est notre vision de la transition : 100 % en renouvelables, création massive d’emplois, refus des politiques d’austérité néo-libérales, et laisser les combustibles fossiles dans le sol. C’est très simple : les pollueurs doivent payer. Ce doit être une transition basée sur la justice : ceux qui sont le plus frappés par le modèle actuel doivent être en première ligne des bénéficiaires de la transition. Cette vision ne peut venir des partis. Elle doit venir du mouvement social. Et les partis auront à y répondre.

Dans votre livre, vous écrivez que face au changement climatique, le capitalisme pourrait recourir à la stratégie du choc. Quelle forme prendrait-elle ?

Elle a déjà commencé de diverses façons, par l’accaparement des terres en Amérique latine ou en Afrique par des multinationales, par la fermeture toujours plus rigoureuse des frontières, si bien que les personnes les plus vulnérables au changement climatique sont coincés là où elles sont. Et puis aussi privatiser tout ce qui peut faire protection – on l’a vu au moment de la tempête Sandy à New York, quand les magasins de luxe faisaient de la publicité pour dire qu’ils avaient des générateurs et des équipements pour se protéger des ouragans. Le luxe suprême devient la protection contre le changement climatique, et ne plus avoir à dépendre de l’Etat pour cela : c’est pour les 1 % des 1 %. Un exemple de cet égoïsme peut s’observer en Chine, où l’air est si pollué que les riches envoient leurs enfants dans des écoles privées où ils jouent sous des dômes, parce que c’est le seul moyen d’éviter de porter des masques anti-pollution. Ce n’est pas l’avenir, ça se passe maintenant.

J’ai parlé de votre livre à une dame, et elle m’a demandé : « Naomi Klein est-elle optimiste ? »

Le courant de ce livre coule directement de mon précédent sur La stratégie du choc, dans lequel j’explorais le pire de ce que l’humanité est capable de faire en situation de crise. Donc, je ne suis pas ingénue. Mais je suis optimiste au sens où il est encore possible, physiquement possible, d’empêcher la catastrophe. Et j’ai vu d’assez près ce à quoi cela peut ressembler, dans les suites du cyclone Katrina ou durant l’invasion en Irak, pour essayer de faire tout ce que je peux pour éviter cette issue. Je n’abandonne pas. C’est une forme d’optimisme. Je n’abandonne pas.

Tout peut changer est publié chez Lux Éditeur

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Naomi Klein

Propos recueillis par Hervé Kempf Source : Hervé Kempf pour Reporterre

Vers une harmonie durable – Matthieu Ricard

http://matthieuricard.org/blog/posts/vers-une-harmonie-durable

Vers une harmonie durable

Écrit le 16 mars 2015

Le dernier rapport du GIEC – le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat – nous avertit sans ménagements d’un réchauffement climatique de 4,8 °C d’ici 2100 si les émissions de gaz à effet de serre continuent de progresser au rythme de la dernière décennie. Le monde sera, dans ce cas, très différent de ce qu’il est aujourd’hui. Rappelons que les bouleversements liés aux alternances de réchauffements et de glaciations qui ont précédé la période particulièrement stable de l’holocène (lequel se poursuit depuis 12 000 ans) impliquaient aussi des différences de température de l’ordre de 4 °C. Cette fois-ci, la variation rapide de température résulte des activités humaines : nous sommes rentrés dans l’anthropocène, « l’ère de l’homme. » N’y resterons-nous que le temps de ruiner notre propre habitat?

Au cours des 3,5 milliards années d’évolution de la vie sur Terre, la planète a connu cinq grandes extinctions. La dernière, très probablement due à la chute d’un astéroïde dans le Golfe du Mexique, remonte à soixante-cinq millions d’années. Elle entraîna la fameuse disparition des dinosaures mais aussi de 62 % des espèces sur Terre. Or, au rythme actuel, 30 % de toutes les espèces auront déjà disparu d’ici 2050. Et bien davantage d’ici la fin du siècle. Nous serons ainsi responsables de la sixième extinction.

Rien dans tout cela ne relève de la fatalité. Il est possible d’orienter différemment le cours des choses, pour peu qu’il y ait une volonté populaire et politique. Même dans le monde économique, le respect des valeurs humaines incarnées dans l’altruisme n’est pas un rêve idéaliste mais l’expression pragmatique de la meilleure façon d’arriver à une économie équitable et à une harmonie durable, concept que j’ai proposé dans Plaidoyer pour l’altruisme . Le terme « développement durable » est en effet trop ambigu, puisqu’il évoque dans bien des esprits une croissance quantitative, laquelle ne peut être durable du simple fait qu’elle requière l’utilisation toujours plus grande d’un écosystème fini. Nous ne disposons pas de 3 ou 5 planètes. Selon l’environnementaliste Johan Rockström, on ne pourrait mieux décrire l’hérésie d’une économie qui croît aux dépens mêmes des ressources premières qui lui permettent d’exister : « La population mondiale augmente, la consommation augmente, mais la Terre, elle, n’augmente pas. » Il souligne que les seules ressources naturelles qui soient pratiquement illimitées sont le vent et l’énergie solaire. C’est donc vers ces énergies que nous devons nous diriger avec détermination.

Climate Change & Anthropocene Review | Anthropology Report

http://anthropologyreport.com/climate-change/

Annual Review of Anthropology, Climate Change, Anthropocene

Anthropology and Climate Change

This is a guest post by Sean Seary, a Hartwick College graduate interested in understanding human interactions with biological and social environments, and how anthropology can use that knowledge to mitigate the impacts of globalization and global climate change. Seary wrote this review as part of a January 2015 internship to help curate an issue of Open Anthropology on anthropology and climate change.

The Open Anthropology issue is titled Hello Anthropocene: Climate Change and Anthropology and launched March 2015. The issue was widely shared via the American Anthropological Association Facebook feed, and also featured in a Hartwick College press release. “Hello Anthropocene” launched just before the big article in Nature, Anthropocene: The Human Age which got big coverage in The New Yorker, When Did the Human Epoch Begin? and the BBC, Anthropocene: Have humans created a new geological age?

Since the 1960s, global climate and environmental change have been important topics of contemporary scientific research. Growing concerns about climate change have introduced a (relatively) new variable in climate change research: the anthropogenic causes of local-global climate and environmental change. Despite archaeologists providing some of the first research and commentary on climate change–a point that is explored in Daniel Sandweiss and Alice Kelley’s Archaeological Contributions to Climate Change Research: The Archaeological Record as a Paleoclimatic and Paleoenvironmental Archive–the field of climate and environmental change research has been predominantly studied by “natural scientists.” This is where Susan Crate’s Climate and Culture: Anthropology in the Era of Contemporary Climate Change in the 2011 Annual Review of Anthropology intervenes. Crate calls for anthropological engagement with the natural sciences (and vice versa) on global climate change discourse, with the intention of creating new multidisciplinary ethnographies that reflect all the contributors to global environmental change.

Crate’s review begins by stating that the earliest anthropological research on climate change was associated with archaeologists: most of whom studied how climate change had an impact on cultural dynamics, societal resilience and decline, and social structure. Anthropological and archaeological engagement with climate change revolved around how cultures attributed meaning and value to their interpretations of weather and climate. Archaeology has long been working on understanding the relationship between climate, environment, and culture. Historically, archaeologists have worked with “natural” scientists in the recovery of climate and environmental data pulled from archaeological strata (Sandweiss and Kelley 2012:372). Such works include Environment and Archaeology: An Introduction to Pleistocene Geography (Butzer 1964), Principles of Geoarchaeology: A North American Perspective (Waters 1992) and Environmental Archaeology: Principles and Practice (Dincauze 2000). The archaeological record incorporates not only stratigraphic data, but also proxy records. These records contributed to much larger paleoclimate and paleoenvironmental studies, including publications in general science literature like Science, Nature, and Proceedings of the National Academy of Sciences (Sandweiss and Kelley 2012:372; see also the 2013 article in Nature, Contribution of anthropology to the study of climate change). Conversely, the work of “natural” scientists has also appeared in archaeological literature. Contemporarily, archaeologists have studied the impacts that water (or lack thereof) can have on human-environment interactions, through the study of soil and settlements drawing from case studies in Coastal Peru, Northern Mesopotamia, the Penobscot Valley in Maine, or Shetland Island.

Contemporary anthropological analysis of climate change usually focuses on adaptations towards local climate, temperature, flooding, rainfall, and drought (Crate 2011:178). Climate change impacts the cultural framework in which people perceive, understand, experience, and respond to the world in which they live. Crate believes that because of anthropologists’ ability to “be there,” anthropologists are well-suited to interpret, facilitate, translate, communicate, advocate, and act in response to the cultural implications of global (and local) climate change. Understanding the role that people and culture play in understanding land use changes is crucial to defining anthropology’s engagement with climate change. Anthropologists, as well as scientists from allied disciplines must engage in vigorous cross-scale, local-global approaches in order to understand the implications of climate change (Crate 2011:176).

Crate urges that anthropology use its experience in place-based community research and apply it to a global scale, while focusing on ethnoclimatology, resilience, disasters, displacement, and resource management. By studying people living in “climate-sensitive” areas, anthropologists can document how people observe, perceive, and respond to the local effects of global climate change, which at times can compromise not only their physical livelihood, but also undermine their cultural orientations and frameworks (Crate 2011:179). Anthropology is well positioned to understand the “second disaster,” or sociocultural displacement which follows the first disaster (physical displacement), as a result local environmental and climate change. Some of these “second disasters” include shifts in local governance, resource rights, and domestic and international politics (Crate 2011:180). These “second disasters” present yet another challenge to anthropology’s involvement with global climate change: that global climate change is a human rights issue. Therefore, anthropologists should take the initiative in being active and empowering local populations, regions, and even nation-states to seek redress for the damage done by climate change (Crate 2011:182) It is the responsibility of anthropologists working in the field of climate change to link the local and lived realities of environmental change with national and international policies.

