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Faut-il accélérer le développement économique ou le développement de l’individu?

Pour répondre à cette question, il faut en poser une autre :

Quelle est la nature de la richesse nécessaire pour permettre l’adaptation artificielle aux changements?

La capacité artificielle d’adaptation diffère de la capacité naturelle d’adaptation aux changements.

Les lois immuables et intransgressibles de la nature s’appliquent à l’adaptation naturelle aux changements par la sélection naturelle qui favorise l’évolution adaptée à des conditions locales. Ces lois nous sont connues par les recherches, expériences et conclusions scientifiques. Charles Darwin nous a exposé sa vision des lois de la sélection naturelle agissant sur l’évolution. Gregor Mendel nous a exposé sa vision des lois de l’hérédité biologique. La science a évolué sur ces bases pour explorer et comprendre les lois de la génétique et de la biochimie qui expliquent les lois de l’évolution et de l’hérédité. Aujourd’hui, la science commence à prolonger sa compréhension avec la génétique comportementale et l’épigénétique.

Les lois de la sélection naturelle d’adaptations aux changements s’appliquent sur une période d’au moins quelques dizaines de générations ou plus pour produire des évolutions. Ces lois sont partiellement inhibées dans un contexte d’adaptation artificielle aux changements.

L’adaptation artificielle aux changements est quasi exclusive à l’espèce humaine dans le règne du vivant parce que l’espèce humaine s’est adaptée naturellement aux changements et à ses environnements pour évoluer et développer un cerveau complexe doté d’intelligence.

L’humain possède donc la capacité de concevoir des outils ou des moyens techniques et technologiques artificiels pour s’adapter aux environnements et aux variations environnementales. Ces adaptations ont permis à l’espèce de coloniser de nombreux environnements de la planète, mais aussi d’explorer les fonds marins et la surface de la lune, des environnements dans lesquels l’humain n’est pas naturellement adapté pour survivre.

La capacité artificielle d’adaptation aux changements de l’espèce humaine dépend donc directement de sa capacité à développer et utiliser son intelligence pour innover.

Mais la capacité d’innovation de la civilisation diffère largement de la capacité d’innovation de l’individu. En effet, les individus sont subordonnés aux règles et lois de conventions établies par le système social. Ce qui impose des limites multiples à la capacité d’innovation des individus dans le contexte de la civilisation. Par exemple, le système économique monétaire impose des limites de budget pour la réalisation des innovations.

La capacité artificielle d’adaptation de l’espèce humaine est donc directement liée à sa capacité d’innovation. L’expérience est nécessaire pour le développement de la capacité d’innovation. L’expérience s’acquiert avec le temps et grâce aux institutions d’enseignement mises en place par le système d’éducation.

Mais la capacité d’acquisition de connaissances des l’individus est elle aussi subordonnée aux règles et lois de conventions établies par le système social. Elle dépend aussi du profil culturel, de la modulation de cette culture par le système social, par l’éducation reçue et par l’éducation accessible et délivrée à l’individu. Ce qui impose également des limites multiples à la capacité d’innovation des individus dans le contexte de la civilisation. Par exemple, le système économique monétaire impose des limites de budget pour l’accès à l’éducation.

Pour qu’une société complexe puisse survivre et évoluer dans un environnement variable et en mutation, il est primordial d’instaurer un système d’acquisition d’expériences et de connaissances efficace, rapide et équilibré afin de garantir la capacité d’innovation le plus tôt possible chez les individus et de manière la plus répandue possible dans la population afin d’accroître le potentiel d’innovation de la civilisation.

Lorsqu’une société ne fait aucun effort pour architecturer son système social et d’éducation en ce sens, elle limite la disponibilité de l’expérience aux individus les plus aptes, les plus âgés et à ceux ayant pu bénéficier d’un parcours d’acquisition de connaissances inhabituel ou accéléré. La rareté statistique de ces individus limitera d’autant la capacité d’innovation des sociétés et de la civilisation.

Face à des changements environnementaux brusques et irréguliers comme les changements climatiques, ces sociétés ne disposeront pas d’une capacité d’adaptation artificielle suffisante pour innover techniquement et technologiquement de manière adéquate pour survivre face aux changements. Elles ne disposent même pas de cette capacité pour limiter ses impacts sur les changements environnementaux. En d’autres termes, le seul fait de vivre dans son environnement la met à risque de ne pas pouvoir y survivre.

Cette situation est également reconnue et documentée en terme d’évolution et de sélection naturelle : une population ne peut pas se développer au-delà de la capacité de son environnement à la supporter. Lorsque les impacts de la population sur l’environnement dépassent la capacité de cet environnement à supporter les besoins pour la survie de l’espèce, la population doit s’adapter ou décliner et éventuellement s’éteindre.

La capacité d’adaptation par sélection naturelle dépend de la vitesse des changements environnementaux. Dans le cas de la civilisation humaine, elle dépend en plus de la capacité artificielle d’adaptation liée à la capacité d’innovation. La capacité artificielle d’adaptation inhibe partiellement la capacité naturelle d’adaptation. La capacité naturelle d’adaptation de l’humain est, en quelques sortes, ralenties par sa capacité artificielle.

Dans un contexte de changements environnementaux brusques et irréguliers sur moins de cinq générations, comme les changements climatiques, l’espèce humaine aura donc une capacité d’adaptation extrêmement limitée, voir nettement insuffisante pour assurer la survie de l’espèce.

La mauvaise conception d’un système social incluant le système d’éducation représente donc un risque important pour la survie d’une population lorsque sa capacité d’adaptation artificielle ne permet pas d’innover suffisamment pour produire des mécanismes techniques et technologiques pour compenser l’impossibilité d’une adaptation naturelle.

De plus, le potentiel naturel et artificiel d’adaptation se nuisent l’un l’autre et sont tout deux limités par les lois immuables et intransgressibles de la nature, de la physique et de la chimie.

Il semble donc évident que la richesse d’une civilisation ne réside pas dans l’argent acquis par la dilapidation accélérée des ressources qui dégradent l’environnement en diminuant sa capacité à supporter la survie de l’espèce.

La richesse d’une civilisation réside dans sa capacité à innover pour améliorer la situation collective de la civilisation, de la société et de l’espèce. La richesse ne s’acquiert donc pas par l’argent, elle s’acquiert par la connaissance et par l’expérience qui permet de réfléchir et d’agir pour innover.

Après la mort, des individus, la transmission en héritage de la richesse de connaissances pour la pérennité ne peut se faire avec de l’argent. Elle se fera par les outils de documentation et d’enseignement de la connaissance.

Alors, faut-il accélérer le développement économique ou le développement de l’individu?

Voulez-vous vivre dans l’anthropocène? | Agence Science-Presse

Les pressions néfastes de l’économie monétaire

Le système économique monétaire exerce plusieurs pressions néfastes sur la civilisation et l’espèce humaine.

La première pression s’exerce sur l’environnement biophysique par la surexploitation des ressources naturelles. Le développement économique engendre l’accélération de la dégradation de l’environnement biophysique et de sa capacité à soutenir la vie, proportionnellement à la croissance économique.

La seconde pression s’exerce sur l’environnement social par l’accroissement des écarts et la dégradation de l’environnement humain. Le développement économique engendre l’accélération des inégalités sociales (1) et l’augmentation de l’instabilité sociale proportionnellement à la croissance économique.

La troisième pression, par extension des deux premières, s’exerce sur l’individu, provoquant des contraintes fiscales et budgétaires limitant considérablement sa capacité d’accéder à l’éducation, de développer son potentiel et limitant son pouvoir d’innovation pour résoudre les problèmes de la civilisation.

Ces trois pressions démontrent clairement que le système économique monétaire capitaliste n’est définitivement pas au service de l’espèce humaine. Peut-être l’économie monétaire est-elle au service de la civilisation, mais est-elle réellement bénéfique?

L’accroissement constant, sinon accéléré, des dommages considérables engendrés par la croissance économique est un des symptômes les plus probants que ce n’est pas le cas. En fait, une économie monétaire crée beaucoup plus de dommages et de déséquilibres que de bienfaits et de développements pour l’espèce.

Combien de temps l’espèce humaine sera-t-elle encore en mesure de s’adapter pour survivre dans un environnement biophysique en dégradation accélérée?

Combien de temps encore l’environnement social sera-t-il en mesure de s’adapter pour subir les déséquilibres sociaux croissants qui mettent en péril la stabilité sociale de la civilisation?

Combien de temps encore le système social sera-t-il en mesure de maintenir son équilibre instable pour faire subir et accepter les pressions que le système économique monétaire exerce sur les individus?

Combien de temps encore le système économique pourra continuer de croître tout en augmentant la pression qu’il exerce pour être au service du développement de la civilisation en mettant en sérieux péril la survie de l’espèce humaine?

Il devient urgent de mesurer les effets des pressions de la croissance économique monétaire sur l’environnement biophysique, humain et social afin d’estimer les points de rupture des équilibres. Il faudrait commencer à le faire maintenant, avant que les ruptures ne se produisent. Lorsque certaines ruptures se produiront, il sera trop tard.

Les ruptures dans l’environnement social pourront être réparées avec la volonté et l’intelligence humaine, mais certainement pas avec l’absence de volonté politique et décisionnelle. Les ruptures dans l’environnement humain se résorberont avec le temps, car l’espèce humaine s’adaptera dans une certaine mesure. Mais les ruptures dans l’environnement biophysique exigeront des siècles, voir des millénaires à se résorber pour revenir à un certain équilibre naturel qui ne sera jamais celui que nous avons connu. Cette période prolongée représente un risque considérable pour la capacité de réparation des ruptures sociales et humaines.

Déjà, de nombreux symptômes inquiétants se manifestent comme l’absence de reprise économique malgré la pression accrue pour tenter de l’accélérer en instaurant l’austérité. L’instabilité sociale est également en croissance. Partout dans le monde la société exprime de plus en plus fréquemment et fortement, par divers moyens, son insatisfaction croissante et sa révolte envers le système social alimenté par l’économie monétaire appuyée sur une industrialisation galopante. Toute la planète est sous la menace des changements climatiques, mais l’accélération du développement économique accroît directement cette menace en augmentant ses causes par l’industrialisation, principal outil du développement économique monétaire.

Les exemples de civilisations disparues ou effondrées parce qu’elles avaient appuyé leur économie sur une richesse monétaire ou matérielle foisonnent dans l’histoire de l’humanité. L’accroissement de la dette publique et les récentes crises économiques sont autant de failles qui affaiblissent le modèle et de symptômes qui démontrent son incapacité à répondre aux réels besoins de l’humanité.

L’économie monétaire, bien qu’elle ait pu permettre le développement de la civilisation, arrive à ses points de rupture. L’économie monétaire constitue désormais un frein au développement de l’humanité (2), frein d’autant plus puissant que le système continue d’appuyer sur l’accélérateur du développement économique monétaire.

