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Forum social : la conscience de se resserrer la corde autour du cou

« Nous sommes très honnêtes avec nous-mêmes lorsqu’on évalue notre capacité à changer le cours des choses au Canada. Aucun des trois partis politiques canadiens ne reflète ce que nous souhaitons. Pour faire image, nous croyons qu’il faut arrêter leur train. Et pour que cesse le « business as usual », nous faisons l’analyse qu’il y a deux forces capables d’agir avec efficacité et qu’elles ont intérêt à s’allier. » – Clayton Thomas-Muller

Les fondements de cette affirmation sont vrais, mais sa portée est fausse car il n’est plus possible de la limiter au Canada avec les mouvements de mondialisation des marchés. Et il est aussi présomptueux de prétendre qu’il n’existe que deux forces capables d’agir pour freiner les dérapages, alors que plus de 7 milliards d’humains sont concernés…

Les modèles mondiaux actuels de gouvernance politique échouent lamentablement à assumer leur mission sociale. Cet échec se révèle depuis des décennies par l’instabilité qui se répand dans la population et par l’engagement citoyen dans la lutte contre ces décisions qui prend généralement la forme de manifestations. Mais que se cache-t-il au juste derrière ces événements publics dans le but de faire connaître les dérapages politiques au plus grand nombre?

Depuis environ dix ans, les citoyens s’organisent dans une multitude de regroupements, de comités, de rassemblements, de conférences et d’ateliers. Cette prise de conscience est principalement soutenue par la démocratisation rapide d’Internet et des médias sociaux. Les citoyens sont à l’œuvre dans un vaste mouvement de conscientisation, de discussion et de partage collectif des constats des nombreux échecs du système social. Le système ne répond plus aux aspirations de l’humanité, il cause plus de dommages que de bénéfices. Mais qu’est-ce qui a tant changé en une décennie pour provoquer ce dérapage?

L’accélération du développement économique semble en être la cause première. On le constate directement avec le discours des décideurs politiques et industriels lorsque le seul sujet à l’ordre du jour est le développement économique et de nouveaux marchés. Pendant que les politiques investissent massivement dans le développement économique d’un côté, ils coupent dans les services publics et les programmes sociaux à grands coups d’austérité. Plus les années passent, plus la mission des gouvernements se vide de son sens et s’enlise dans la gestion économique du développement. Mais d’où vient cette orientation si forte à tout miser sur le développement économique?

L’argent existe depuis 2700 ans, la plus ancienne forme de monnaie datant de 687 av. J.-C. (1). Il aura fallu attendre le début de l’ère industrielle vers 1780 pour que débute la grande accélération du développement de l’humanité : développement technique, technologique, scientifique, économique et démographique. L’industrialisation a permis de nombreuses améliorations à la civilisation, mais cette période n’est pas sans impacts : l’industrialisation a métamorphosé la société, la culture humaine et est en train d’altérer l’environnement biophysique au point de léguer des traces géologiques : c’est l’anthropocène!

L’industrialisation a provoqué en cent ans un accroissement subit de l’accélération du développement économique monétaire et une explosion démographique de la population qui est passée de 700 millions à plus de 7 milliards durant la même période. Mais ce que l’industrialisation a surtout engendré est une perte de contrôle du développement économique monétaire avec de graves implications pour la pérennité de la civilisation et la survie de l’espèce humaine.

Les problématiques actuelles semblent être directement liées au manque de planification de la croissance intégrée aux objectifs de civilisation, à l’absence de capacité d’utiliser des connaissances sur les interactions humaines, sociales, biophysique et d’ignorer la nécessité d’analyse intégrée avant de laisser l’humanité entrer dans cette période de son histoire. Au lieu de réfléchir et de planifier en toute connaissance de causes, les décideurs, laissés libres d’agir pour leur bénéfice unitaire propre, ont pu faire évoluer le système sans égard aux conséquences.

Aujourd’hui, la situation commence à devenir insoutenable pour l’humanité, mais aussi pour l’environnement biophysique qui soutient la vie. Les écosystèmes encaissent à grands coups de surexploitation des ressources et l’environnement social subit des pressions monétaires proportionnelles à l’accélération du développement économique (2). Tout se déroule exactement comme si le système social était en train de resserrer son nœud autour du cou de la civilisation, étouffant lentement l’espèce humaine.