In order to accommodate to the rapidly changing (human) ecology, anthropology is in need of new ethnographies that show how the “global” envelops the local, and the subsequent imbalance (environmental injustice/racism) that it creates during this process. Crate urgently calls for anthropologists to become actors in the policy process, utilizing a multidisciplinary, multi-sited collaboration between organizations, foundations, associations, as well as political think tanks and other scientific disciplines. Anthropology’s task at hand is to bridge what is known about climate change to those who are not aware of its impacts, in order to facilitate a global understanding of climate change and its reach (Crate 2011:184).

Crate’s “Climate and Culture” may not have been the first Annual Review article regarding climate change and anthropology, but it is certainly one of the most urgent and pressing. Crate became a member of the American Anthropological Association’s Global Climate Change Task Force. Their report released in January 2015 sets an ambitious agenda for anthropology and climate change. Crate’s article also became foundational for a thematic emphasis of the 2012 Annual Review of Anthropology, which featured seven additional articles on anthropology and climate change.

Politics of the Anthropogenic

Nathan Sayre’s Politics of the Anthropogenic continues where Crate’s Climate and Culture left off: at the advent of a new form of anthropology, one that utilizes an interdisciplinary approach towards understanding the human ecology in relation to global climate change. Sayre invokes a term which Crate did not use in her review article, but that seems to have increasing salience to anthropology: The Anthropocene. Notably, the idea of the Anthropocene and its relationship to anthropology was also the subject of Bruno Latour’s keynote lecture to the American Anthropological Association in 2014: Anthropology at the Time of the Anthropocene.

Sayre describes the Anthropocene as the moment in history when humanity began to dominate, rather than coexist with the “natural” world (Sayre 2012:58). What defines the Anthropocene as a distinct epoch or era is when human activities rapidly shifted (most often considered the Industrial Revolution) from merely influencing the environment in some ways to dominating it in many ways. This is evident in population growth, urbanization, dams, transportation, greenhouse gas emissions, deforestation, and the overexploitation of natural resources. The adverse effects of anthropogenic climate change can be measured on nearly every corner of the earth. As a result of local environmental change and global climate change, humans, climate, soil, and nonhuman biota have begun to collapse into one another; in this scenario, it is impossible to disentangle the “social” from the “natural” (Sayre 2012:62). Sayre states that anthropology’s role, together with other sciences, in analyzing climate change in the Anthropocene is to understand that there is no dichotomy between what is considered natural and cultural. Understanding the fluctuations in the earth’s ecosystems cannot be accounted for without dispelling the ideological separation between the natural and the cultural. By adopting conceptual models of “climate justice” and earth system science, anthropologists and biophysical scientists can further dispel the archaic dichotomy of humanity and nature.

The atmosphere, the earth, the oceans, are genuinely global commons. However, environmental climate change and the subsequent effects are profoundly and unevenly distributed throughout space and time (Sayre 2012:65). Biophysically and socioeconomically, the areas that have contributed most to global climate change are the least likely to suffer from its consequences. Those who have contributed the least suffer the most. Anthropologists can play an important role in utilizing climate-based ethnography to help explain and understand the institutions that are most responsible for anthropogenic global warming–oil, coal, electricity, automobiles–and the misinformation, lobbying, and public relations behind “climate denialism” in the Anthropocene. This is the first step in seeking redress for the atrocities of environmental injustice.

Evolution and Environmental Change in Early Human Prehistory

Understanding climate change in the Anthropocene is no easy task, but as Richard Potts argues in Evolution and Environmental Change in Early Human Prehistory, humans have been influencing their environments and their environments have been influencing them well before the era that is considered the “Anthropocene.” Throughout the last several million years the earth has experienced one of its most dramatic eras of climate change, which consequently coincided with the origin of hominins. Homo sapiens represent a turning point in the history of protohuman and human life, because of their capacity to modify habitats and transform ecosystems. Now, approximately 50% of today’s land surface is reserved for human energy flow, and a further 83% of all the viable land on the planet has either been occupied or altered to some extent (Potts 2012:152).

Vrba’s turnover-pulse hypothesis (TPH) and Potts’s variability selection hypothesis (VSH) both serve as explanations for the correlation between environmental and evolutionary change. Vrba’s TPH focused on the origination and extinction of lineages coinciding with environmental change, particularly the rate of species turnovers following major dry periods across equatorial Africa. Potts’s VSH focused on the inherited traits that arose in times of habitat variability, and the selection/favoring of traits that were more adaptively versatile to unstable environments (Potts 2012:154-5). There are three ways in which environmental change and human evolution can potentially be linked. First, evolutionary events may be concentrated in periods of directional environmental change. Second, evolution may be elicited during times of rising environmental variability and resource uncertainty. Finally, evolution may be independent of environmental trend or variability (Potts 2012:155). The aforementioned hypotheses and subsequent links between evolution and environmental change help shed light on the origins and adaptations of Homo sapiens and Homo neanderthals. The anatomical, behavioral, and environmental differences between neanderthals and modern humans suggests that their distinct fates reflect their differing abilities to adjusting to diverse and fluctuating habitats (Potts 2012:160). Potts does an excellent job of stating that before the Anthropocene, early Homo sapiens and Homo neanderthals not only impacted and manipulate their surrounding environments, but were (genetically) impacted by their environments.

Sea Change: Island Communities and Climate Change

Heather Lazrus’s Annual Review article Sea Change: Island Communities and Climate Change returns to climate change in the more recent Anthropocene. For island communities, climate change is an immediate and lived reality in already environmentally fragile areas. These island communities, despite their seeming isolation and impoverishment, are often deeply globally connected in ways that go beyond simplistic descriptions of “poverty” and “isolated” (Lazrus 2012:286). Globally, islands are home to one-tenth of the world’s population, and much of the world’s population tends to be concentrated along coasts. Therefore both are subject to very similar changes in climate and extreme weather events. Islands tend to be regarded as the planet’s “barometers of change” because of their sensitivity to climate change (Lazrus 2012:287). Not only are islands environmentally dynamic areas, consisting of a variety of plants and animal species, but they also have the potential to be areas of significant social, economic, and political interest.

Madagascar: A History of Arrivals, What Happened, and Will Happen Next

Madagascar is a fascinating example of sociopolitical and ecological convergence, and is explored by Robert Dewar and Alison Richard in their Madagascar: A History of Arrivals, What Happened, and Will Happen Next. Madagascar has an extremely diverse system of human ecology that is nearly as diverse the island’s topography, environments, and climate. As a product of its physical diversity, the human ecology of Madagascar has a dynamic social and cultural history. In the Southwest, the Mikea derive significant portions of their food from foraging in the dry forest. Outside of most urban areas, hunting and collecting wild plants is common. Along the west coast, fishing is crucial as a central focus of the economy, but also as a supplement to farming. Farmers in Madagascar have a wide range of varieties and species to choose from including maize, sweet potatoes, coffee, cacao, pepper, cloves, cattle, chickens, sheep, goats, pigs, and turkeys (Dewar and Richard 2012:505). Throughout the island, rice and cattle are the two most culturally and economically important domesticates, and are subsequently adapted to growing under the local conditions of the microclimates of Madagascar. Semi-nomadic cattle pastoralism takes place in the drier regions of Madagascar. Whatever the environmental, climatic, social, or economic surroundings may be, Madagascar (as well as other islands) serve as local microcosms for climate change on the global scale. This relates to Crate’s call for an anthropology that brings forth the global array of connections (“natural”/ sociocultural) portraying local issues of climate change to the global sphere.

Ethnoprimatology and the Anthropology of the Human-Primate Interface

Agustin Fuentes’s main arguments in Ethnoprimatology and the Anthropology of the Human-Primate Interface focus on human-induced climate change and how it affects a vast amount of species, including the other primates (Fuentes 2012:110). By getting rid of the ideology that humans are separate from natural ecosystems and the animals within them, then anthropology can better grasp inquiries relating to global climate change within the Anthropocene. Fuentes then goes on to say (similarly to Crate and Sayre) that by freeing anthropological (and other scientific discourse) from the dichotomy of nature and culture, people will fully understand their relationship in the order of primates, but also their place within the environment. Our human capacity to build vast urban areas, transportation systems, and the deforestation of woodland all impact the local environments in which we live, and consequently gives humans an aura of dominance over nature. As Fuentes states, “at the global level, humans are ecosystem engineers on the largest of scales, and these altered ecologies are inherited not only by subsequent generations of humans but by all the sympatric species residing within them. The ways in which humans and other organisms coexist (and/or conflict) within these anthropogenic ecologies shape the perceptions, interactions, histories, and futures of the inhabitants” (Fuentes 2012:110). Essentially, Fuentes points out that humans have dominated ecosystems on a global scale; however, this has impacted not only human populations but also various plant and animals species, as well as entire ecosystems. It is only within the understanding of the symbiotic relationship between human/plants/animals/ecosystems that people will realize their impact on the environment on a global scale.

Lives With Others: Climate Change and Human-Animal Relations

In Lives With Others: Climate Change and Human-Animal Relations, Rebecca Cassidy ties together Fuentes’s arguments with Crate’s by demonstrating how climate change not only impacts people’s physical livelihood, but also their sociocultural lives. Cassidy states that people with animal-centered livelihoods experience climate change on many different levels, and subsequently, climate change may see those animals (or plants) become incapable of fulfilling their existing functions. Societies that are most frequently geopolitically marginalized often are left reeling from the impacts that climate change has on their social, political, economic, and environmental lives (Cassidy 2012:24). The impacts that climate change has on marginalized societies often affects their ability to live symbiotically and sustainably with other species. Human/animal “persons” are conceived to be reciprocal and equal, living in a symbiotic world system, in which their sustenance, reproduction, life, and death are all equally important. The extinction of particular species of animals and plants can cause cosmological crises, as well as disrupt the potential for future adaptability.