La résistance naturelle qu’exerce la capacité d’adaptation de l’espèce humaine et de l’environnement biophysique s’oppose aux pressions exercées par la croissance économique monétaire. Les effets de cette résistance face aux pressions du développement économique monétaire sont des symptômes qui révèlent les points de rupture.

Il n’est pas raisonnable d’envisager poursuivre indéfiniment d’augmenter ces pressions indument en accélérant le développement économique monétaire en ignorant sciemment les impacts et les risques. Il serait plus sage d’analyser les causes des symptômes et de moderniser la base de l’économie afin de promouvoir le développement de l’humanité, plutôt que le développement d’une civilisation qui court à son effondrement en entrainant avec elle toute l’humanité.

Il est urgent, pour la civilisation humaine, de procéder à une modernisation réformatrice de son système social en modifiant la base de l’économie monétaire. Il devient urgent de remplacer la base monétaire de l’économie par une base humaine. Une économie artificielle basée sur l’argent ne pourra jamais assurer la pérennité d’une civilisation et encore moins la survie de l’espèce humaine. Une économie naturelle basée sur la valeur de l’apport individuel à la collectivité pourra le faire.

(1) https://irasd.wordpress.com/2014/10/23/les-inegalites-un-choix-de-societe-irec-institut-de-recherche-en-economi-e-contemporaine-quebec/

(2) https://irasd.wordpress.com/2014/10/24/le-systeme-social-impose-deux-limites-majeures-a-la-croissance-par-ses-defauts-de-conception/

Le système social impose deux limites majeures à la croissance par ses défauts de conception

Le système social de la civilisation humaine est conçu pour favoriser directement son propre développement et non le développement de l’espèce humaine.

Ainsi, le système social, de par ses défauts de conception, impose à l’humanité non pas une, mais bien deux limites majeures à la croissance de la civilisation et de l’espèce humaine. Ces deux limites sont imposées par le fait que le système est basé dans l’exploitation des ressources naturelles et humaines. Le principal objectif de cette orientation du modèle est de favoriser principalement le développement économique monétaire. Ce modèle favorise donc la croissance du système lui-même et non la croissance du développement de l’individu et de l’espèce.

La limite imposée par les ressources naturelles produit une pression très forte et extrêmement dommageable sur l’environnement biophysique qui soutient la vie et met à risque la pérennité de la civilisation qui risque l’effondrement avec l’épuisement des ressources et l’extinction de l’espèce humaine avec la disparition de la biodiversité et la dégradation de l’environnement.

Ce système impose également une pression sur le développement individuel en le limitant considérablement par ces contraintes économiques monétaires, jugulant l’accès à la connaissance, par ses possibilités de développement de « carrières » très contraignantes, bornant les choix possibles de développement dans un contexte de survie économique monétaire et indirectement par ses défauts de conception intrinsèques qui déforment la culture et dénaturent le comportement humain.

Depuis le début de l’ère industrielle, la civilisation a réussi à se soustraire légèrement des variations environnementales biophysiques en inhibant partiellement la sélection naturelle qui permet l’évolution de l’espèce humaine. La dénaturalisation de l’espèce humaine a également contribué à ce phénomène. Mais cette situation est en train d’atteindre les limites de croissance que l’environnement biophysique et l’environnement humain peuvent supporter. L’observation de la perte de biodiversité et de la dégradation de la qualité des écosystèmes de l’environnement biophysique en sont des preuves.

Il est totalement illogique, déplacé et fortement risqué d’avoir instauré un système qui favorise sa propre croissance. Il faudrait plutôt concevoir le système social sur la base du développement des capacités individuelles naturelles pour assurer la croissance de la civilisation et la survie de l’humanité. L’homme est doté d’une forme d’intelligence très avancée. Il est déplorable et dommageable qu’il l’utilise pour faire croitre son système au lieu de son espèce!

Le risque principal que la civilisation humaine est en train de subir est la perte totale de contrôle du développement de son système. Paradoxalement, ce développement a limité le développement de l’espèce humaine qui se retrouve globalement démunie de solutions et de capacité d’innovation face aux dommages provoqués par le système sur l’environnement biophysique et sur l’environnement humain.

Un système social basé essentiellement sur le développement individuel avec une économie de l’innovation comme étalon de valeur de l’apport à la collectivité assurerait une croissance infinie de la civilisation et de l’humanité tout en résolvant la majorité des problèmes qui mettent actuellement à risque sa pérennité et sa survie. La seule vraie valeur d’une espèce vivante est la valeur des individus qui la compose. Il sera toujours possible d’innover plus et mieux avec un minimum de ressources.

L’entêtement humain issu de l’incompréhension de ce modèle et la résistance au changement issue de la déformation culturelle provoquée par le modèle du système social actuel risquent d’empêcher la civilisation de procéder aux changements radicaux et inévitables des fondations du système social. Ce risque correspond au risque d’effondrement de la civilisation et de la survie de l’humanité.

La croissance économique monétaire est le pire fléau de l’humanité.

La croissance individuelle est la seule solution pour stimuler l’innovation afin de résoudre les obstacles auxquels fait face notre civilisation.

Il est temps de songer à une économie non monétaire, une économie de l’innovation dans laquelle l’homme avec ses capacités devient sa propre valeur économique…

https://irasd.wordpress.com/2014/10/04/toute-resistance-au-changement-est-futile-la-reforme-sociale-est-inevitable/

https://irasd.wordpress.com/dossiers/analyse-et-historique-du-modele-economique-monetaire-capitaliste/

https://irasd.wordpress.com/dossiers/larchitecture-sociale/

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http://mrmondialisation.org/limits-to-growth-was-right-new-research-shows-we-re-nearing-collapse/

Le Club de Rome avait raison, nous serions proche d’un crash planétaire.

Selon The Guardian, 40 ans après la publication du livre Limit to Growth, les conclusions du Club de Rome se voient confirmées par des chercheurs Australiens.

En 1972, le Club de Rome révélait au monde les limites d’un système construit sur l’idéologie d’une Croissance infinie dans son rapport Halte à la Croissance. Ce document prédisait l’effondrement de la civilisation au courant du siècle prochain, si aucun changement de civilisation n’intervenait. Une étude qui fut réfutée et vivement critiquée par les économistes classiques pour qui la Croissance est virtuellement infinie en raison du progrès et d’un effet de substitution. Cette étude fut considérée par le monde académique comme un déchet de l’histoire.

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Alors que nos vraies poubelles semblent s’accumuler sur terre, l’Université de Melbourne remet au gout du jour l’étude en démontrant sa validité à la vue des données d’aujourd’hui. En 1972, le Club de Rome ne pouvait réaliser que des projections de très long terme, ce qui rendait difficilement valides leurs conclusions. 40 ans après, à la vue de la situation planétaire, il est désormais possible de confirmer, en partie, ces projections.

Rappelons que les travaux du Club de Rome sont le fruit des efforts des chercheurs de ​​l’Institut de Technologie du Massachusetts. Creux-ci ont développé un modèle informatique qui analyse l’économie et de l’environnement dans le monde à travers le temps. Appelé World3, le programme tirait toujours les mêmes conclusions : nous allons droit à la catastrophe si nous ne changeons pas de modèle. L’inconnue statistique résiderait donc dans le « timing », non pas dans l’évènement lui même, décrit comme inévitable.

Industrialisation, démographie, nourriture, ressources et pollution, l’ensemble des données matérielles planétaires furent modélisées pour créer une gamme de scénarios jusqu’en 2100. En fonction des précautions prises par l’humanité en matière d’environnement, le crash du système peut se produire à différentes périodes de l’histoire. Dans le cas d’un « business-as-usual », la ligne rouge vers l’effondrement serait franchie avant 2070.

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Le postulat du livre reste cependant critiqué. Selon l’étude, la terre est « finie », elle serait donc limitée physiquement. La quête de croissance illimitée en production de biens et services ne peut donc conduire qu’à un « accident ». Les contradicteurs de cette théorie estiment que le progrès repoussera toutes les limites et qu’il n’y a aucune anticipation à tirer d’un éventuel manque. La conquête de l’espace, la nanotechnologie, l’industrie du futur, l’homme aurait la capacité de résorber dans le temps les limites du système qu’il a créé. Mais à la vue des catastrophes écologiques qui s’accumulent, qui devons-nous croire ? Où se situe le dogmatisme ?

Pour démontrer cette réalité, il fut donc question de comparer les projections du Club de Rome en fonction des données contemporaines. Pour se faire, le Dr Graham Turner a recueilli toutes les données disponibles à l’ONU. Il également confirmé ces informations à travers des institutions comme l‘US National Oceanic and Atmospheric Administration, la BP Statistical Review, et d’autres institutions officielles.

Ces données furent analysées de la même manière et comme les chercheurs du MIT l’ont expliqué en 1972, le scénario « catastrophe » proposé est bien une réalité. Les ressources sont utilisées à un rythme de plus en plus rapide, la pollution augmente, la production industrielle et alimentaire par habitant est en hausse croissante. De plus, la population augmente rapidement et les pays émergents adoptent le mode de vie occidental. Une « Mégamachine » planétaire est en marche et rien ne semble pouvoir l’arrêter. Jusqu’ici, c’est le Club de Rome qui semble avoir raison. Mais ensuite ?

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Pour nourrir la croissance industrielle, il faut de plus en plus de ressources. L’effet de substitution du progrès technologique, pourtant bien réel, ne suffit pas à combler la demande croissante dans la plupart des domaines du secteur primaire. Les ressources deviennent donc graduellement rares et couteuses. L’augmentation du prix des ressources (dont l’énergie) fait diminuer la production par habitant. Ce scénario d’une baisse de la production par tête est attendu vers 2015 selon l’étude. Par conséquent, l’apport en nourriture industrielle chuterait inévitablement, ce qui conduirait à un rationnement alimentaire forcé par le marché pouvant entrainer une mortalité en hausse vers 2020. Notons qu’à ce point, la notion d’indépendance locale alimentaire pourrait jouer un sens majeur en terme de survie. Toujours selon le Club de Rome, la population mondiale commencerait doucement à se stabiliser, puis à chuter vers 2030. La régulation « naturelle » se ferait donc au détriment de vies humaines, ce qui ne semble pas alarmer les autorités actuelles.

Notons également que le rapport de 1972, même s’il met en garde contre l’effet climatologique, pouvait difficilement anticiper les mécanismes liés aux émissions de dioxyde de carbone. Même à ce jour, il reste difficile de prédire clairement l’impact Humain et écologique du changement climatique. On peut cependant affirmer qu’il sera clairement en défaveur de l’humanité.