Les missions des piliers du système social; gouvernement, économie, législation, médias se détournent radicalement vers un seul des piliers : l’économie! Cette redirection des orientations est la cause des dérapages et de l’insatisfaction populaire croissante. Les auteurs confirmant l’effondrement annoncé de l’économie capitaliste se multiplient (3). L’humanité arrive aux portes d’un cycle d’évolution de son système social. Cette étape est une forme d’examen pour le système. La note de passage est haute et l’échec risque d’être lourd de conséquences, même pour la minorité d’individus qui manipulent les ficelles du système pour leurs bénéfices individuels tout en s’imaginant être à l’écart des lois immuables et intransgressibles de la science.

Au-delà des pressions économiques monétaires, la menace grandissante des changements climatiques exerce des pressions sur l’environnement social et humain, issues de l’absence totale de toute forme de développement durable de l’industrie dans l’environnement biophysique. Et rares sont les décideurs politiques et industriels qui commencent à comprendre les enjeux de la menace qui pèse sur l’humanité. Pourtant, nombreux sont les citoyens engagés qui en sont conscients depuis plus de 25 ans!

L’entêtement des décideurs politique et industriel et leur refus de prise de conscience des problématiques dans une démarche d’observation et d’analyse intégrée les rendent inaptes à gouverner et limitent leur capacité à de la simple gestion budgétaire et au développement économique monétaire. Les gouvernements perdent leur crédibilité proportionnellement aux efforts qu’ils mettent à développer l’économie monétaire au détriment de la société pour laquelle ils sont censés être au service.

Si rien ne change, ce n’est pas exclusivement des organisations partisanes ni seulement une minorité des Premières Nations aux traditions fortement érodées qui pourront renverser la situation et corriger l’organisation du système social, mais bien l’ensemble des peuples de l’humanité avec ses citoyens.

Et le peuple ne pourra agir n’importe comment pour supplanter l’absence de capacité décisionnelle avec des orientations sociales durables. Les citoyens doivent d’abord observer, comprendre, analyser et documenter leurs connaissances car ils n’auront pas droit à l’erreur, il n’y aura pas de reprise à l’examen de la civilisation. Seules les connaissances largement développées, entretenues et diffusées permettront d’assurer la pérennité de la civilisation et la survie de l’espèce humaine. (4)

Pour Jacques Létourneau, président de la CSN, « il n’y aura pas de recette miracle ». Cette affirmation illustre bien ce que l’IRASD entend démystifier : il n’y a pas de magie dans l’environnement social, seulement des interactions entre des concepts-acteurs du système social et la nature humaine qui induisent des comportements nuisibles pour la pérennité de la civilisation et la survie de l’espèce humaine. Et ce n’est que par une démarche de recherche solidement appuyée sur les sciences et documentée pour assurer sa diffusion que l’espèce humaine réussira la modernisation réformatrice de son système social.

Les recettes miracles n’existent pas parce qu’il n’y a pas de magie!
Les solutions durables existent parce qu’il y a de la connaissance à intégrer…

L’IRASD a précisément été fondée pour veiller à la mise en place d’une approche et d’une analyse favorisant cette démarche de connaissances. Nos portes sont ouvertes pour former une équipe de chercheurs et collaborateurs.

(1) https://irasd.wordpress.com/dossiers/analyse-et-historique-du-modele-economique-monetaire-capitaliste/

(2) https://irasd.wordpress.com/2014/10/28/les-pressions-nefastes-de-leconomie-monetaire/

(3) https://irasd.wordpress.com/2014/11/04/livre-la-fin-du-capital-pour-une-societe-demancipation-humaine-andre-prone/
https://irasd.wordpress.com/2014/11/05/livre-pour-sauver-la-planete-sortez-du-capitalisme/
https://irasd.wordpress.com/2014/10/16/lectures-de-largent-la-ruine-de-la-politique-michel-surya/
https://irasd.wordpress.com/2014/10/13/changer-les-regles-du-jeu/
https://irasd.wordpress.com/2014/10/02/lausterite-a-echoue-joseph-stiglitz-votre-opinion/

(4) https://irasd.wordpress.com/2014/10/30/faut-il-accelerer-le-developpement-economique-ou-le-developpement-de-lindividu/