Cassidy’s claim that humans, animals, plants, and their environments are reciprocal and symbiotic ties in with Crate’s plea for an anthropology that rids itself of the old dichotomy of the natural and cultural. Crate’s idea for new ethnographies that consider the human ecology of climate change begin by utilizing what Lazrus calls Traditional Environmental Knowledge, or TEK. TEK is “a cumulative body of knowledge, practice, and belief, evolving by adaptive process and handed down through generations by cultural transmission, about the relationship of living beings (including humans) with one another and with their environment” (Lazrus 2012:290). TEK utilizes the spiritual, cosmological, and moral practices that condition human relationships with their surrounding physical environments. Such ethnographies should reflect all of the potential contributors to climate change in the Anthropocene, but they should also infuse new urgency to anthropological approaches. As Crate states “anthropologists need to become more globalized agents for change by being more active as public servants and engaging more with nonanthropological approaches regarding climate change” (Crate 2011: 183).

As made evident by the work of Sandweiss and Kelley, anthropology has early roots in climate change research dating back to the 1960s. Since then, anthropology’s contribution to climate change research has been significant, and is now sparking a new generation of engaged anthropology in the Anthropocene.

Anthropocene: The human age : Nature News & Comment

http://www.nature.com/news/anthropocene-the-human-age-1.17085

Anthropocene: The human age

Illustration by Jessica Fortner

Almost all the dinosaurs have vanished from the National Museum of Natural History in Washington DC. The fossil hall is now mostly empty and painted in deep shadows as palaeobiologist Scott Wing wanders through the cavernous room.

Wing is part of a team carrying out a radical, US$45-million redesign of the exhibition space, which is part of the Smithsonian Institution. And when it opens again in 2019, the hall will do more than revisit Earth’s distant past. Alongside the typical displays of Tyrannosaurus rex and Triceratops, there will be a new section that forces visitors to consider the species that is currently dominating the planet.

“We want to help people imagine their role in the world, which is maybe more important than many of them realize,” says Wing.

LISTEN

Simon Lewis discusses the best candidate dates to define the beginning of the Anthropocene

This provocative exhibit will focus on the Anthropocene — the slice of Earth’s history during which people have become a major geological force. Through mining activities alone, humans move more sediment than all the world’s rivers combined. Homo sapiens has also warmed the planet, raised sea levels, eroded the ozone layer and acidified the oceans.

Given the magnitude of these changes, many researchers propose that the Anthropocene represents a new division of geological time. The concept has gained traction, especially in the past few years — and not just among geoscientists. The word has been invoked by archaeologists, historians and even gender-studies researchers; several museums around the world have exhibited art inspired by the Anthropocene; and the media have heartily adopted the idea. “Welcome to the Anthropocene,” The Economist announced in 2011.

The greeting was a tad premature. Although the term is trending, the Anthropocene is still an amorphous notion — an unofficial name that has yet to be accepted as part of the geological timescale. That may change soon. A committee of researchers is currently hashing out whether to codify the Anthropocene as a formal geological unit, and when to define its starting point.

But critics worry that important arguments against the proposal have been drowned out by popular enthusiasm, driven in part by environmentally minded researchers who want to highlight how destructive humans have become. Some supporters of the Anthropocene idea have even been likened to zealots. “There’s a similarity to certain religious groups who are extremely keen on their religion — to the extent that they think everybody who doesn’t practise their religion is some kind of barbarian,” says one geologist who asked not to be named.

The debate has shone a spotlight on the typically unnoticed process by which geologists carve up Earth’s 4.5 billion years of history. Normally, decisions about the geological timescale are made solely on the basis of stratigraphy — the evidence contained in layers of rock, ocean sediments, ice cores and other geological deposits. But the issue of the Anthropocene “is an order of magnitude more complicated than the stratigraphy”, says Jan Zalasiewicz, a geologist at the University of Leicester, UK, and the chair of the Anthropocene Working Group that is evaluating the issue for the International Commission on Stratigraphy (ICS).

Written in stone

For geoscientists, the timescale of Earth’s history rivals the periodic table in terms of scientific importance. It has taken centuries of painstaking stratigraphic work — matching up major rock units around the world and placing them in order of formation — to provide an organizing scaffold that supports all studies of the planet’s past. “The geologic timescale, in my view, is one of the great achievements of humanity,” says Michael Walker, a Quaternary scientist at the University of Wales Trinity St David in Lampeter, UK.

Walker’s work sits at the top of the timescale. He led a group that helped to define the most recent unit of geological time, the Holocene epoch, which began about 11,700 years ago.

Sources: Dams/Water/Fertilizer, IGBP; Fallout, Ref. 5; Map, E. C. Ellis Phil. Trans. R. Soc. A 369, 1010–1035 (2011); Methane, Ref. 4

The decision to formalize the Holocene in 2008 was one of the most recent major actions by the ICS, which oversees the timescale. The commission has segmented Earth’s history into a series of nested blocks, much like the years, months and days of a calendar. In geological time, the 66 million years since the death of the dinosaurs is known as the Cenozoic era. Within that, the Quaternary period occupies the past 2.58 million years — during which Earth has cycled in and out of a few dozen ice ages. The vast bulk of the Quaternary consists of the Pleistocene epoch, with the Holocene occupying the thin sliver of time since the end of the last ice age.

When Walker and his group defined the beginning of the Holocene, they had to pick a spot on the planet that had a signal to mark that boundary. Most geological units are identified by a specific change recorded in rocks — often the first appearance of a ubiquitous fossil. But the Holocene is so young, geologically speaking, that it permits an unusual level of precision. Walker and his colleagues selected a climatic change — the end of the last ice age’s final cold snap — and identified a chemical signature of that warming at a depth of 1,492.45 metres in a core of ice drilled near the centre of Greenland. A similar fingerprint of warming can be seen in lake and marine sediments around the world, allowing geologists to precisely identify the start of the Holocene elsewhere.

“The geologic timescale, in my view, is one of the great achievements of humanity.”

Even as the ICS was finalizing its decision on the start of the Holocene, discussion was already building about whether it was time to end that epoch and replace it with the Anthropocene. This idea has a long history. In the mid-nineteenth century, several geologists sought to recognize the growing power of humankind by referring to the present as the ‘anthropozoic era’, and others have since made similar proposals, sometimes with different names. The idea has gained traction only in the past few years, however, in part because of rapid changes in the environment, as well as the influence of Paul Crutzen, a chemist at the Max Plank Institute for Chemistry in Mainz, Germany.

Crutzen has first-hand experience of how human actions are altering the planet. In the 1970s and 1980s, he made major discoveries about the ozone layer and how pollution from humans could damage it — work that eventually earned him a share of a Nobel prize. In 2000, he and Eugene Stoermer of the University of Michigan in Ann Arbor argued that the global population has gained so much influence over planetary processes that the current geological epoch should be called the Anthropocene. As an atmospheric chemist, Crutzen was not part of the community that adjudicates changes to the geological timescale. But the idea inspired many geologists, particularly Zalasiewicz and other members of the Geological Society of London. In 2008, they wrote a position paper urging their community to consider the idea.

Those authors had the power to make things happen. Zalasiewicz happened to be a member of the Quaternary subcommission of the ICS, the body that would be responsible for officially considering the suggestion. One of his co-authors, geologist Phil Gibbard of the University of Cambridge, UK, chaired the subcommission at the time.

Although sceptical of the idea, Gibbard says, “I could see it was important, something we should not be turning our backs on.” The next year, he tasked Zalasiewicz with forming the Anthropocene Working Group to look into the matter.

A new beginning

Since then, the working group has been busy. It has published two large reports (“They would each hurt you if they dropped on your toe,” says Zalasiewicz) and dozens of other papers.

The group has several issues to tackle: whether it makes sense to establish the Anthropocene as a formal part of the geological timescale; when to start it; and what status it should have in the hierarchy of the geological time — if it is adopted.

When Crutzen proposed the term Anthropocene, he gave it the suffix appropriate for an epoch and argued for a starting date in the late eighteenth century, at the beginning of the Industrial Revolution. Between then and the start of the new millennium, he noted, humans had chewed a hole in the ozone layer over Antarctica, doubled the amount of methane in the atmosphere and driven up carbon dioxide concentrations by 30%, to a level not seen in 400,000 years.

When the Anthropocene Working Group started investigating, it compiled a much longer long list of the changes wrought by humans. Agriculture, construction and the damming of rivers is stripping away sediment at least ten times as fast as the natural forces of erosion. Along some coastlines, the flood of nutrients from fertilizers has created oxygen-poor ‘dead zones’, and the extra CO2 from fossil-fuel burning has acidified the surface waters of the ocean by 0.1 pH units. The fingerprint of humans is clear in global temperatures, the rate of species extinctions and the loss of Arctic ice.

The group, which includes Crutzen, initially leaned towards his idea of choosing the Industrial Revolution as the beginning of the Anthropocene. But other options were on the table.

Some researchers have argued for a starting time that coincides with an expansion of agriculture and livestock cultivation more than 5,000 years ago, or a surge in mining more than 3,000 years ago (see ‘Humans at the helm’). But neither the Industrial Revolution nor those earlier changes have left unambiguous geological signals of human activity that are synchronous around the globe (see ‘Landscape architecture’).

This week in Nature, two researchers propose that a potential marker for the start of the Anthropocene could be a noticeable drop in atmospheric CO2 concentrations between 1570 and 1620, which is recorded in ice cores (see page 171). They link this change to the deaths of some 50 million indigenous people in the Americas, triggered by the arrival of Europeans. In the aftermath, forests took over 65 million hectares of abandoned agricultural fields — a surge of regrowth that reduced global CO2.