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L‘Université de Melbourne n’a pas démontré un début d’effondrement pour 2010 (bien que la croissance soit déjà bloquée dans certaines régions). Mais dans « Halte à la Croissance », ces effets ne seraient vraiment visibles qu’entre 2015 et 2030, pas avant. Il reste donc délicat d’émettre des certitudes tant l’humanité a ce pouvoir de changer sa réalité en temps de crise. Toujours est-il qu’un obstacle se présente au Monde dans son ensemble et que nous ignorons quand nous devrons le sauter. Serons nous capables de sauter assez haut et avec le recul nécessaire ? Un choc pétrolier ou une crise financière d’ampleur pourraient constituer des catalyseurs d’un effondrement rapide, selon les chercheurs. D’autres penseurs Décroissants voient la fin de la Croissance par pallier, comme une cascade à différents niveaux. Dans ce dernier cas, la transition serait beaucoup plus sereine car les chocs successifs nous obligeraient à changer concrètement et rapidement.

En dehors de la prise de conscience globale des limites de la Croissance, un véritable leadership environnemental mondial pourrait considérablement affecter cette trajectoire. Ce que nous enseigne cette étude, c’est qu’il serait fou d’attendre les signes d’un crash, car il sera déjà trop tard. Toute la sagesse de l’Homme, et ce dans bien d’autres domaines, est sa capacité d’anticiper des évènements. Si cet « après Croissance » doit également être la naissance d’un autre monde, posons-nous la question… doit-on attendre les premières contractions pour préparer la venue d’un enfant ?

Quel que-soit le scénario envisagé, il faut sonner l’alarme maintenant. Ne plus attendre pour envisager une transition locale, ne serait-ce que par précaution. Que ce soit à travers les nouvelles technologies, le développement local, l’indépendance énergétique, l’objection de croissance, la simplicité volontaire, toutes les initiatives positives seront à prendre en considération. Il est désormais clair que la quête d’une Croissance infinie ne peut se perpétuer jusqu’en 2100 sans provoquer de graves effets négatifs sur l’Humanité. Mais il est tout aussi clair que le virage « post-croissance » doit se faire dans une collaboration globale et locale si la paix veut être préservée.

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(illustration : Alain Maes)

Les inégalités, un choix de société? | IREC | Institut de recherche en économi e contemporaine | Québec

http://www.irec.net/index.jsp?p=35&f=1396

Les inégalités, un choix de société?

La Revue vie économique vient de mettre en ligne son plus récent numéro sur le thème « Les inégalités, un choix de société? » préparé en collaboration avec Nicolas Zorn et Pierre Avignon. Dans ce numéro, un groupe diversifié de collaborateurs analysent les enjeux liés à la croissance des inégalités au Québec de manière à mieux comprendre la situation à laquelle les populations sont confrontées et proposent des politiques ou des mesures qui permettraient de réduire, voire d’éliminer ces inégalités. Des différentes inégalités qui sont générées dans notre système d’éducation jusqu’aux inégalités sociales de santé, en passant par les mesures globales mises en place par l’État, sous la pression de la société civile, les auteurs invités étaient appelés à faire le point sur cet enjeu fondamental de nos sociétés démocratiques.

Le constat est clair et de moins en moins contesté : le modèle économique actuel favorise l’augmentation des inégalités, en plus d’aggraver la situation économique de la classe moyenne et des moins favorisées. Pourtant des pays comme le Canada, l’Allemagne et la Suède ont le même PIB par habitant, mais des taux d’inégalités, de pauvreté et de concentration de richesse complètement différents. Les sociétés prennent des voies différentes et priorisent certaines valeurs au détriment d’autres, moins fondamentales. En fait, ce sont des choix de société.

Ce volume 6, numéro 1 de la Revue vie économique est le fruit d’une collaboration entre la Revue et l’Institut du Nouveau Monde. Exceptionnellement, ce numéro a été édité en format papier pour les participants au Rendez-vous national sur les inégalités les 24 et 25 octobre 2014, grâce au soutien financier de la Fédération des enseignantes et enseignants de CÉGEP (FEC – CSQ).

Marketing social et résistances aux changements

Le marketing social (http://fr.wikipedia.org/wiki/Marketing_social) recourt aux principes et aux techniques du marketing dans le but d’amener un public cible à accepter, rejeter, modifier ou délaisser volontairement un comportement dans son intérêt, dans l’intérêt d’un groupe ou dans l’intérêt de l’ensemble de la société.

L’IRASD considère l’étude du marketing social comme un outil potentiellement intéressant afin de favoriser une transition vers un modèle de société durable pour assurer la pérennité de la civilisation et la survie de l’espèce humaine.

L’IRASD est à la recherche d’études sur les facteurs de résistance aux changements qui peuvent nuire ou inhiber des changements de comportements lors d’une campagne de marketing social. Si vous travaillez sur de telles études ou connaissez des références utiles, veuillez nous contacter à :

IRASD.SSARI@gmail.com

Le plus ancien ADN d’Homo sapiens | ICI.Radio-Canada.ca

http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/science/2014/10/22/001-adn-ancien-homo-sapiens-sequencage.shtml

Le plus ancien ADN d’Homo sapiens

Un crâne d'Homo sapiens conservé au Musée national d'histoire naturelle à Washington, aux États-UnisUn crâne d’Homo sapiens conservé au Musée national d’histoire naturelle à Washington, aux États-Unis Photo : AFP/Mandel Ngan

C’est une nouvelle pièce du casse-tête de la diversité génétique de l’espèce humaine : une équipe internationale a séquencé le génome d’un homme moderne qui vivait il y a 45 000 ans en Sibérie, le plus vieux génome d’Homo sapiens décodé à ce jour.

Menée par le paléogénéticien Svante Pääbo, pionnier de l’ADN ancien, cette étude permet de préciser la période où les Néandertaliens et les hommes modernes dont nous sommes la descendance se sont croisés.

Cette recherche, publiée dans la revue britannique Nature, fournit également de nouvelles informations sur l’histoire des débuts de l’homme moderne hors d’Afrique. Notre espèce est apparue en Afrique il y a environ 200 000 ans.

Le nom de Svante Pääbo a été cité ces deux dernières années parmi les possibles nobélisables, pour ses travaux sur l’ADN de l’homme de Néandertal.

Le paléogénéticien suédois, directeur du département d’anthropologie génétique de l’Institut Max Planck de Leipzig en Allemagne, a montré qu’une petite partie du génome de l’homme d’aujourd’hui provient des Néandertaliens, nos plus proches cousins apparus il y a environ 400 000 ans et qui se sont éteints il y a 30 000 ans.

Cette nouvelle recherche a été menée sur la partie médiane « relativement complète » d’un fémur gauche ayant appartenu à un individu de sexe masculin.

L’os a été découvert par hasard, en 2008, sur les rives de la rivière Irtych, près d’Ust’-Ishim, en Sibérie occidentale. La datation par le carbone 14 lui attribue 45 000 ans.

Au passage, les analyses ont permis d’apprendre qu’une part importante de son apport nutritionnel en protéines pouvait provenir d’aliments aquatiques, probablement des poissons d’eau douce.

Le séquençage du génome de l’individu d’Ust’-Ishim montre qu’il appartenait à une population proche des ancêtres des hommes d’aujourd’hui, non Africains.

Il comporte un pourcentage de gènes provenant de l’homme de Néandertal légèrement supérieur aux hommes d’aujourd’hui : environ 2,3% (contre 1,7% à 2,1% pour les populations actuelles d’Asie de l’est et 1,6% à 1,8% pour les Européens).

Mais son génome contient des segments d’ADN néandertaliens en moyenne trois fois plus longs que les génomes d’humains contemporains. Cela tendrait à montrer que la rencontre entre Néandertaliens et Homo sapiens remonterait seulement entre 232 et 430 générations avant l’existence de l’individu d’Ust’-Ishim.

Jusqu’ici, les scientifiques considéraient que le transfert génétique entre les hommes de Néandertal et l’homme moderne avait dû se produire entre 37 000 et 86 000 ans, probablement quand les premiers Homo sapiens ont quitté l’Afrique et rencontré les hommes de Néandertal au Proche-Orient, avant de se répandre en Eurasie.

Les nouvelles données génétiques fournies par l’individu d’Ust’-Ishim permettent de resserrer la fourchette, puisqu’elles montrent que le croisement s’était déjà produit il y a 45 000 ans.

D’après la longueur des segments d’ADN néandertaliens présents chez cet individu, il serait survenu entre 7000 et 13 000 ans avant sa naissance.

« Nous estimons que le croisement entre les ancêtres de l’individu d’Ust’-Ishim et les Néandertaliens s’est produit approximativement il y a entre 50 000 et 60 000 ans », ont indiqué les chercheurs. Cela correspond à peu près à la période majeure de l’expansion de l’homme moderne hors d’Afrique et du Proche-Orient.

Le laboratoire de Svante Pääbo, à l’Institut Max Planck de Leipzig, est réputé pour l’étude des ADN anciens, même fortement détériorés.

Le génome de l’homme moderne d’Ust’-Ishim est loin d’être le génome le plus ancien à être déchiffré. Il y a près d’un an, c’est le génome d’un être humain vieux de 400 000 ans, l’homme de Sima, qui a livré ses secrets, à partir d’un os découvert dans une grotte espagnole.

L’action humaine : traité d’économie…

Ce document de 2011, diffusé sur le site de l’Institut Coppet est ni plus ni moins qu’une petite bible de l’analyse de l’économie monétaire (http://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Action_humaine,_trait%C3%A9_d%27%C3%A9conomie).

Son auteur, Ludwig von Mises (1881-1973), est un économiste autrichien devenu américain. (http://fr.wikipedia.org/wiki/Ludwig_von_Mise). Mises est un auteur majeur de l’école autrichienne d’économie qui défend le capitalisme et le libéralisme classique.

Mises est alors convaincu que l’ignorance et les théories fausses sont la source de bien des malheurs que s’inflige l’humanité, que les pratiques monétaires inflationnistes des États, et les théories qui prétendent les justifier, conduisent à la catastrophe et que le socialisme, voire toutes les formes d’interventionnisme économique même atténuées, conduisent à la ruine de la civilisation. Il se donne alors pour tâche d’éradiquer toutes ces erreurs en exposant les phénomènes économiques dans leur globalité.

Son magnum opus, L’Action humaine est à la fois un ouvrage militant par sa défense passionnée d’une conception réaliste de la science économique et de la liberté individuelle, un ouvrage didactique qui s’adresse à tous et pas seulement aux économistes spécialisés, et néanmoins un ouvrage savant qui exige beaucoup du lecteur et pousse la réflexion jusqu’à ses lointaines conséquences.

Cet ouvrage monumental (près de mille pages) présente une conception originale de la discipline, avec des développements sur la plupart de ses problèmes fondamentaux. Il couvre une large gamme de sujets, depuis les fondations épistémologiques jusqu’aux problèmes éthiques, politiques et sociaux, en passant par une théorie de l’échange indirect, une théorie de la monnaie et du capital, une théorie du marché, une théorie des cycles économiques, et plus encore.