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http://www.csn.qc.ca/web/perspectives/47/fsp#.VGDVDIh8WrU

LA LUTTE CONTRE HARPER PREND RACINE

Par Roger Deslauriers

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Dans près de 500 ateliers, ils ont studieusement décortiqué des enjeux allant de l’importance de préserver les services publics au renouveau des pratiques syndicales et étudiantes, du saccage de l’assurance-emploi par le gouvernement Harper aux droits des LGBT, des revendications autochtones aux urgences environnementales. Le Forum social des peuples se proposait en partant de la base et des luttes menées quotidiennement sur le terrain, de stimuler les débats, les solidarités et l’action collective.

Deux forces à conjuguer

Rencontré à la suite de son allocution, Clayton Thomas-Muller, codirecteur de la Indigenous Tar Sands Campaign de l’institut Polaris et organisateur de Idle no more, a livré sa pensée.

« Nous sommes très honnêtes avec nous-mêmes lorsqu’on évalue notre capacité à changer le cours des choses au Canada. Aucun des trois partis politiques canadiens ne reflète ce que nous souhaitons. Pour faire image, nous croyons qu’il faut arrêter leur train. Et pour que cesse le « business as usual », nous faisons l’analyse qu’il y a deux forces capables d’agir avec efficacité et qu’elles ont intérêt à s’allier. L’une d’entre elles, ce sont les travailleuses et les travailleurs organisés. Vous savez, ils ont la capacité de quitter leur travail collectivement pour se défendre. Les syndicats ont contribué à soutenir, y compris financièrement, de nombreuses causes et plusieurs groupes sociaux incluant les Premières Nations. Ils continuent à démontrer, par les voies légales, leur capacité à affronter les grandes corporations, à les ralentir et parfois à les faire reculer sur des questions environnementales et économiques. »

Pour M. Thomas-Muller, l’autre force ayant démontré sa capacité à agir collectivement et à obtenir des résultats sont les Premières Nations. « Comme tout le monde au Canada, nous avons dû encaisser les lois budgétaires, dites mammouth, qui visent entre autres à museler les groupes d’opposition de la société civile. Mais cela ne nous a pas empêchés de nous battre et de réussir à faire reculer le gouvernement Harper sur son projet de loi concernant l’éducation des Autochtones. Nous n’allons pas nous arrêter en si bon chemin. Nous avons avec les travailleurs des intérêts communs et si ces deux forces se conjuguent et dialoguent, nous pourrons réussir à changer la nature du développement économique de ce pays qui se fait actuellement sur notre dos, détruisant l’environnement, au seul profit d’une poignée de richissimes corporations. »

Sur la suite du FSP

Pour Jacques Létourneau, président de la CSN, ce qui compte le plus, c’est que des mouvements sociaux aussi diversifiés que ceux qui étaient présents se soient écoutés et parfois compris. « Concrètement, on s’est fixés un objectif ambitieux pour 2015. Celui de contribuer à barrer la route à Harper. Il n’y aura pas de recette miracle, il faudra qu’autant les organisations du Canada anglais que celles du Québec se relèvent les manches et travaillent sur le terrain. Le CTC en Ontario s’organise pour faire une vraie bataille ciblée contre les conservateurs. Au Québec, la FTQ a déjà annoncé qu’elle allait viser les quelques circonscriptions conservatrices. À mon avis, on devrait aller dans le même sens. On aura encore à voir comment on s’y prend et avec quels partenaires. Après, si on réussit cette première opération, il nous incombera de mettre en avant les changements qu’on souhaite voir advenir. En ce sens, le forum aura été un bon brassage d’idées autour desquelles on peut espérer établir des convergences. »


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  1. […] chantier de modernisation de la société. Les forums sociaux sont les outils de mobilisation, mais ils sont insuffisants sans travaux structurés sur des […]

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  2. […] révolution ne sera pas initiée par les décideurs, mais par les 99% des citoyens qui subissent lourdement les […]

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  3. […] chantier de modernisation de la société. Les forums sociaux sont les outils de mobilisation, mais ils sont insuffisants sans travaux structurés sur des […]

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  4. […] révolution ne sera pas initiée par les décideurs, mais par les 99% des citoyens qui subissent lourdement les […]

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