In the working group, Zalasiewicz and others have been talking increasingly about another option — using the geological marks left by the atomic age. Between 1945 and 1963, when the Limited Nuclear Test Ban Treaty took effect, nations conducted some 500 above-ground nuclear blasts. Debris from those explosions circled the globe and created an identifiable layer of radioactive elements in sediments. At the same time, humans were making geological impressions in a number of other ways — all part of what has been called the Great Acceleration of the modern world. Plastics started flooding the environment, along with aluminium, artificial fertilizers, concrete and leaded petrol, all of which have left signals in the sedimentary record.

In January, the majority of the 37-person working group offered its first tentative conclusion. Zalasiewicz and 25 other members reported that the geological markers available from the mid-twentieth century make this time “stratigraphically optimal” for picking the start of the Anthropocene, whether or not it is formally defined. Zalasiewicz calls it “a candidate for the least-worst boundary”.

The group even proposed a precise date: 16 July 1945, the day of the first atomic-bomb blast. Geologists thousands of years in the future would be able to identify the boundary by looking in the sediments for the signature of long-lived plutonium from mid-century bomb blasts or many of the other global markers from that time.

A many-layered debate

The push to formalize the Anthropocene upsets some stratigraphers. In 2012, a commentary published by the Geological Society of America asked: “Is the Anthropocene an issue of stratigraphy or pop culture?” Some complain that the working group has generated a stream of publicity in support of the concept. “I’m frustrated because any time they do anything, there are newspaper articles,” says Stan Finney, a stratigraphic palaeontologist at California State University in Long Beach and the chair of the ICS, which would eventually vote on any proposal put forward by the working group. “What you see here is, it’s become a political statement. That’s what so many people want.”

Finney laid out some of his concerns in a paper published in 2013. One major question is whether there really are significant records of the Anthropocene in global stratigraphy. In the deep sea, he notes, the layer of sediments representing the past 70 years would be thinner than 1 millimetre. An even larger issue, he says, is whether it is appropriate to name something that exists mainly in the present and the future as part of the geological timescale.

“It’s become a political statement. That’s what so many people want.”

Some researchers argue that it is too soon to make a decision — it will take centuries or longer to know what lasting impact humans are having on the planet. One member of the working group, Erle Ellis, a geographer at the University of Maryland, Baltimore County, says that he raised the idea of holding off with fellow members of the group. “We should set a time, perhaps 1,000 years from now, in which we would officially investigate this,” he says. “Making a decision before that would be premature.”

That does not seem likely, given that the working group plans to present initial recommendations by 2016.

Some members with different views from the majority have dropped out of the discussion. Walker and others contend that human activities have already been recognized in the geological timescale: the only difference between the current warm period, the Holocene, and all the interglacial times during the Pleistocene is the presence of human societies in the modern one. “You’ve played the human card in defining the Holocene. It’s very difficult to play the human card again,” he says.

Walker resigned from the group a year ago, when it became clear that he had little to add. He has nothing but respect for its members, he says, but he has heard concern that the Anthropocene movement is picking up speed. “There’s a sense in some quarters that this is something of a juggernaut,” he says. “Within the geologic community, particularly within the stratigraphic community, there is a sense of disquiet.”

Zalasiewicz takes pains to make it clear that the working group has not yet reached any firm conclusions.“We need to discuss the utility of the Anthropocene. If one is to formalize it, who would that help, and to whom it might be a nuisance?” he says. “There is lots of work still to do.”

Any proposal that the group did make would still need to pass a series of hurdles. First, it would need to receive a supermajority — 60% support — in a vote by members of the Quaternary subcommission. Then it would need to reach the same margin in a second vote by the leadership of the full ICS, which includes chairs from groups that study the major time blocks. Finally, the executive committee of the International Union of Geological Sciences must approve the request.

At each step, proposals are often sent back for revision, and they sometimes die altogether. It is an inherently conservative process, says Martin Head, a marine stratigrapher at Brock University in St Catharines, Canada, and the current head of the Quaternary subcommission. “You are messing around with a timescale that is used by millions of people around the world. So if you’re making changes, they have to be made on the basis of something for which there is overwhelming support.”

Some voting members of the Quaternary subcommission have told Nature that they have not been persuaded by the arguments raised so far in favour of the Anthropocene. Gibbard, a friend of Zalasiewicz’s, says that defining this new epoch will not help most Quaternary geologists, especially those working in the Holocene, because they tend not to study material from the past few decades or centuries. But, he adds: “I don’t want to be the person who ruins the party, because a lot of useful stuff is coming out as a consequence of people thinking about this in a systematic way.”

If a proposal does not pass, researchers could continue to use the name Anthropocene on an informal basis, in much the same way as archaeological terms such as the Neolithic era and the Bronze Age are used today. Regardless of the outcome, the Anthropocene has already taken on a life of its own. Three Anthropocene journals have started up in the past two years, and the number of papers on the topic is rising sharply, with more than 200 published in 2014.

By 2019, when the new fossil hall opens at the Smithsonian’s natural history museum, it will probably be clear whether the Anthropocene exhibition depicts an official time unit or not. Wing, a member of the working group, says that he does not want the stratigraphic debate to overshadow the bigger issues. “There is certainly a broader point about human effects on Earth systems, which is way more important and also more scientifically interesting.”

As he walks through the closed palaeontology hall, he points out how much work has yet to be done to refashion the exhibits and modernize the museum, which opened more than a century ago. A hundred years is a heartbeat to a geologist. But in that span, the human population has more than tripled. Wing wants museum visitors to think, however briefly, about the planetary power that people now wield, and how that fits into the context of Earth’s history. “If you look back from 10 million years in the future,” he says, “you’ll be able to see what we were doing today.”

En 1610, l’espèce humaine prend le contrôle de la planète – L’Obs

http://tempsreel.nouvelobs.com/l-histoire-du-soir/20150312.OBS4516/en-1610-l-espece-humaine-prend-le-controle-de-la-planete.html

En 1610, l’espèce humaine prend le contrôle de la planète

A quelle date l’espèce humaine a-t-elle pris le contrôle de la planète ? La question taraudait les scientifiques. Pour certains, c’était il y a 10.000 ans, avec le début de l’agriculture, pour d’autres c’était en 1945, avec première bombe atomique. Le spectre est donc large. Mais selon la revue spécialisée « Nature », nous avons enfin une réponse : en 1610.

C’est à cette date que l’Anthropocène, la nouvelle ère géologique marquée par l’accélération des émissions de gaz à effet de serre, aurait commencé. C’est ce qu’affirment des chercheurs britanniques.

Chutes de météorites, éruptions volcaniques

Toute la question était d’identifier « le marqueur » (la preuve) d’entrée dans cette nouvelle ère. Jusqu’à présent, les ères géologiques étaient délimitées par des événements naturels : chutes de météorites, éruptions volcaniques ou encore dérive des continents. Le début de l’Anthropocène restait, elle, difficile à dater. Mais le monde scientifique avait réduit les hypothèses à deux dates.

Deux années qui apportaient des preuves tangibles de l’impact du genre humain sur l’environnement par l’homme :

  • 1610 : année où la découverte de l’Amérique par les Européens « a commencé à se faire sentir sur la planète », explique « 20 minutes » qui relaie l’étude.
  • 1964 : année où les premières retombées radioactives ont été mesurées.

« Au moment où l’Ancien monde a rencontré le Nouveau »

Pourquoi les scientifiques britanniques ont-ils opté pour la première date ? « L’Anthropocène a probablement commencé quand les espèces ont changé de continent, au moment où l’Ancien monde a rencontré le Nouveau », explique Simon Lewis, un des auteurs de l’étude et écologiste à l’université de Londres avec Mark Maslin, géologue de l’université de Leeds. « Historiquement, la rencontre entre ces deux mondes marque le début du monde moderne ».

De fait, la découverte de l’Amérique en 1492 a entraîné une intensification du commerce entre l’Europe et le nouveau continent. Des voyages qui ont permis le transferts de nombreuses espèces de végétaux et d’animaux entre les deux continents.

La mort d’environ 50 millions d’indigènes en Amérique du Sud

L’année 1610 est aussi unique du point de vue de la géologie. En étudiant des carottes glacière de l’Antarctique, les deux scientifiques britanniques ont noté une baisse des niveaux de dioxyde de carbone dans l’atmosphère à cette époque.

Comment l’expliquer ? La mort d’environ 50 millions d’indigènes en Amérique du Sud au moment de la colonisation européenne a mis fin au pastoralisme et à certaines formes d’agricultures. De vastes zones de forêts ont pu s’étendre à nouveau et faire chuter le taux de dioxyde de carbone.

Pour les chercheurs, c’est une preuve de plus du changement irréversible de la biologie et de la chimie de la terre par l’espèce humaine. Ils ont d’ailleurs appelé ce « marquer », « la pointe d’Orbis ». Orbis ce traduisant par monde en latin.

Pour Simon Lewis :

Dans des centaines de milliers d’années, les scientifiques regarderont les archives environnementales et sauront que quelque chose de remarquable s’est produit dans la seconde moitié du deuxième millénaire. Ils n’auront aucun doute sur le fait que ces changements ont été causés par leur propre espèce ».

Lecture : Tout peut changer : capitalisme et changement climatique

En librairie.

Oubliez tout ce que vous croyez savoir sur le réchauffement climatique. La «vérité qui dérange », ce n’est pas les gaz à effet de serre : c’est le rôle joué par le capitalisme dans ce désastre annoncé.