Plusieurs aspects couverts dans ce document recoupent la démarche d’architecture sociale de l’IRASD. Dont l’étape primordiale d’analyse des acteurs du système social et de leurs interactions avec la nature humaine, induisant des comportements nuisibles pour la pérennité de la civilisation et la survie de l’humanité.

Le système économique monétaire et son évolution capitaliste et néolibérale sont potentiellement la pire tare de l’humanité.

Un peu plus de 1000 pages qui valent leur pesant d’or afin de comprendre les problématiques considérables dans lesquelles la civilisation humaine s’est embourbée avec son système économique monétaire…

http://www.institutcoppet.org/wp-content/uploads/2011/01/Laction-humaine-Ludwig-von-Mises.pdf

Pour l’environnement, la résistance au changement est parfois irrationnelle

Nous reproduisons ici un excellent résumé de Stéphane La Branche (1) qui reprend les sujets abordés lors de la conférence donnée le 8 octobre 2014 à l’Université Laval de Québec. (2)

Cette analyse est très révélatrice pour les travaux d’architecture sociale de l’IRASD.

http://envirhonalp.obs.ujf-grenoble.fr/component/option,com_docman/task,doc_download/gid,305/

Pour l’environnement, la résistance au changement est parfois irrationnelle

Stéphane La Branche, politologue à l’Institut d’Études Politiques de Grenoble, spécialiste de la sociologie de l’environnement, rappelle que les représentations et comportements en matière d’environnement ne sont pas toujours liés aux connaissances scientifiques.

Stéphane La Branche s’intéresse particulièrement aux changements de comportement par rapport à l’environnement. « Depuis qu’on parle de développement durable, on demande aux gens de participer, de changer de valeur et de comportement » rappelle Stéphane La Branche. Le présupposé est le suivant : informé, le public agira différemment. « Les recherches montrent que les comportements peuvent changer même si les gens ne savent pas et que le savoir n’entraine pas forcément des changements de comportements » souligne Stéphane La Branche.

Le poids de l’habitude

Or l’existence de freins au changement joue un rôle dans la durabilité de la croissance. Les obstacles sont économiques : pour délaisser le diesel et changer de voiture, il faut de l’argent, comme il faut de l’argent pour habiter un logement de haute qualité environnementale.

Les résistances sont aussi sociologiques et psychologiques. Parmi les obstacles, l’habitude, qui permet de vivre en associant des activités d’une manière routinière. Pour une partie importante de la population le changement est source de stress. Une minorité peut le vivre avec une certaine excitation.

Les comportements ne sont pas aisés à transformer en profondeur. Des études ont montré un effet rebond dans le comportement d’occupants de logements dont le chauffage avait été remis à neuf. La première année d’occupation, les occupants sont parvenus à une réduction de 30% de leur consommation énergétique. L’année suivante, avec les économies réalisée et pour augmenter leur confort, la consommation des habitants a augmenté de 10% par rapport à avant les travaux!

Pour les gaz de schistes et le caractère dangereux ou non de leur exploitation, des études sur les technologies réputées à risques, ont montré une part d’irrationalité face à des explications scientifiques. « Des études sur des conférences citoyennes consacrées aux OGM ont montré, qu’après des présentations scientifiques, les opposants et les partisans, ne changeaient que très peu de position. Le savoir permet de mieux argumenter, pas forcément de changer d’avis. La connaissance scientifique, les représentations et les valeurs ne se situent donc pas aux mêmes niveaux ».

 

Question :

Y a-t-il des études sociologiques sur les actionnaires, les dirigeants des grandes compagnies, les décideurs?

Réponse de Stéphane La Branche: davantage sur ces derniers que sur les premiers mais si l’on compare à la population générale, on s’est effectivement moins occupé de ceux qui prennent les décisions, en partie parce qu’ils ne veulent pas trop se dévoiler mais aussi parce qu’ils ont peu de temps à consacrer à des enquêtes, surtout les grands décideurs. On sait plus de choses sur les décideurs territoriaux et locaux.

 

Une étude climato-énergétique pourrait prendre la forme suivante:

  • Une évaluation d’impact environnemental de l’extraction et ensuite des émissions de GES issues de l’utilisation du Gaz accompagnée de …
  • …une étude SHS sur les oppositions: Qui et quels réseaux sociaux? Quels arguments, rationalités, valeurs, représentations? Perception et compréhension du risque?
  • Rapports entre les raisons des oppositions et science/technique ?
  • Quelles leçons tirer pour la décision?
  • Implications pour la pratique et la théorie de la gouvernance?

 

(1) http://www.pacte-grenoble.fr/blog/membres/labranche-stephane/http://webcom.upmf-grenoble.fr/edden/spip/spip.php?article188

(2) http://www.lefil.ulaval.ca/articles/energie-societe-36374.html

La biodiversité des scientifiques | Agence Science-Presse

Raison pour laquelle l’IRASD souhaite former une équipe pluridisciplinaire…

http://www.sciencepresse.qc.ca/actualite/2014/10/15/biodiversite-scientifiques

La biodiversité des scientifiques

(Agence Science-Presse) Une femme placée à gauche affirme qu’une pomme est verte, alors qu’un homme debout à droite soutient qu’elle est rouge. Il faudra que les deux se réunissent pour arriver à la bonne conclusion: le fruit est moitié rouge et moitié vert. Que les scientifiques observent une pomme, une tumeur ou une forêt, avoir différents points de vue est essentiel.

© Andriy Petrenko | Dreamstime.com Cliquer sur la photo pour agrandir

La revue Scientific American a récemment consacré un dossier aux bienfaits de la diversité des cultures. Travailler avec des gens différents permet d’abord d’avoir accès à plusieurs points de vues et plus d’informations, mais nous pousse aussi à travailler plus fort.

Un impact tangible sur la science? Selon une étude de chercheurs de Harvard, de 1985 à 2008, les publications produites par plusieurs laboratoires, universités ou pays, sont celles qui ont eu un facteur d’impact plus élevé.

L’IRASD forme son équipe

L’IRASD forme son équipe constituée de deux catégories : des chercheurs et des collaborateurs et lance l’invitation aux intervenants intéressés à s’impliquer ou collaborer.

https://irasd.wordpress.com/equipe/

L’IRASD est constituée d’une équipe de collaborateurs et de chercheurs œuvrant dans divers domaines. Leurs intérêts gravitent autour d’une volonté de compréhension des problématiques sociales et humaines dans l’unique objectif de participer à l’élaboration de solutions durables en architecture sociale favorisant des interactions humaines qui induiront des comportements positifs et constructifs afin d’assurer la pérennité de la civilisation et la survie équitable et égalitaire de l’humanité.

Les collaborateurs et chercheurs de l’IRASD travaillent tous sur une base volontaire, non rémunérée dans l’objectif de faire avancer les projets de recherche afin d’atteindre les objectifs de la mission de l’institut.

Les chercheurs sont spécialisés dans des domaines d’étude et participent activement en produisant de la documentation. Les chercheurs sont responsables de réaliser des travaux d’observation et de recherche ou de compilation dans divers domaines dans le but de collaborer aux publications de dossiers ou d’analyses sur le site de l’IRASD. Les dossiers et analyses serviront d’intrants afin de produire une publication principale sous forme d’un livre collectif.

Les collaborateurs sont des contacts spécialisés ou généralistes agissant à titre de consultants occasionnels sur demande de chercheurs pour valider ou supporter par leurs connaissances et expériences certains sujets ou aspects spécifiques du plan de recherche. Il peuvent également participer volontairement à divers aspects organisationnels, opérationnels ou logistique des activités de l’IRASD.

Pour nous contacter : IRASD.SSARI@gmail.com

Stéphane BrousseauDirecteur de recherche
B.Sc. Géologie
Analyste et architecte en technologies de l’information et des communications
Chercheur en architecture sociale durable

Lectures : De l’argent, la ruine de la politique – Michel Surya

D’autres mondes étaient possibles. D’autres rêves existaient. Des années de lutte en témoignent. Une volonté chez certains de toute une vie. Pour rien à la fin, sinon cette forme d’horreur sans borne de l’acquiescement de tous à tout ce qui est. Il a suffi à l’argent de convaincre que la consommation établirait l’égalité pour que nul ne puisse plus prétendre que l’égalité s’établirait contre la consommation. Entre toutes les victoires qu’on pouvait craindre, celle-ci est sans doute la plus lourde de conséquences. L’argent a permis que l’emporte toute politique qui se réclamait de lui. Argent et politique ne peuvent plus être distingués.

Les politiciens et les gouvernements sont-ils aussi publics qu’ils le laissent croire?

L’observation des processus de financement des partis politiques et les soupçons d’appuis financiers secrets aux candidats par le privé nous poussent à poser l’hypothèse que les gouvernements soient subtilement achetés par les industries en connivence stratégique avec les politiciens souhaitant accéder au pouvoir ou placent leurs pions sur l’échiquier politique en leur faveur. Il est clair que ce n’est pas n’importe quel citoyen bien intentionné qui possède la richesse de payer pour devenir candidat aux élections ou chef en contribuant à la caisse du parti…

La commission Charbonneau sur l’industrie de la construction au Québec nous révèle, depuis plus d’un an, un petit bout de la pointe de l’iceberg qui s’étend, fort vraisemblablement, à toutes les industries et à tous les niveaux de gouvernements.

Le modèle observé se résume ainsi : les industries financent des politiciens et des partis politiques avec des dons déclarés ou anonymes pour favoriser leur élection. En échange de leur accession au pouvoir, les politiciens promettent la mise en place de facilitateurs politiques et économiques favorisant les entreprises en maquillant ces incitatifs dans leurs programmes de développement économique sous forme de promesses de création d’emplois qu’aucun politicien ne peut tenir sans renégocier avec l’industrie qui possède désormais le gros bout du bâton.

Non seulement les entreprises agissent à leur gré avec des promesses de développement économique sous forme de redevances ou de revenus d’emploi pour les gouvernements, mais les politiciens qui possèdent des actions dans les entreprises de l’industrie ne sont pas rares. Sinon, des ententes secrètes sont négociées entre les industries et les politiciens. Nous sommes donc, en apparence, face à des situations de conflits d’intérêts multiples qui sont concrétisées par l’exploitation de fines failles d’interprétation dans des subtilités législatives et juridiques.