Notre modèle économique est en guerre contre la vie sur Terre. Si nous ne pouvons infléchir les lois de la nature, nos comportements,eux, peuvent être radicalement changés. Au-delà de la crise écologique, c’est bien une crise existentielle qui est jeu – celle d’une humanité défendant à corps perdu le statu quo. Mais voilà que prise à rebours, cette crise se révèle peut-être l’opportunité de transformer radicalement le monde dans lequel nous vivons.

On nous a dit que le marché allait nous sauver, alors que notre dépendance au profit et à la croissance ne fait que s’accroître. On nous a dit qu’il était impossible de sortir des combustibles fossiles, alors que nous savons exactement comment nous y prendre – il suffit d’enfreindre toutes les règles du libre marché : brider le pouvoir des entreprises, reconstruire les économies locales et refonder nos démocraties. On nous a aussi dit que l’humanité était trop avide et égoïste pour relever un tel défi. En fait, partout dans le monde, des luttes contre l’extraction à tous crin ont déjà abouti et des groupes se mobilisent afin de poser les jalons de l’économie à venir.

Prix : 34,95 $
Catégorie : Sciences Sociales | Futur Proche
Auteur : Naomi Klein
Titre : Tout peut changer : capitalisme et changement climatique
Date de parution : février 2015
Éditeur : LUX EDITEUR
Collection : futur proche
Pages : 650
Sujet : capitalisme
ISBN : 9782895961932 (289596193X)

La fin du monde ou le début d’un autre? | Segments | Tout le monde en parle | ICI Radio-Canada.ca

http://ici.radio-canada.ca/tele/tout-le-monde-en-parle/2014-2015/segments/entrevue/1300/naomi-klein-activiste-changement-climatique

LA FIN DU MONDE OU LE DÉBUT D’UN AUTRE?

dimanche 8 mars 2015Tout le monde en parle - Entrevue avec Naomi Klein - Émission du 8 mars 2015

Dans son dernier ouvrage, l’activiste Naomi Klein s’inquiète des effets irréversibles des changements climatiques. Si nous n’avons aucune emprise sur le climat, nous en avons par ailleurs sur les structures économiques et politiques. Elle accuse le capitalisme d’être le moteur de la dégradation de notre environnement et considère que la course au profit risque de mener la planète à sa perte. Reprochant à plusieurs environnementalistes d’alimenter une culture de la peur, elle prône une approche plus constructive. Elle-même bourrée de contradictions, elle peut toutefois se targuer d’être une actrice du changement.

Tout peut changer : capitalisme et changement climatique sera en librairie à partir du 10 mars.

Naomi Klein sera en entretien public à la salle Marie-Gérin-Lajoie à Montréal, le 11 mars à 19 h. L’événement est gratuit.

Évolution « fast-forward »

http://www.sciencepresse.qc.ca/blogue/2015/03/06/evolution-fast-forward

Évolution « fast-forward »

Dans leur nouveau livre, Evolving Ourselves: How Unnatural Selection and Nonrandom Mutation are Changing Life on Earth, les auteurs Juan Enriquez et Steven Gullans mettent en évidence l’importance longtemps sous-estimée de l’épigénome. Dans la foulée du lancement de leur livre, ils ont publié un article sur Wired, intitulé : Fat? Sick? Bame your grandparents’ bad habits.

Le temps fait bien les choses

La théorie de l’évolution par sélection naturelle stipule que tous les organismes ont la faculté de s’adapter à leur environnement de manière à assurer leur descendance. Pour ce faire, seuls les individus possédant les meilleurs gènes survivront et se reproduiront.

Bref, les plus aptes à concilier avec les aléas de l’environnement.

Toutefois, les généticiens constatent de plus en plus que l’épigénétique joue un rôle important dans ce processus.

Épi quoi?

De manière simple, lorsqu’une modification de l’ADN ne change pas sa séquence, on parle d’épigénome. Pour ce faire, des composés chimiques recouvrent certains gènes sans pour autant les altérer. Ainsi, ils ne modifient pas la séquence ADN mais sont attachés après, d’ou le préfixe -épi.Tel un épi de blé d’inde.

Certains gènes seront donc exprimés et d’autres non, selon l’épigénome. Autrement dit, c’est le fait d’allumer ou d’éteindre un gène.

Mais qu’est-ce qui allume ou éteint un gène tel un interrupteur?

Il semblerait que ce soit les facteurs environnementaux qui en sont les principaux responsables, tels que l’alimentation et la pollution par exemple.

Les auteurs du livre donnent l’exemple d’une famine qui a suivi la seconde guerre mondiale aux Pays-Bas. Des femmes qui étaient enceinte à cette époque ont eu une alimentation déficiente et conséquemment, leurs enfants auraient eu des prévalences élevées pour diverses maladies, dûes à une modification au niveau de l’épigénome.

De plus, ces modifications génétiques auraient non seulement été transmises à la première descendance mais à toutes les générations subséquentes jusqu’aujourd’hui. Phénomène qui jusqu’à récemment paraissait improbable aux yeux des généticiens car ces modifications génétiques auraient été faites au sein d’une seule génération, soit celle des mères qui ont vécu la famine.

Coulé dans le béton

Au 19e siècle, le biologiste Jean-Baptiste Lamarck, avait été rejeté par ses collègues pour avoir proposé que l’évolution pouvait se réaliser en seulement une génération. À titre d’exemple, il avait avancé celui de la giraffe qui étire son cou à tous les jours pour pouvoir s’alimenter. Selon lui, en l’étirant à tous les jours, le cou rallonge quelque peu et ces traits acquis sont passés à sa progéniture.

Selon Enriquez et Gullans, cette théorie avait été fortement contredite par les biologistes de l’époque, dont Darwin. Ce dernier postulait plutôt que l’évolution est très lente et est seulement le fruit de la sélection naturelle. De plus, les scientifiques avaient unanimement concluent que les modifications acquises pendant la vie d’un organisme ne pouvait être transférées aux cellules germinales, soit celles qui vont former les gamètes.

Bref, la théorie de Darwin paraissait inviolable.

Les premiers épigénéticiens étaient apparemment reconnus comme des ‘’biologistes voodoos’’ selon les auteurs. Ce n’est que récemment que les scientifiques ont réussi à démontrer des modifications épigénétiques chez des organismes vivants.

En premier, chez des espèces à reproduction rapide, telles que des microbes et bactéries et petit à petit, chez les plantes et les animaux. Toutefois, la durée de ces modifications est inconnue. Par exemple, durent-elles 3 ou 70 générations? De plus, celles-ci ne sont pas aussi profondes que les réelles mutations génétiques qui altèrent définitivement le code de l’ADN.

Comment l’environnement peut modifier nos gènes?

Selon les auteurs, ce serait notre cerveau, nos glandes et notre système immunitaire qui, en réagissant aux stress environnementaux, sécrètent des hormones et autres molécules pour dicter à nos organes qu’ils doivent s’adapter à une situation particulière.

Ainsi, ce serait les hormones qui serait responsables de dicter à l’épigénome d’éteindre ou d’allumer un gène. Face à de nouvelles situations précaires, l’épigénome pourrait se modifier de nouveau…

Qu’a cela ne tienne, l’épigénome n’a pas finit de faire siffler les oreilles de Darwin.

Pour plus d’infos, cliquez-ici.

Par Camille Martel, Agence Science-Presse

Une mâchoire retrouvée en Ethiopie fait vieillir le genre humain de 400.000 ans

http://www.huffingtonpost.fr/2015/03/04/machoire-ethiopie-genre-humain-400000-ans-decouverte_n_6801994.html

Une mâchoire retrouvée en Ethiopie fait vieillir le genre humain de 400.000 ans

SCIENCES – C’est une découverte qui a la particularité de bouleverser nos certitudes quant à nos origines. Comme ceci est rapporté par Le Monde, une mandibule retrouvée dans la région de l’Afar au Nord-Est de l’Ethiopie constituerait la plus vieille trace d’un représentant du genre Homo jamais retrouvée. C’est dans cette région très connue des spécialistes qu’avait également été retrouvée « Lucy » il y a une quarantaine d’années.

Décrite par les revues Sciences et Nature, cette mâchoire date de 2.8 millions d’années alors que les scientifiques pensaient jusque-là que l’apparition de nos très lointains ancêtres remontait a 2.4 millions d’années. Ce fossile d’hominidé a été récolté en 2013 par une équipe de paléontologues menée par Chalachew Seyoum, de l’Université d’Etat d’Arizona.

C’est par l’étude des roches volcaniques qui entourent le site que les scientifiques sont parvenus à estimer l’âge du fossile de cette mâchoire inférieure. En le comparant avec d’autres fossiles, les chercheurs sont parvenus à trouver des similitudes avec l’Australopithecus afarensis (espèce de Lucy), cependant ceux-ci expliquent que cette mâchoire présente des caractéristiques plus « modernes » comme la symétrie et la finesse des molaires ou encore la proportion de la mâchoire.

« Ce nouveau fossile, qui possède des caractères propres aux australopithèques et d’autres spécifiques aux premiers Homo, illustre bien la transition entre ces deux groupes » a expliqué l’un des co-auteurs de l’étude cité par Le Monde.

Trouver l’origine de la lignée Homo

Depuis des décennies, les scientifiques cherchent des fossiles en Afrique pour trouver des indices des origines de la lignée Homo mais avec peu de succès puisqu’ils ont découvert très peu de fossiles de la période jugée critique allant de moins trois millions d’années à moins 2,5 millions d’années. De ce fait, les experts ne sont pas d’accord sur la période de l’origine de la lignée Homo, qui a abouti à l’émergence des humains modernes, l’Homo Sapiens, il y a environ 200.000 ans.

« Des fossiles de la lignée Homo de plus de deux millions d’années sont très rares et le fait d’avoir un éclairage sur les toutes premières phases de l’évolution de notre lignée est particulièrement emballant », souligne Brian Villmoare, le principal auteur. Mais ces chercheurs notent qu’ils ne sont pas en mesure de dire avec cette seule mâchoire s’il s’agit ou non d’une nouvelle espèce du genre Homo.

Une recherche complémentaire parue mercredi dans Science portant sur la géologie et le climat dans la même région d’Ethiopie où a été trouvé le fossile de Ledi-Geraruy, met en évidence un changement climatique qui a rendu l’environnement plus aride il y a 2,8 millions d’années.

Ces scientifiques ont découvert des fossiles de mammifères contemporains de Ledi-Geraru montrant qu’il y avait surtout des espèces vivant dans des habitats dominés par de petits arbustes et des prairies où les arbres étaient rares. Alors qu’à l’époque de Lucy, la végétation était plus verdoyante. « Nous pouvons voir des indications de sécheresse dans la faune dominante dans l’environnement de Ledi-Geraru », explique Kaye Reed, professeur à l’Université d’Arizona, co-auteur de cette étude.

« Mais il est encore trop tôt pour dire si le changement climatique est responsable de l’émergence du genre Homo, il nous faudra avant cela examiner un plus grand nombre de fossiles d’hominidés que nous continuons à rechercher dans cette région », a-t-elle ajouté. L’hypothèse du changement climatique ayant conduit à l’extinction des espèces antérieures à celles du genre Homo et à l’émergence de ce dernier est souvent avancée par les scientifiques, relève le professeur Reed.

Dans une autre étude publiée mercredi dans la revue britannique Nature, des scientifiques ont annoncé une nouvelle reconstruction d’une mandibule déformée qui appartenait à un Homo habilis « bricoleur » vieux de 1,8 million d’années découvert en Tanzanie. Cette reconstruction a créé la surprise en faisant apparaître une mâchoire primitive de cette espèce et montre aussi un lien évident avec le fossile de Ledi-Geraru.

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Le citoyen, clef de la survie climatique de l’humanité | Stéphane Brousseau

http://quebec.huffingtonpost.ca/stephane-brousseau/le-citoyen-clef-de-la-survie-climatique-de-lhumanite_b_6780370.html

Le citoyen, clef de la survie climatique de l’humanité

Le 23 février, Bruno Massé donnait une conférence au sujet des impacts de l’austérité sur les mesures de protection et de sauvegarde de l’environnement. Bruno Massé est géographe spécialisé dans les mouvements sociaux environnementaux, coordonnateur du Réseau québécois des groupes écologistes (RQGE), chargé de cours au cégep Marie-Victorin, blogueur et rédacteur au Huffington Post Québec, et auteur de plusieurs romans engagés.

M. Massé exposait les impacts de l’austérité en environnement au Québec en opposition aux projets d’exploitation des ressources naturelles, dont le pétrole. Les coupures limitent la capacité d’assurer l’intégrité des écosystèmes et de la biodiversité. Son allocution couvrait également les amputations dans les programmes sociaux qui vont appauvrir les régions afin que les populations ne puissent s’objecter aux projets d’exploitation des ressources naturelles en n’ayant d’autres choix que d’accepter des emplois.

Ce phénomène politico-économique est connu et des recherches de l’IRASD le définissent comme «les pressions fiscales de l’économie monétaire». Pressions qui imposent également des limites à la croissance et à l’évolution de l’humanité.

Le système économique monétaire, datant de 687 av. J.-C., a évolué au fil de l’histoire avec l’environnement social qui n’est qu’une adaptation complexe des stratégies comportementales de l’espèce humaine selon les principes de l’évolution. Jamais, dans l’histoire de l’humanité, l’homme n’a tenté de concevoir un modèle de société intégré qui respecte les limites de son environnement biophysique.

En 2014, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) publiait son 5e rapport sur les changements climatiques depuis 1988. Le premier volume concerne la science physique du climat. Plus de 9200 études scientifiques indépendantes de 39 pays ont été validées par 1089 réviseurs provenant de 55 pays. Les conclusions de cette compilation sont sans équivoque: les activités humaines sont responsables à 95 %des émissions de gaz à effet de serre (GES) provoquant les changements climatiques.

Le second volume du rapport couvre d’ailleurs les impacts des changements climatiques sur les systèmes et infrastructures de la civilisation en tenant compte de la capacité d’adaptation et en identifiant les vulnérabilités (agriculture, approvisionnement, économie, stabilité politique et sociale). Plus de 12 000 études scientifiques indépendantes de 92 pays ont été validées par 1729 réviseurs provenant de 84 pays.

Le troisième volume présente les mesures de mitigation pour limiter les changements climatiques et les mesures d’adaptation pour tenter d’y survivre. Près de 1200 scénarios socio-économiques ont été analysés en provenance de 10 000 études indépendantes de 58 pays qui ont été validées par 836 réviseurs de 66 pays.

La crédibilité de ces rapports ne peut être contestée. Même la NASA fait ses propres recherches. Pourtant, la méconnaissance règne… Et les coupures budgétaires en éducation deviennent néfastes. Le sociologue Gérald Bronner expose ses observations des erreurs comportementales décisionnelles dans son livre La planète des hommes. Réenchanter le risque. Des psychologues comme Amos Tversky, Daniel Kahneman et Paul Slovic ont d’ailleurs gagné un prix Nobel pour leurs publications à ce sujet. Un cas typique de ces comportements peut être observé avec les politiques fédérales concernant les sables bitumineux.

Alors que la dégradation des écosystèmes aura des impacts s’échelonnant sur des années, les changements climatiques auront des conséquences qui persisteront durant des siècles, voire des millénaires, mettant à risque la survie des espèces incluant l’homme. C’est pourquoi l’ONU prépare une proposition d’entente internationale en prévision du COP21 à Paris en décembre. Le texte mis à jour le 25 février prévoit que les pays doivent s’engager à diminuer les émissions de GES de 40% à 70% d’ici 2050, et de 100% d’ici 2100 afin de limiter le réchauffement climatique à 2 degrés.

Des économistes chez Kepler Cheuvreux ont estimé que l’industrie pétrolière devrait se priver de 28 000 milliards de dollars d’ici 20 anspour respecter ces ententes. Le 24 février, un article mentionnait que la British Petroleum (BP), l’une des quatre plus importantes pétrolières au monde, venait de publier son rapport BP’s Energy Outlook 2035 dans lequel elle prévoit des augmentations de 25% d’émissions de CO2 d’ici 20 ans.

Avec de telles pressions économiques, il ne faut surtout pas s’attendre à des décisions substantielles de réduction des GES de la part des gouvernements. Les solutions viendront de nous, les citoyens ordinaires. Pour y arriver, nous devons nous joindre à des groupes sociaux ou environnementaux qui ont «la nouvelle responsabilité» de former une coalition sociale internationale afin de travailler sur un vaste chantier de modernisation de la société. Les forums sociaux sont les outils de mobilisation, mais ils sont insuffisants sans travaux structurés sur des solutions.

Nous devons nous impliquer pour sauver notre peau, sortir marcher le 11 avril à Québec. Nous ne pouvons plus attendre, car nous allons écoper dans les prochaines décennies… et les changements sociaux seront drastiques et rapides, menant à des instabilités considérables de tout acabit.

Mais faire vite et bien en même temps en visant de bons résultats est impossible, sauf en économie où rien n’est durable…

Stéphane BrousseauDirecteur de recherche

B.Sc. Géologie
Analyste et architecte en technologies de l’information et des communications
Chercheur en architecture sociale durable

IRASD – Institut de recherche en architecture sociale durable
SSARI – Sustainable Social Architecture Research Institute

Démocratie – Économie – Législation – Justice – Sciences – Éducation – Culture – Religions

https://irasd.wordpress.com/
IRASD.SSARI
@IRASD_SSARI

Croissance : « A quelle distance sommes-nous de nos limites ? » – Rue89 – L’Obs

http://rue89.nouvelobs.com/2015/02/28/croissance-a-quelle-distance-est-limites-257868

Croissance : « A quelle distance sommes-nous de nos limites ? »

Dans combien de temps notre civilisation aura-t-elle épuisé ses ressources ? Combien de temps avant la fin de notre monde ? Entretien croisé avec Gabriel Chardin, physicien, et Alexandre Delaigue, économiste.

Exploitation d’une forêt tropicale en Malaisie, le 20 juillet 2010 (Rahman Roslan/AFP)

Comment expliquer qu’aucune civilisation extraterrestre ne nous ait encore rendu visite, alors que notre galaxie compte plusieurs centaines de milliards de planètes ?

Pour répondre à cette question bien connue, appelée paradoxe de Fermi, le physicien Gabriel Chardin soulevait il y a quelques semaines sur son blog une hypothèse étonnante. Pour ce chercheur – qui a reçu en 2007 la médaille d’argent du CNRS pour ses travaux sur la recherche de la matière cachée de l’univers –, l’explication vient tout simplement de la croissance économique :

« Sous l’hypothèse d’un taux de croissance […] de 2 % par an, la durée d’épuisement des ressources de la Terre est de quelques centaines d’années, avec une large marge d’incertitude […].

Sans une stratégie extrêmement précise et rigoureuse, il est infiniment probable que, telles des fourmis vivant sur un tas de salpêtre, nous grillions le jour où nous découvrons les allumettes, bien avant d’être parvenus à développer le voyage interstellaire. »

Si aucun extraterrestre n’est parvenu jusqu’à nous, ce serait donc parce qu’il est très peu probable qu’une civilisation parvienne à une telle prouesse avant d’avoir brûlé les ressources qui lui étaient imparties.

Combien de temps avant la fin de notre monde ?

Cette hypothèse, basée sur des arguments physiques, pose des questions renversantes. Dans combien de temps notre civilisation aura-t-elle épuisé les ressources dont elle dépend ? Dans combien de temps va-t-elle cesser de croître ? Dans combien de temps va-t-elle s’éteindre ?