La gravité de la déformation culturelle politique est telle que les gouvernements ne s’en cachent même plus! Il est devenu symptomatique de la culture politique de mentir et de cacher les vérités, qu’on les possède ou non… Cette culture politique est au cœur des stratégies électorales qui permet de maquiller la mission gouvernementale de demi-vérités politiques dans l’unique but d’appuyer des développements économiques. (1)

Cette situation semble être la conséquence de plusieurs mauvaises décisions politiques dans l’histoire du système social, dont la légalisation du financement électoral, du lobbying et la privatisation des banques…

La situation des gouvernements face au corporatisme et au développement économique est devenue si préoccupante que sa mission première, qui est de gérer la société et de voir au bien des citoyens, a été réduite au point que les citoyens ne soient plus que de vulgaires revenus et des nuisances politiques dans la réalisation des projets corporatifs de développement économique. Ainsi est née la notion d’acceptabilité sociale ou comment transformer le citoyen en obstacle qu’il faut convaincre à tout prix!

Au-delà de l’acceptabilité sociale qui exerce une pression d’opposition idéologique sur les citoyens qui revendiquent leurs droits sociaux, les gouvernements en sont arrivés à user d’une autre stratégie politique : l’austérité ou comment couper dans les services publics pour financer les industries!

À partir d’ici, il faut prendre le temps d’analyser la vue d’ensemble de la situation observée que nous venons de décrire et se questionner sur les raisons qui poussent les industries, autant que les politiciens, de connivence pour utiliser les gouvernements comme leviers de développement économique. Serait-ce parce que l’élastique du système économique est étiré jusqu’à son point de rupture?

Pendant combien de temps encore et avec quelles stratégies politiques allons-nous accepter que nos politiciens et nos industries trichent nos sociétés en luttant contre les exigences sociales, en coupant dans les services et en favorisant un système économique non viable? Pourquoi devrions-nous accepter l’augmentation constante et accélérée de la pression fiscale qui accentue les écarts entre les riches et les pauvres alors que notre civilisation possède l’expertise et les moyens d’éliminer les injustices et les inégalités?

La cause des causes ne serait-elle pas justement le système économique lui-même?

Les gouvernements ne sont plus purement des organismes publics, ils sont financés par le privé. Les politiciens ont perdu le peu d’éthique morale, de neutralité et d’objectivité qu’ils auraient pu avoir. Nos exigences sociales n’ont plus de poids dans la balance de leurs décisions corporatives. Seul le développement économique compte à leurs yeux, parce qu’ils sont prisonniers du système économique monétaire capitaliste qu’ils ont laissé dériver en le privatisant. Et ils font tout pour que ce développement économique soit durable, même de faire du développement qu’il est impossible d’assujettir aux règles du développement durable!!!

Les gouvernements ont perdu le contrôle de leur mission. Ils ont perdu le contrôle de leur gouvernance. Ils ont perdu le contrôle du système économique. Ils ont perdu le contrôle de leurs dettes. Ils ont perdu le contrôle des industries. Et ils sont en train de perdre le contrôle des citoyens après avoir perdu leur confiance depuis longtemps…

Comme le disait David Suzuki lors d’une entrevue à l’émission Second Regard de Radio-Canada : « L’activisme environnemental a échoué. » Il a échoué à endiguer les dérapages magistraux des décisions politiques en faveur de l’industrie et au détriment des citoyens et de l’environnement.

Mais l’activisme a toutefois réussi une chose : accroître la portée de la prise de conscience citoyenne tout en accentuant l’engagement social collectif. Ainsi, l’expression des exigences sociales prend la forme d’instabilités qui sont en réalité autant de catalyseurs potentiels favorables à la mise en place d’une démocratie citoyenne. Mais le chemin qu’il reste à parcourir est encore long et semé d’embûches.

La résistance aux changements en est une de taille pour laquelle il faudra induire des changements culturels profonds chez les citoyens qui devront s’impliquer activement dans une démocratie. Parce que la démocratie, c’est le peuple qui gouverne et non un gouvernement représentatif qui fait croire au peuple que son gouvernement est démocratique…

L’autre embûche de taille qu’il faudra surmonter est l’économie monétaire capitaliste dont nous avons perdu le contrôle. Il faudra le reprendre des banques privées et le gouverner démocratiquement collectivement. Plus encore, il faudra songer à « démonétiser » l’économie afin d’éradiquer les inégalités, les injustices, la collusion, la corruption, la criminalité, les conflits, les guerres, la surexploitation des ressources limitées dans une économie en croissance infinie et ses effets néfastes sur les changements climatiques qui mettent en péril la pérennité de la civilisation et la survie de l’espèce humaine.

Voilà ce que sont les vraies affaires sur lesquelles se penche l’IRASD pour observer les comportements dans l’environnement social et analyser les interactions avec la nature humaine qui induisent des comportements nuisibles à la pérennité de la civilisation et à la survie de l’espèce humaine.

La situation mondiale catastrophique dans laquelle s’est placée l’humanité avec sa civilisation et l’accélération du développement depuis le début de l’ère industrielle vers 1780 n’ont fait qu’accroître la gravité des impacts de l’homme sur son environnement biophysique. (2)

Il est temps de travailler sur les vraies affaires, sur la cause du cancer qui ronge notre civilisation et l’humanité qui la supporte. La chimiothérapie et les inhibiteurs de symptômes n’ont plus aucun effet sur le développement du système social. L’humanité a perdu le contrôle de son développement. Et pour le retrouver, il faut analyser l’ADN de l’environnement social et humain afin d’identifier les gènes constitutifs qui induisent cette perte de contrôle du développement de notre civilisation. Il est inutile de perdre son temps avec des idéologies, de la partisanerie ou de solutions partielles inefficaces.  Il faut faire de l’architecture sociale pour tout reconstruire. (3)

Ne pas le faire maintenant, c’est la mort assurée dans un futur qui s’approche aussi vite de demain, alors que nous perdrons le contrôle du climat de la seule planète habitable de l’univers que nous connaissons. Celle qui nous a donné la vie et qui l’entretient depuis des millions d’années…

(1) On se souviendra du dossier d’approbation des travaux de TransCanada pour la construction d’un port pétrolier à Cacouna, en plein parc marin, visant à protéger des espèces en péril pour lesquelles des citoyens et groupes environnementaux ont prouvé en justice l’absence totale d’études d’impacts scientifiques…

(2) https://irasd.wordpress.com/dossiers/analyse-et-historique-du-modele-economique-monetaire-capitaliste/

(3) https://irasd.wordpress.com/dossiers/larchitecture-sociale/

Changer les règles du jeu

Nous sommes de plus en plus nombreux à faire les mêmes constats indéniables concernant l’échec des systèmes politiques représentatifs et économiques monétaires. Nos constats reflètent leur incapacité croissante à faire face aux défis de la civilisation humaine au point de remettre les modèles complètement en cause.

La collusion, la corruption, les inégalités sociales, les conflits armés, la surexploitation des ressources, l’augmentation des émissions de GES responsables des changements climatiques et la profusion de débats stériles prouvent tous que le modèle actuel mondial est un échec retentissant.

Malgré l’instabilité croissante qui peine à exprimer des exigences sociales tout en dénonçant cet échec, personne ne propose encore de solutions globales intégrant tous les aspects sociaux, pas même les nombreux auteurs qui en sont les témoins sous différents aspects.

La démocratie est une solution. Mais elle n’est pas viable tant que l’économie sera monétaire et capitaliste, les deux sont incompatibles! Et les deux s’appuient sur des lois basées sur des conventions qui peuvent être transgressées et qui sont extrêmement malléables.

Le livre de Mélanie Joly est encore un nouveau constat qui sera publié cette semaine. L’IRASD tentera d’en faire la lecture pour prendre connaissance de ce nouveau point de vue sur le constat d’échec. Un point de vue qui devrait fournir un regard entre la justice et la politique.

L’IRASD est toutefois convaincu qu’aucune nouvelle solution précipitée ne fonctionnera. Seule une analyse complète et intégrée de la situation basée sur des observations permet d’identifier les acteurs du système social qui interagissent avec la nature humaine pour induire des comportements indésirables et nuisibles à la civilisation et l’espèce humaine. L’architecture sociale d’un système doit se baser sur ce genre d’analyse intégrée afin de favoriser un modèle opérationnel intégré qui puisse réellement être structurant et durable pour l’humanité.

Le projet d’architecture sociale de l’IRASD doit pouvoir obtenir l’adoption élargie de spécialistes et de chercheurs afin d’aider à concevoir un modèle de système social durable qui puisse être en mesure d’assurer la pérennité de la civilisation et la survie de l’espèce humaine.

Il faut à tout prix éviter que des gens fassent n’importe quoi, n’importe comment, en s’imaginant sauver les États où le monde, comme l’humanité l’a fait depuis des milliers d’années sans aucun succès parce qu’elle n’a jamais pris le temps de faire une analyse d’introspection globale à l’échelle de l’humanité ni d’énoncer ses objectifs de civilisation.

Nous sommes à l’examen, ce n’est plus le temps de tricher…

Et ceux qui sont en train de le faire auront zéro!

Car les lois de la nature contre lesquelles s’oppose le système social sont immuables et intransgressibles…

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http://www.quebec-amerique.com/livres/collections/biographies-idees/essais/changer-les-regles-du-jeu-2120.html#epub

Changer les règles du jeu

MÉLANIE JOLY

Résumé

L’État est déconnecté, incapable de faire face aux défis notre époque, déplore Mélanie Joly. Elle lance du même souffle un cri du cœur : il faut de toute urgence réinventer la politique et l’administration publique en fonction des valeurs et des habitudes de vie d’aujourd’hui ainsi que des grands enjeux du XXIe siècle : les changements climatiques, la révolution numérique et la croissance des inégalités. Bref, il faut changer les règles du jeu, plaide Mélanie Joly dans cet essai qui pose les jalons de son engagement public.

Extrait

Le numérique est également un puissant outil d’émancipation en ce qu’il permet de dénoncer l’abus, l’injustice et la violence. Il permet de contredire (ou de valider) l’information transmise par les autorités. Il peut aussi accélérer la démobilisation des membres des forces de l’ordre en temps de conflit. Il permet d’envoyer des photos de tyrans en train de se faire assassiner, comme ce fut le cas pour Saddam Hussein, au monde entier, en quelques clics. Il s’agit là d’un rempart important contre la propagande ou encore, comme certains diront plutôt, un excellent moyen de l’alimenter.

ISBN
978-2-7644-2799-6
DATE DE PARUTION
2014-10-15

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Mélanie Joly
Auteure

Avocate diplômée de l’Université de Montréal et de l’Université d’Oxford, femme d’affaires et cofondatrice, au milieu des années 2000, de Génération d’idées, un groupe de réflexion politique à l’intention des 25-35 ans. Elle a causé la surprise en tant que candidate à la mairie de Montréal aux élections de novembre 2013, obtenant l’appui de plus de 123 000 électeurs.

Blog de Paul Jorion » Pourquoi le Grand Tournant est automatiquement un Grand Défi et pour quoi nous serons probablement absents de la Phase II – (retranscription)

L’état primitif actuel de l’humanité fait pitié à constater…

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http://www.pauljorion.com/blog/2014/09/30/pourquoi-le-grand-tournant-est-automatiquement-un-grand-defi-et-pourquoi-nous-serons-probablement-absents-de-la-phase-ii-retranscription/

Pourquoi le Grand Tournant est automatiquement un Grand Défi et pourquoi nous serons probablement absents de la Phase II – (retranscription)

Retranscription de Pourquoi le Grand Tournant est automatiquement un Grand Défi et pourquoi nous serons probablement absents de la Phase II. Merci à Olivier Brouwer.

Bonjour, nous sommes le mardi 30 septembre 2014. Et ce dont je voudrais vous parler, je vais lui donner le titre [suivant] : « Pourquoi le Grand Tournant est automatiquement un Grand Défi et pourquoi nous serons probablement absents de la Phase II ». Ce qui m’a fait penser à cela, ce sont deux articles qui sont à la une du journal Le Monde en ligne.

Le premier article, c’est un article consacré à une fermeture éventuelle de la centrale nucléaire de Fessenheim. Il y a un rapport de deux parlementaires affirmant qu’une fermeture serait trop chère, en particulier du fait qu’une compensation financière très importante devrait être consentie à EDF au cas où une fermeture aurait lieu.

Et la seconde nouvelle, c’est une nouvelle relative à la situation en Chine, où un dirigeant chinois important a déclaré, à propos des manifestations essentiellement d’étudiants à Hong-Kong, que leurs exigences en matière de démocratie, d’extension de la démocratie, faisaient d’eux des « extrémistes politiques ». Et je ne sais plus si c’est le même ou si c’est un autre [dirigeant chinois] qui a ajouté un commentaire du type : « de toute manière, on sait exactement qui vous êtes. » Voilà.

J’ai pris l’habitude d’appeler « le Grand Tournant » les mesures qu’il faudrait prendre assez rapidement pour que la survie de notre espèce, l’espèce humaine, puisse se poursuivre à la surface de la Terre. J’ai employé aussi l’expression de « Grand Défi » quand, à la suite de la lecture d’un article de François Roddier, j’avais tiré la conclusion que les lois de la physique sont contre nous, jouent contre nous en ce moment, dans ce tournant qu’il s’agirait de négocier. Pourquoi ? Parce qu’il est très clair que la complexité des systèmes que nous avons mis au point les a rendus extrêmement fragiles, en particulier dans le domaine financier, et que la solution que prend la nature dans des situations comme les nôtres, c’est de détruire le système pour créer des unités plus petites, constituées bien entendu aussi de populations moins nombreuses, dans notre cas. L’exemple donné par Roddier, c’est celui de la disparition des dinosaures et leur remplacement par des mammifères plus petits et plus opportunistes, qui peuvent s’adapter d’avantage aux circonstances. L’image, dans notre cas, ce serait la constitution de ces machines intelligentes, que nous avons entreprise depuis quelques années et qui est en train de faire des bonds qualitatifs prodigieux. Nous disparaîtrions et un certain nombre de machines pourraient continuer les tâches dans lesquelles nous sommes engagés, moins nombreuses, non soumises à la mort naturelle, pouvant continuer à se développer dans des environnements qui seraient devenus invivables pour nous. Voyez la sonde martienne, qui se débrouille très bien dans un environnement où nous serions incapables de survivre même quelques secondes.

Alors, ce qui est remarquable dans la situation qui est la nôtre – et c’est pourquoi je dis qu’il est plus probable que dans cette seconde phase, qui sera celle du remplacement pur et simple de notre espèce par la machine – pourquoi sa probabilité semble augmenter, c’est à cause de ces effets de cliquet que l’on voit apparaître, qui existent, dont nous savons par exemple que ce qui rend quasiment impossible des modifications du jeu à l’intérieur de la Communauté Européenne, ce sont les effets de cliquet qui ont été mis en place, et qui prennent de nombreuses formes. Par exemple, que pour prendre des bonnes mesures, des décisions unanimes doivent être [prises], alors que pour prendre de mauvaises mesures, des majorités relatives sont acceptables, permettent de prendre la décision. Que des mécanismes de ce type-là aient été mis en place, ce n’est certainement pas accidentel. C’est lié à cette idéologie ultralibérale – que j’appelle parfois, en ne mettant pas de gants, et pour que les choses soient plus claires, je l’appelle souvent « le fascisme en col blanc » pour qu’on ne s’y méprenne pas –, [qui] a introduit un certain nombre de cliquets de ce type, pour empêcher les retours en arrière. On en voit aussi dans ce traité Transatlantique que l’on est en train de mettre en place, où toutes les mesures qui permettent une privatisation des biens communs est favorisée et tout retour en arrière est interdit. Dans le cas de la fermeture de Fessenheim, le fait de devoir payer des sommes tout à fait considérables à un organisme pour pouvoir prendre la bonne décision – puisque bien entendu, une centrale nucléaire n’a pas une vie éternelle et que les plus anciennes sont associées à des mesures de sécurité qui ne répondent plus aux standards actuels – ces pénalités extraordinaires jouent là aussi un effet de cliquet, puisqu’on est dans une situation où [le fait de] prendre la bonne mesure est rendu très difficile par le fait qu’il faut dégager d’abord des sommes tout à fait considérables.

Et ce sur quoi cela attire l’attention, dans le cas du Grand Tournant que nous sommes en train de négocier, [c’est que] quand un Grand Tournant n’est pas négocié comme il faut, on est dans une situation de type de « disparition de l’empire romain ». Et ce qui est très intéressant avec le nucléaire civil, c’est que nous ne pouvons même pas, apparemment, nous permettre le luxe, je dirais, d’une sortie relativement douce d’une situation devenue trop complexe, comme la fin de l’empire romain (avec l’invention du servage au passage, il faut quand même le signaler), c’est qu’avec une industrie nucléaire civile, on ne peut pas se permettre de laisser l’environnement autour trop se déglinguer. Il y a eu une alerte récemment en Ukraine, puisque des [combats] se déplaçaient vers la zone où se trouvait un barrage qui [aurait pu] sauter, mettant en péril une centrale nucléaire. Les retours en arrière sont extrêmement difficiles. Nous nous mettons dans des situations [où] nous nous empêchons de prendre les mesures qu’il faudrait prendre, ce qui augmente le risque que des centrales nucléaires se retrouvent dans une situation de ne plus être entretenues comme il faudrait le faire. L’effet de cliquet, avoir à payer des sommes considérables pour pouvoir prendre la mesure qui s’impose, sont là pour empêcher que ça marche.

Dans le cas de cet exemple de la Chine, où on voit qu’on menace d’interventions des gens qui réclament la démocratie, comme ça s’était passé à la place Tian’anmen il y a un certain nombre d’années [en 1989], et que c’est associé avec des menaces du type – il n’y a pas qu’en Chine qu’on nous produit ça, on produit la même chose en Occident – où toute personne qui a une opinion différente sur le système dans lequel nous sommes – donc ce système qui empêche en fait que des bonnes solutions soient prises – que toute personne qui proteste, qui conteste ce genre de choses, se voit automatiquement assimilée à un complice objectif d’entreprises terroristes contre lesquelles tout l’appareil d’Etat est mobilisé.

Alors, ce Grand Tournant, qu’il faut absolument que nous négociions si nous voulons que l’espèce survive, est un Grand Ddéfi puisque les lois de la thermodynamique ont une autre solution, qui consiste à envoyer tout ça à un état moins complexe et moins fragile, et que, si nous voulons maintenir les conditions dans lesquelles nous vivons, il faut absolument nous battre, non seulement contre des êtres humains qui sont pour le statu quo, ou qui sont, encore davantage, pour pousser l’option ultralibérale à ses ultimes conséquences – c’est-à-dire la reconstitution d’un système de type féodal fondé cette fois-ci, non pas sur la propriété foncière, mais sur l’argent –, contre nous également, les lois de la physique, qui proposent une solution plus simple contre ces systèmes hyper-complexes et devenus trop fragiles, et, en même temps, un appareil d’Etat qui peut mobiliser l’ensemble de ses moyens pour empêcher d’aller dans la bonne direction, d’essayer de résoudre les problèmes.

D’où ma conclusion, que la phase II se fera probablement sans nous, c’est-à-dire que le seul scénario optimiste qu’on puisse encore imaginer, si nous ne modifions pas de manière drastique la manière dont nous voyons les choses, le seul scénario optimiste encore, c’est celui du remplacement de notre présence sur la terre par les machines que nous avons mis en place, et que nous sommes en train d’équiper de tous les moyens nécessaires – en enlevant les effets de ratage qui sont quand même un handicap dans notre cas – pour qu’elles continuent sans nous à la surface de cette planète. Alors, le défi, il est là, il est absolument considérable : il faut que nous puissions remettre en place la démocratie, et pour pouvoir le faire, il faut absolument faire sauter ces effets de cliquet qui empêchent que l’on aille dans la bonne direction, qui sont des mesures que nous avons votées, que nous avons laissé passer, que nous avons admises pour des raisons diverses, parce que nous pensions à autre chose ou parce qu’on nous distrayait avec d’autres histoires, ou parce que, comme on le disait hier : pendant que nous avions le dos tourné, des juristes ont placé des petits mots ici et là dans les mesures qu’on a votées, qu’on a acceptées, des petits mots qui avaient des implications, en particulier, de rendre le monde dans lequel nous sommes invivable à l’espèce que nous constituons.

Voilà.

Catégories : Démocratie, Grand Tournant, Nucléaire

Tags : chute de l’empire romain, effet de cliquet, Hong-Kong, nucléaire civil

Le Mardi 30 septembre 2014 à 14:37
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« Ayez de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace » – Reporterre

Il faut se rendre à l’évidence, qu’après quelques millénaires d’évolution, toutes les avancées que l’humanité a réussi à faire mettent aussi à risque d’effondrement sa civilisation et à risque d’extinction la race humaine.

Tant que ce fait indéniable ne sera pas accepté par la majorité, nous accélérerons notre course vers notre perte.

En attendant, l’IRASD entretient l’audace de comprendre et de tout refaire à neuf…

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http://www.reporterre.net/spip.php?article6388

La Rencontre de Reporterre, lundi 6 octobre : L’écologie au cœur de la reconstruction politique

Edgar Morin observe avec attention et pertinence l’évolution du monde. S’interrogeant avec Reporterre sur les chances du politique, il appelle les partis à s’irriguer de l’énergie et des idées du mouvement associatif. Et voit dans l’écologie, non pas une réponse à tout, mais une chance de refaire l’économie et de renouer une relation humaine avec la nature et dans la civilisation.