L’économiste Alexandre Delaigue, professeur d’économie à Saint-Cyr, avait lui aussi abordé ces questions dans un article publié sur son blog en novembre 2014. Celui-ci avançait des hypothèses plus optimistes sur l’avenir de la croissance et de ses limites :

« Savoir combien de temps durera encore la croissance économique ne dépend pas de calculs sur les limites énergétiques des techniques existantes, mais de la capacité future à inventer des techniques permettant d’utiliser de manière toujours plus efficace les ressources existantes. »

Les textes qui affrontent ces questions majeures sont rares. Nous avons donc voulu proposer à leurs auteurs de prolonger leurs réflexions lors d’un entretien croisé. Ils ont bien voulu se prêter au jeu, lors d’une visioconférence. Voici le fruit de leur discussion.

Rue89 : Gabriel Chardin, vous estimez qu’il existe des limites physiques à la croissance. Pourquoi ?

Gabriel Chardin (CNRS)

Gabriel Chardin : J’ai voulu montrer qu’une croissance même modérée entraîne un épuisement très rapide des ressources, non seulement de la Terre, mais de l’univers observable tout entier. L’estimation connue est de 5500 ans pour l’univers observable, ce qui est infime par rapport à l’âge de l’univers.

Dans tous les cas, les ressources énergétiques accessibles dans l’univers observable sont finies, et même si on ne s’intéresse pas à la croissance énergétique mais à la croissance de l’information, là aussi des limitations existent qui aboutissent à des temps similaires.

Dès à présent, l’absence de stratégie à long terme et l’avidité de nos sociétés de consommation font que certaines ressources comme le cuivre, l’hélium, l’étain ou les terres rares sont très durement exploitées, et vont a priori devenir d’un coût d’accès très supérieur dans les années à venir, lorsque les ressources les plus accessibles auront été épuisées. Le temps caractéristique dont je parle est de quelques dizaines d’années et pour un grand nombre de sujets, on voit qu’à une échelle inférieure au siècle, on va au devant de très graves catastrophes, avec très probablement déjà des problèmes à l’horizon 2050.

Se transporter dans d’autres systèmes stellaires nécessite par ailleurs que les individus les plus riches aient accès à des quantités d’énergie très importantes, et ceci induit une instabilité extrême des sociétés qui deviennent capables de se lancer dans le voyage interstellaire.

Rue89 : Alexandre Delaigue, vous estimez au contraire que la poursuite de la croissance est possible au-delà de ces limites physiques. Pourquoi ?

Alexandre Delaigue (DR)

Alexandre Delaigue : Ce que je dis, c’est qu’une croissance économique est tout à fait compatible avec une consommation énergétique qui diminue.

Ce qui fait que nous sommes prospères aujourd’hui, ce n’est pas le fait que nous ayons tous exactement le même niveau de vie que Louis XVI, c’est-à-dire une immense propriété, une armée de domestiques qui allument les bougies et des dizaines de voitures à cheval pour nous déplacer.

La croissance économique, ce n’est pas ça, c’est le fait qu’il nous suffit d’appuyer sur un bouton pour éclairer la totalité de notre maison avec une consommation énergétique beaucoup plus basse que quinze domestiques qui allument des bougies. La croissance économique n’est pas une accumulation permanente de la même chose, c’est un changement permanent.

Pour l’instant, on voit que la croissance de nos économies est corrélée à la consommation de ressources et d’énergie. Vous pensez qu’une croissance qui augmente en consommant moins de ressources est possible ?

Alexandre Delaigue : Si, jusqu’à présent, la croissance économique a été intensive en consommation de ressources et d’énergie, c’est essentiellement parce qu’elles ne coûtaient pas cher. Lorsqu’on a maîtrisé la pêche à la baleine, on a eu un système d’éclairage très intensif en huile de baleine, jusqu’au jour où cela a commencé à devenir difficile et coûteux de capturer des baleines pour nos lampes et que cela a incité à la recherche d’autres moyens pour fournir de l’éclairage.

Ce moyen a été l’ampoule à incandescence. L’économiste William Nordhaus a comparé les techniques d’éclairage depuis le feu de bois de l’homme préhistorique jusqu’aux ampoules halogènes et fluorescentes et a étudié la quantité d’éclairage produite par unité d’énergie consommée. Il a montré qu’il y avait eu une diminution exponentielle du coût énergétique de la production de lumière.

De la même façon qu’il y a une croissance exponentielle, il y a en même temps des améliorations technologiques qui permettent une diminution exponentielle des coûts.

Bien sûr, il y a des limites à ce processus, mais on ne sait pas exactement comment et quand elles seront atteintes. Ce qu’on peut constater, c’est que quand les sociétés humaines s’approchent de leurs limites, il y a toute une série de mécanismes sociaux qui se mettent en place, à commencer par le mécanisme des prix. Par exemple, lorsqu’il est plus difficile de trouver du pétrole, le pétrole coûte plus cher, ce qui incite à aller vers d’autres techniques ou à fournir de l’énergie de manière différente.

Ça nous met face aux vraies questions. D’abord, à quelle distance est-on de nos limites ? Et puis est-ce que quand on touchera une limite, on ne risque pas de se retrouver dans la position des bactéries dans la boîte de Pétri ou des habitants de l’île de Pâques, ou est-ce qu’on aura des mécanismes sociaux qui permettent de faire en sorte que ces limites ne conduisent pas à des drames comme la disparition de milliards de personnes ?

Gabriel Chardin : Je reviens sur la question de l’éclairage. En fait, le prix Nobel de physique 2014 montre que la croissance exponentielle de l’efficacité énergétique de l’éclairage touche à sa fin. Ce prix Nobel récompense la découverte des LEDs bleues dont l’efficacité est proche de 1. Auparavant, on a pu faire des choses plus aberrantes, encore comme tuer des baleines pour récupérer leur graisse et allumer des bougies.

Mais là, le progrès technologique a une fin parce que, sauf à vouloir autre chose que l’éclairage, l’émission de photons a un coût et ces LEDs représentent à peu près l’étape ultime. Pour des raisons fondamentales, on ne peut quasiment pas faire mieux, ou alors vraiment à la marge. L’exemple que vous prenez montre qu’on tombe sur une fin de croissance sur un certain nombre de processus.

A-t-on justement un moyen de mesurer le délai qui nous sépare du dépassement de ces limites ?

Gabriel Chardin : Ce qui m’inquiète, c’est que la réflexion stratégique n’existe pas sur ces limites. Soit on ne les voit pas, soit on a un discours relativement rassurant. Le discours du Club de Rome et celui des gens qui disent « Attention, on va droit dans le mur ! » est jusqu’ici relativisé, alors que l’avidité qui existe dans nos sociétés et l’absence de contraintes, notamment au niveau démographique, font que sur un certain nombre de choses assez fondamentales qu’on surveille trop peu, on est dans une situation inquiétante.

Prenez l’épuisement des sols : en Chine, en Inde, et aussi en France, on épuise les sols à un rythme 50 à 100 fois plus rapide que ce qu’on devrait faire pour les renouveler. Et on continue à le faire parce qu’on n’a quasiment aucune contrainte. Moi-même, je consomme beaucoup trop de ressources, même si j’essaye de restreindre ma consommation. Collectivement, nous sommes tous égoïstes et nous nous cachons les conséquences de nos actes, parce que cette réflexion n’a pratiquement pas lieu et que nous n’avons donc pas de stratégie pour mesurer nos limites ni les anticiper.

Alexandre Delaigue : La différence entre nous n’est, je crois, pas sur ce constat mais sur les solutions pour éviter le problème. Il y a une perspective qui est réelle, il faut qu’on réfléchisse et qu’on mette en œuvre très vite des moyens qui vont nous permettre de traiter ou d’aborder ces problèmes.

Mais ce qu’il faut savoir, c’est qu’une approche de beaucoup d’économistes consiste à dire que les discours fondés sur l’alerte, comme celui du Club de Rome justement, ne fonctionnent pas. Dire : « Attention, dans vingt ans, il n’y a plus de pétrole quoi qu’il arrive, il va falloir vous restreindre pour ralentir, mais c’est inéluctable de tout façon », ce n’est pas un raisonnement audible facilement. Et la réaction des gens consiste à dire : « Foutus pour foutus, autant en profiter. »

L’idée qu’on va regrouper un certain nombre de personnes qui vont réfléchir sur le sujet et apporter des solutions qui vont s’imposer aux populations, c’est quelque chose qui ne fonctionne pas, parce que les sociétés humaines sont quelque chose de trop complexe.

On le voit bien au niveau du changement climatique. Les économistes sont assez pessimistes sur l’idée qu’on peut trouver des solutions depuis le haut, ils sont plus sensibles à des approches plus décentralisées, il y a toute une série de mécanismes inconscients, fondés sur le fait que les gens n’ont pas une très grande information, qui apportent des solutions aux problèmes. Ça marche mieux qu’on pourrait le penser. Par exemple, si on prend la question pétrolière, il faut bien reconnaître qu’il y a dix ans, personne ne pensait que le pic pétrolier serait déjoué par des nouvelles techniques d’extraction du pétrole. Personne ne disait ça, aucun expert. Pourtant, une certain nombre de gens ont réagi au niveau local pour mettre en œuvre ces techniques d’extraction non conventionnelles.

La question n’est pas « Est-ce que c’est bien ou mal ? », mais cela montre que personne n’avait anticipé ça il y a seulement dix ans. Peut-être que la solution à l’érosion des sols viendra elle aussi du niveau local.

Même chose pour la natalité. Quand les gens s’enrichissent, ils ont moins envie d’avoir un grand nombre d’enfants, c’est un mécanisme plus efficace pour réduire la croissance démographique que les mesures contraignantes, qui posent toute une série de problèmes, à commencer par les libertés individuelles. Est-il souhaitable de nous faire renoncer aux libertés individuelles pour prolonger un peu plus longtemps un niveau de consommation d’énergie équivalent ?