La Rencontre de Reporterre, lundi 6 octobre : L’écologie au cœur de la reconstruction politique

Edgar Morin observe avec attention et pertinence l’évolution du monde. S’interrogeant avec Reporterre sur les chances du politique, il appelle les partis à s’irriguer de l’énergie et des idées du mouvement associatif. Et voit dans l’écologie, non pas une réponse à tout, mais une chance de refaire l’économie et de renouer une relation humaine avec la nature et dans la civilisation.

Pour réfléchir avant

Reporterre – Edgar Morin, croyez vous encore à la politique ?

Edgar Morin – Cela dépend de ce que vous entendez par là. Je crois en la nécessité d’une pensée politique pour une action politique. Ce que je vois, c’est que le vide de toute pensée politique dans les représentants de tous les partis de pouvoir ou d’opposition, un vide rempli par le fait d’être à la remorque d’un économisme, qui n’est même pas l’économie stricto sensu, mais une doctrine de l’économie néo-libérale, avec des mots gri-gri, comme croissance, résorber la dette, compétitivité, etc.

Donc, je vois une situation très dommageable, très grave, très menaçante, mais je pense à la nécessité d’une reconstruction d’une pensée politique, qui est un préalable.

Vous allez réunir des gens qui représentent des partis politiques, la gauche, Nouvelle Donne, tout ça, mais il y a aussi une fermentation de pensée politique dans des associations et dans des groupes qui n’ont pas officiellement d’étiquette politique, mais qui portent à mon avis les germes d’un renouveau politique.

Vous avez eu un entretien avec Alain Caillé, qui promeut le convivialisme. Ce mouvement du convivialisme est très important à intégrer dans la pensée politique. Le thème de la convivialité a été introduit dès 1970, par Ivan Illich, en même temps que le message écologique.

Mais alors que le message écologique a fini par prendre – pas aussi puissamment qu’il devrait l’être -, parce qu’il y avait des choses visibles, Tchernobyl, Fukushima, les pluies acides, le réchauffement, la pollution, tout ça est sensible, tous les maux de l’absence de convivialité, d’une civilisation où sont détruites les solidarités, tous ces vices ont été attribués à des facteurs privés.

Ceux qui ne sentent pas bien, qui ont des insomnies, qui ont des maux de tête, qui ont des difficultés digestives, vont consulter le docteur, le psychanalyste, le gourou, ils croient qu’ils ont affaire à des choses personnelles, ce qui est vrai, mais en même temps, ils souffrent d’un mal de civilisation, et ce mal de civilisation n’est pas diagnostiqué. Regardez toutes les souffrances, les myriades de petites souffrances invisibles, causées par la bureaucratisation, aussi bien de nos administrations publiques que de nos grandes entreprises. Les gens téléphonent, ils entendent des petites musiques, on les fait lanterner, le téléphone se coupe, ils vont dans des bureaux, on les renvoie à un autre guichet – on a affaire à un monde de compartimentation, où personne n’aide l’autre, c’est un des exemples de ce mal de civilisation.

Alors, il faut rassembler. Mais chacune de ces associations finit par avoir son autonomie, son petit chef, et dans le fond, ils sont très contents, l’idée d’un rassemblement leur fait peur. C’est comme les nations souveraines qui ont peur de se rassembler.

J’ai cité ce mouvement convivialiste, il y a aussi le mouvement de l’économie sociale et solidaire, il y a le mouvement écologique qui est symbolisé par Pierre Rabhi et aussi Philippe Desbrosses, ils ne sont pas seulement agro-écologistes, ils ont une pensée qui déborde ce champ-là, et au-delà de leur propre pensée, la vision du problème écologiste dans le domaine agricole, il y a quelque chose de vital, parce que nous sommes dominés par une agriculture industrialisée, un élevage industrialisé qui est la pire des choses. C’est cela qu’il faut faire régresser.

Mais il faut une volonté capable de surmonter le poids énorme des lobbies économiques, parce que la politique est asphyxiée par les lobbies financiers, par les gens qui ont de l’argent. Le gouvernement actuel comme l’ancien sont entièrement noyautés par les puissances d’argent.

Alors voilà une pensée politique saine : refaire progresser l’agro-écologie, le retour à une agriculture fermière. Il y a aussi l’économie circulaire, où il y a des idées intéressantes. Il y a ce mouvement qui lie développement personnel au développement social, parce que le grand problème aujourd’hui est qu’on ne peut avancer que si on se réforme soi-même et qu’on réforme la société. Réformer soi-même ne veut pas seulement dire être vertueux ou ne pas se mettre en colère pour rien, mais ça veut dire être capable de discernement dans la consommation, éviter les vraies intoxications qui sont les intoxications consommationnistes et automobilistiques, stimulées par la publicité.

Aujourd’hui, vous avez un peu partout des mouvements qui se dessinent pour la sauvegarde des territoires. Cela va dans le sens de ce que je disais dans mon livre La Voie, plus on mondialise, plus il faut démondialiser. C’est-à-dire sauver des territoires désertifiés et par la désindustrialisation et par l’agriculture ou l’élevage industriels, leur redonner une nouvelle vie paysanne, une nouvelle vie citoyenne, il faut ressusciter les petites patries, locales, régionales, nationales, il y a la méta-patrie européenne, il y a la Terre Patrie, il faut redonner vie à toutes ces terres qui meurent. Et aussi dans le nord de la France, où sévit la désindustrialisation. Il ne faut pas croire que c’est le retour à l’industrialisation qui va sauver les choses, il faut au contraire aller vers une reruralisation, vers un re-artisanat.

Donc, il y a aujourd’hui la nécessité d’une pensée politique qui rassemble en faisceau les idées de ces mouvement épars et qui ne se rassemblent pas. Pourquoi ne pas faire une fédération du renouveau ? Il ne faut pas chercher un modèle de société, ce qui est grotesque dans un monde toujours en mouvement, mais une voie qui nous évite les catastrophes.

Puisque ces mouvements qui n’arrivent pas à se réunir, les partis politiques pourraient-ils porter le message de cette voie que vous dessinez ?

C’est ce qu’ils devraient faire. Mais ce n’est que si les mouvements dans la société civile sont assez forts pour porter ces aspirations et ces idées que les politiques pourraient s’en saisir. Mais cela supposerait aussi la mort et la résurrection sous une autre forme de ce qu’on appelle les partis de gauche. Les sources de la gauche, c’est l’idée socialiste qui veut dire d’améliorer la société, l’idée communiste qui veut dire de créer une communauté, c’est l’idée libertaire qui veut dire de s’occuper des individus, à quoi s’ajoute aujourd’hui l’idée écologiste qui dit qu’il faut trouver un autre rapport à la nature. Mais ces idées ne doivent plus s’opposer, comme les sociaux-démocrates qui s’opposaient aux libertaires, et les uns et les autres. C’est des idées fécondes qui doivent être conjointes.

Nous ne sommes même pas à la préhistoire de ceci, même pas au commencement, il y a des balbutiements, mais il faut essayer.

C’est inquiétant si on n’est même pas à la préhistoire alors que la crise écologique s’aggrave rapidement et qu’il y a une aggravation générale de la situation politique et économique ! Est-ce qu’on peut attendre qu’il y ait cette unification des idées ?

Je crois qu’une résurrection est possible. Mais cela nécessite un diagnostic. Le socialisme a été fort tant qu’il avait un diagnostic fort, posé tant par Marx que par Proudhon, et qui garde en partie sa pertinence. Mais il faut aujourd’hui une pensée plus complexe de l’humain, et aussi une pensée de la mondialisation, pas seulement sous l’angle du processus socio-économique, qui à la fois unifie et disloque le globe – il est très intéressant de voir que c’est en 1990, au moment où l’unification du marché mondial et économique s’est fait que la Yougoslavie s’est disloquée, puis ensuite la Tchécoslovaquie, et aujourd’hui nous voyons le Moyen-Orient se disloquer complètement.

Le même processus formidable de la compétitivité, engagé dans ces années fatales 1990-1995, est aussi une machine désastreuse pour les travailleurs, qui subissent des burn-out, des suicides, des maladies, des perturbations. Tout ce processus énorme, nos politiques n’en ont pas conscience, ils vivent en-dehors de la vie quotidienne des gens.

Il faut prendre conscience de toutes ces souffrances qui n’ont pas de sens réel, efficace. Avant, dans la perspective du communisme, on se sacrifiait pour un avenir meilleur. Mais là, on se sacrifie uniquement pour augmenter les bénéfices du capital, et pour accroitre la condition de servilité du travail. On n’est pas conscient de ces questions, pas seulement au niveau politique, mais aussi au niveau de l’opinion, parce que les gens vivent cela sur le plan de la vie privée, les gens qui souffrent ne replacent pas ce qui leur arrive dans l’ensemble. D’où un fatalisme dans l’opinion, une résignation qui fait considérer comme tout à fait normal le scandale de l’affaire Bettencourt ou que Khadafi ait subventionné la campagne de Sarkozy. Alors, on arrive à un point d’apathie, mais au sein de laquelle peut surgir des accès de fureur aveugle.

C’est à partir d’une pensée que l’action vient. Pour parler du socialisme, il a fallu plus d’un demi-siècle d’incubation pour arriver à la création du parti social-démocrate allemand. Peut-être pourra-t-on voir des prises de conscience accélérées avec l’accumulation des catastrophes.

Mais en France, le mécontentement aveugle se cristallise en faveur du Front national. Il y a ce handicap que le peuple de gauche a dépéri, avec la disparition des instituteurs de campagne, avec la bureaucratisation des professeurs du secondaire, avec tous ces gens qui insufflaient l’idéologie de la Révolution française enrichie par les apports socialiste et communiste à tout un peuple paysan, ouvrier, intellectuel, de classes moyennes – tout ce peuple est en train de disparaître. Par contre, le peuple de droite, qui a toujours existé, est loin de disparaître. Aujourd’hui, la manifestation du mariage pour tous est un triomphe.

Comment peut-on combattre ce fatalisme ?

Il faut que cette voie d’une politique possible soit énoncée et proposée. Différents économistes ont énoncée une vérité évidente qui n’a pas gagné les sphères gouvernementales : l’austérité et les restrictions, comme par exemple la diminution des allocations familiales, vont diminuer la consommation et aggraver la crise. On arrive au même problème que dans les années 1930, où la crise a été aggravée par les mesures qui ont été prises à l’époque.

Ce monde vit dans un somnanbulisme aveugle. Des économistes comme Joseph Stiglitz ou Michel Santi disent ce qu’il faut faire, mais ils sont isolés, les médias ne diffusent que parcimonieusement ces idées. Il faut créer un courant, remonter la pente, parce que les espérances qui étaient encore fortes au siècle dernier, en dépit des désastres de la Deuxième guerre mondiale, dans un monde meilleur – la société industrielle chantée par Raymond Aron, les lendemains qui chantent par l’autre côté, aussi bien l’ouest que l’est annonçaient un avenir, les uns merveilleux, les autres le meilleur possible. Aujourd’hui, ça, c’est effondré, le futur c’est l’incertitude, et il faut accepter de vivre dans l’incertitude. On n’a aucune recette magique pour passer de l’apathie à l’espoir.