J’ai l’impression que vous préconisez, Alexandre Delaigue, d’approcher le plus possible de la catastrophe pour changer de direction ! Plus globalement, peut-on prendre collectivement prendre de bonnes décisons sur les dangers qui menacent l’humanité dans son ensemble ? Si oui, comment ?

Alexandre Delaigue : Oui, oui, plus on se rapproche des limites, plus on s’approche aussi des solutions. En matière de ressources, c’est très net : plus il y a d’incitations à changer, plus les prix augmentent. C’est vrai que ça revient à être toujours sur le fil du rasoir. On ne va pas rentrer dans des clichés, mais toutes les civilisations sont mortelles de ce fait-là. Au bout d’un moment, les mécanismes sociaux de résolution des problèmes deviennent inopérants. On doit être lucides sur ça, mais par contre, j’insiste sur le fait que dire « Il faut anticiper les problèmes, il faut faire quelque chose » peut être pire que de ne rien faire.

Gabriel Chardin : Je reviens sur le mécanisme régulateur de la population dont vous avez parlé. On constate malheureusement depuis quelques années qu’il ne marche pas en Afrique, dont on est en train de réévaluer violemment vers le haut les projections de population. Quand l’Afrique accueillera 4,5 milliards d’habitants, on sera très probablement face à des dégâts écologiques énormes. De manière générale, si l’autorégulation est effectivement possible en principe, dans la réalité, les résultats ne sont pas encourageants.

On n’est pas encore arrivés à la catastrophe, mais on le voit à travers plusieurs indicateurs, on est au bord de l’instabilité. La vie a l’air d’être un catalyseur qui accélère cette instabilité. L’instabilité est présente par nature dans l’univers, en particulier à travers la gravitation, fondamentalement instable et qui interdit à l’univers d’être statique, comme l’avait espéré Einstein. A très long terme, on sait même prédire une sorte de mort thermique de l’univers, et on connaît un certain nombre de limitations fondamentales à l’avenir énergétique de l’univers, qui a tendance à devenir froid et dispersé à très long terme.

Mais l’espèce humaine a un degré d’instabilité beaucoup plus grand, qui s’accélère même, et elle aura une durée de vie bien inférieure à ce futur cosmologique. Notre société repose sur des milliers d’éléments et d’intégrateurs fragiles et magnifiques dont nous n’avons pas assez conscience.

Je vous donne un exemple avec l’électronique. Chaque génération nouvelle d’usine de fabrication de « chips » mémoire coûte plus cher. Aujourd’hui, on en est à des échelles de plusieurs milliards de dollars, avec des centaines de processus très compliqués qui s’enchaînent. On l’a vu également sur la fabrication de supraconducteurs, où il a suffi qu’un individu quitte une grande firme internationale, pour que la fabrication entière s’arrête, du fait qu’un tout petit nombre d’individus maîtrisaient un savoir que l’on jugeait anodin mais qui était crucial dans la réalisation de ces processus. Ces endroits de tension, de fragilité, sont multiples. Cela marche pour le moment, on a une certaine croissance, les iPhone sont meilleurs aujourd’hui qu’hier, mais jusqu’à quand ?

J’ai l’impression qu’on ne fait actuellement que prolonger l’instabilité et que notre système peut s’effondrer pratiquement à tout moment. Aujourd’hui, on ne consacre à l’échelle mondiale que 1% du PIB pour la recherche, ce qui veut dire que sur un siècle, on n’y consacre que la richesse d’une année, alors que l’effondrement a de bonnes chances de se situer à moins d’un siècle.

Gabriel Chardin, vous rappelez dans votre article que « Si 6% de tous les êtres humains nés sur Terre étaient encore en vie en l’an 2000 – ce qui est déjà une proportion énorme –, c’est près de 90% des chercheurs de toute l’histoire de l’humanité qui étaient encore vivants à cette même date ». Alexandre Delaigue, vous aussi semblez miser sur les chercheurs pour changer la croissance. Pour vous, la solution viendra de la recherche ?

Gabriel Chardin : En fait, ces 90% de chercheurs ne sont déjà plus vivants. Ils l’étaient dans les années 90. Le fait que ce chiffre soit déjà en train de décroître montre qu’on était dans un flash de conditions extraordinaires, une chance peut-être unique dans l’histoire de l’humanité.

On est encore en train de progresser techniquement, mais on est déjà dans la décroissance d’un grand nombre de choses au niveau des ressources. On a encore cette idée de progrès permanent très présente dans notre conscience, ce qui n’était pas le cas, par exemple, à l’époque de Louis XVI dont nous parlions tout à l’heure, où on avait l’impression que la vie déroulait ses bonnes années et ses mauvaises années, mais sans idée de progrès continu

Alexandre Delaigue : Je pense justement que nos sociétés ont un rapport au progrès un peu problématique. Dans les années 50 et 60, il y avait peut-être une certaine naïveté. Quand on lit les Sciences et Vie de l’époque, on parle quand même de l’époque où la France aura transformé le Sahara algérien en un vaste champ de blé, mais aujourd’hui, on a un tel pessimisme technique que je crains qu’on soit dans l’excès inverse.

Ça, c’est un raisonnement qu’on voit notamment grâce à la théorie des jeux, quand on vous dit que quand vous êtes dos au mur, vous faites n’importe quoi. Je suis d’accord, le budget de recherche est insuffisant, mais on constate que notre attitude par rapport au progrès est elle aussi en train de devenir problématique. Je crains à ce niveau que le discours qui consiste à dire « Nos sociétés basées sur le progrès technologiques sont vouées à l’extinction », même s’il est totalement fondé, contribue plus au problème qu’à la solution.

A la fin de l’année aura lieu à Paris la Conférence mondiale sur le climat. L’idée est de réunir les dirigeants du monde entier pour écrire un texte qui engage l’humanité à long terme contre le changement climatique. Est-ce la solution pour vous ?

Alexandre Delaigue : Ce que je vais dire est peut-être à l’origine du fait que l’on ne s’en sortira pas mais il faut être lucide : les stratégies sur 100 ans, c’est quelque chose qui ne fonctionne pas bien.

Gabriel Chardin : C’est vrai, ce n’est pas humain. Ce n’est pas humain.

Alexandre Delaigue : La projection à aussi long terme est de l’ordre, au mieux, du plausible. De toute façon, les problèmes que l’être humain affronte sont toujours ceux de l’immédiat. Si l’on veut chercher des solutions, il faut essayer de répondre aux problèmes immédiats auxquels on est confrontés. Ensuite, alors, le global apparaîtra progressivement. Bien sûr que ça présente des inconvénients, mais ça correspond à la façon dont les sociétés et les individus raisonnent. C’est la façon dont l’être humain fonctionne.

Gabriel Chardin : Pour moi, une des meilleures solutions consiste à chercher à augmenter le niveau global de connaissances. Même si tout le monde ne sera à l’évidence pas un physicien ou un biologiste de haut niveau, on peut néanmoins faire en sorte que chaque personne soit incitée à contribuer au débat.

Alexandre Delaigue, vous avez cité la théorie des jeux qu’on peut appliquer à cette réflexion. L’astrophysicien François Rodier a lui essayé d’appliquer les lois de la thermodynamique à l’évolution, en particulier l’évolution de l’humanité. Pensez-vous que vos sciences respectives devraient être plus utilisées, par exemple pour encadrer les négociations climatiques ?

Alexandre Delaigue : Je me méfie de ça. L’une des caractéristiques de l’analyse économique, c’est qu’on en sait toujours beaucoup moins qu’on ne le croit. On vit tous dans le monde social et on a tendance à penser que ce qui vaut pour nous vaut de manière universelle, donc on a tendance à se croire plus compétent qu’on ne l’est en matière de sciences sociales.

Maintenant, dans les problèmes qui nous ont occupés aujourd’hui, on peut dire qu’il y a un manque de convergence entre les économistes et les gens des sciences naturelles. Les économistes ont travaillé sur le fait de transformer des programmes généraux en des choses qui ont des conséquences vraiment concrètes et qui peuvent générer l’adoption des gens concernés, mais ils maîtrisent mal les réalités du monde physique. L’inverse est vrai aussi, un plus grand dialogue est nécessaire.

Gabriel Chardin : Pour revenir à la conférence sur le climat, je trouve intéressant que les gens se posent ensemble ces questions. Il y a un débat scientifique exigeant, pas du tout simple, sur les conséquences du changement climatique. C’est un domaine où l’on n’a pas du tout le droit à l’erreur ; à partir du moment où on l’a déclenché une augmentation de plusieurs degrés, ça déplacera massivement des populations, ce qui va déclencher des conflits, des guerres.

On voit dans ces discussions que les pays pauvres ont longtemps dit aux riches « Vous avez fait plein de dégâts au cours de votre croissance et pour cette raison, vous voulez aujourd’hui brider notre croissance ». Mais cette attitude change : par exemple, la Malaisie, que je connais bien, a perdu une bonne partie de sa forêt primaire, et eux-mêmes se rendent compte qu’ils commencent à observer des sécheresses alors que c’est jusqu’ici un pays très pluvieux. La réflexion commence à changer petit à petit au fil des événements là-bas.

C’est un processus très difficile, et il y a toujours des gens qui nient les problèmes, qui veulent continuer le « business as usual ». Il y a, à l’inverse, ceux qui sont inquiets, dont certains qui sont peut-être trop catastrophistes. Ce type d’événements comme la COP21 fait partie de ce dialogue. On a un lieu pour mettre en scène ce débat avec la COP. Je me réjouis que la France l’accueille, même si mon optimisme sur l’avenir à long terme de nos sociétés reste très limité.