Que diriez-vous aux personnes qui se sentent fatalistes, dans l’apathie ?

Je leur dirais : une autre politique est possible. Une relance de l’économie est possible, en relançant une économie écologisée, pas seulement par le renouvellement des sources d’énergie, mais aussi par la dépollution généralisée des villes par des parkings autour des villes et la limitation de la circulation automobile, par une évolution de l’agriculture pour qu’on ait une nourriture saine, je leur dirais, il y a une autre voie possible.

On nous accable du poids de cette dette énorme, mais il ne faut commencer à payer la dette que quand l’économie est prospère. Et en voyant ce qui est valable et ce qui ne l’est pas. En Equateur, le gouvernement du président Correa faisait face à une dette où il fallait payer 170 fois le prix de ce qui avait été prêté. Ils ont dit non, et n’ont payé que ce qui était payable. Et nous, on nous donne cette dette comme une sorte de fatalité de la nature.

Nos malheureux dirigeants socialistes ont été convertis par l’argument capitaliste ; en campagne, ils disaient que l’ennemi principal c’est la finance, aujourd’hui, l’allié principal c’est la finance. Dans la mesure où ils sont intoxiqués par ces idées, la situation est très grave.

Comment convaincre ces gens ? Que faire quand on est dans une époque de somnanbulisme ? J’ai vu ça quand j’étais jeune, puisque j’ai vécu les années trente, années de total somnanbulisme, où on n’a pas compris ce qui se passait, avec la prise de pouvoir d’Hitler, avec la guerre d’Espagne, avec Munich. Aujourd’hui, on nous divertit en pensant qu’on va faire quelque chose contre le califat, en faisant des frappes aériennes, mais c’est dérisoire, on n’a aucune politique, on dit qu’on va reconstruire l’Irak alors que l’Irak est complètement désintégré. Là aussi, on a affaire à un manque de lucidité, à un somnanbulisme profond. Comment secouer tout ça ? Je fais ce que je peux, en écrivant des articles, en répondant à ce qu’on me demande. Il faut continuer à prêcher. Le christianisme a mis quatre siècles avant de s’imposer dans l’Empire romain.

Espérons qu’il ne faudra pas attendre quatre siècles ! Quel pourrait être le rôle des partis politiques, si l’on admet que le pire est évitable ?

Il serait évitable. Si l’on prend le pire de ce qui se passe au Moyen Orient, le pire est évitable par une autre politique, si l’on parle de l’Ukraine, le pire est évitable, il faut trouver des compromis. Mais si l’on parle du cours de la mondialisation, le pire n’est évitable que si l’on commence à penser qu’il faut changer de voie. Parce que nous sommes emportés par un développement incontrôlé des science, des techniques, de l’économie, de la finance, du fanatisme – tant qu’on n’a pas conscience de ça et qu’on n’essaye pas de lutter contre ça…

Les partis politiques en ont-ils conscience, par exemple ceux qui vont se retrouver à la Rencontre de Reporterre ?

Oui, mais ils sont minoritaires, et ils ont une conscience d’une partie seulement des problèmes. Par exemple, la gauche mélenchonienne est très juste dans ce qu’elle dénonce, mais ce qu’elle énonce ne va pas assez loin. Ces gens-là devraient puiser dans ce que peuvent leur donner les associations. Dans le passé, la politique de Pierre Mendès-France a été fécondée par un club, le Club Jean Moulin, qui apportait des idées. Aujourd’hui, des associations apportent des idées. Mais les politiques n’y sont pas sensibles.

Vous voulez dire que ces partis politiques se sont coupés du mouvement citoyen et que s’ils veulent retrouver un rôle, il faut qu’ils s’irriguent, qu’ils s’hybrident avec ce mouvement citoyen ?

Certainement. Mais ils tiennent en main chacun une partie de la vérité. Je fais partie du Collectif Roosevelt, mais pas du parti Nouvelle Donne, qui dit des choses très justes sur la relance économique. Malheureusement, les représentants de l’écologie sur le plan parlementaire et politique ont fait de l’écologie à la petite semaine, mais pas une politique écologique de fond, ils ne sont pas inspirés par une pensée politique de fond. Regardez cette polémique sur la décroissance, c’est un problème de pensée binaire, on oppose la décroissance à la croissance, alors que le vrai problème est de savoir ce qui doit croitre et ce qui doit décroitre. L’économie écologique doit croître, l’agro-écologie doit croître, mais ce qui doit décroitre, c’est l’industrie du jetable, du futile, toute l’économie de l’obsolescence programmée avec les produits faits pour être détraqués, pour être remplacés, ou les produits nocifs à base de sucre qui devraient être interdits.

Mais la puissance de ces industries est énorme, alors que la faiblesse de l’opposition est immense.

Quelle pourrait être le rôle de l’écologie dans la reconstruction politique ?

Elle joue un rôle économique clé, parce que la grande relance, c’est l’économie écologisée, mais elle doit aussi être intégrée dans une pensée de nos relations humaines avec la nature, qui doit dicter un certain nombre de comportements dans notre civilisation. Autrement dit, toute politique doit être écologisée, mais on ne peut réduire la politique à l’écologie, parce que les problèmes de la justice, du droit, ne relèvent pas de l’écologie. L’écologie doit faire partie d’un ensemble. Elle peut jouer un rôle vital dans la réponse économique à la crise, mais pas seulement économique, aussi dans une réponse de type humain, anthropologique, afin de nous rendre compte de nos responsabilités humaines, parce que celles que nous avons à l’égard du monde naturel sont les mêmes que celles que nous avons à l’égard de nous-mêmes.

Et si vous pouviez venir à la Rencontre de Reporterre du 6 octobre, que diriez-vous aux intervenants, qui croient encore à la politique ?

Puisez dans l’apport de ces associations multiples qui sont des lieux de bouillons de culture de nouvelle politique.

Essayez d’avoir une conception pertinente du monde actuel et de la situation mondiale, pour baser votre politique.

Et ayez de audace, encore de l’audace, toujours de l’audace.

Toute résistance au changement est futile, la réforme sociale est inévitable

Le système social actuel comporte un nombre si impressionnant de défauts de conception qu’il n’a plus aucune possibilité de pérennité. Depuis plusieurs décennies, les institutions tentent de la maintenir artificiellement, d’une crise à l’autre.

Seule une réforme complète et intégrée des piliers du système social peut assurer la pérennité de la civilisation humaine et la survie de l’espèce.

Une analyse méthodique des interactions entre la nature humaine et les acteurs de l’environnement social est nécessaire pour identifier les comportements néfastes qu’elles induisent chez l’homme.

L’identification de ces interactions et comportements permettra d’architecturer un système social qui ne répétera pas les mêmes erreurs graves de conception, tout en favorisant certains comportements humains bénéfiques pour l’humanité.

L’IRASD travaille sur ce genre d’analyse et de solutions. Nous invitons les chercheurs intéressés à se joindre à nous.

Toute résistance au changement est futile, la réforme sociale est inévitable.

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http://www.liberation.fr/terre/2012/06/15/le-scenario-de-l-effondrement-l-emporte_826664

«Le scénario de l’effondrement l’emporte»

LAURE NOUALHAT 15 JUIN 2012 À 19:07

Dennis Meadow.Dennis Meadow. (Photo Bruno Charoy pour Libération.)INTERVIEW

Dès le premier sommet de la Terre de 1972, le chercheur américain Dennis Meadows partait en guerre contre la croissance. A la veille de la conférence «Rio + 20», il dénonce les visions à court terme et dresse un bilan alarmiste.

En 1972, quatre jeunes scientifiques du Massachusetts Institute of Technologie (MIT) rédigent à la demande du Club de Rome un rapport intitulé The Limits to Growth (les Limites à la croissance). Celui-ci va choquer le monde. Leur analyse établit clairement les conséquences dramatiques d’une croissance économique et démographique exponentielle dans un monde fini. En simulant les interactions entre population, croissance industrielle, production alimentaire et limites des écosystèmes terrestres, ces chercheurs élaborent treize scénarios, treize trajectoires possibles pour notre civilisation.

SUR LE MÊME SUJET

Nous sommes avant la première crise pétrolière de 1973, et pour tout le monde, la croissance économique ne se discute pas. Aujourd’hui encore, elle reste l’alpha et l’oméga des politiques publiques. En 2004, quand les auteurs enrichissent leur recherche de données accumulées durant trois décennies d’expansion sans limites, l’impact destructeur des activités humaines sur les processus naturels les conforte définitivement dans leur raisonnement. Et ils sont convaincus que le pire scénario, celui de l’effondrement, se joue actuellement devant nous. Rencontre avec l’un de ces scientifiques, Dennis Meadows, à la veille de la conférence de Rio + 20.

Le sommet de la Terre démarre mercredi à Rio. Vous qui avez connu la première conférence, celle de Stockholm, en 1972, que vous inspire cette rencontre, quarante ans plus tard ?

Comme environnementaliste, je trouve stupide l’idée même que des dizaines de milliers de personnes sautent dans un avion pour rejoindre la capitale brésilienne, histoire de discuter de soutenabilité. C’est complètement fou. Dépenser l’argent que ça coûte à financer des politiques publiques en faveur de la biodiversité, de l’environnement, du climat serait plus efficace. Il faut que les gens comprennent que Rio + 20 ne produira aucun changement significatif dans les politiques gouvernementales, c’est même l’inverse.

Regardez les grandes conférences onusiennes sur le climat, chaque délégation s’évertue à éviter un accord qui leur poserait plus de problèmes que rien du tout. La Chine veille à ce que personne n’impose de limites d’émissions de CO2, les Etats-Unis viennent discréditer l’idée même qu’il y a un changement climatique. Avant, les populations exerçaient une espèce de pression pour que des mesures significatives sortent de ces réunions. Depuis Copenhague, et l’échec cuisant de ce sommet, tout le monde a compris qu’il n’y a plus de pression. Chaque pays est d’accord pour signer en faveur de la paix, de la fraternité entre les peuples, du développement durable, mais ça ne veut rien dire. Les pays riches promettent toujours beaucoup d’argent et n’en versent jamais.

Vous n’y croyez plus ?

Tant qu’on ne cherche pas à résoudre l’inéquation entre la recherche perpétuelle de croissance économique et la limitation des ressources naturelles, je ne vois pas à quoi ça sert. A la première conférence, en 1972, mon livre les Limites à la croissance (dont une nouvelle version enrichie a été publiée en mai) avait eu une grande influence sur les discussions. J’étais jeune, naïf, je me disais que si nos dirigeants se réunissaient pour dire qu’ils allaient résoudre les problèmes, ils allaient le faire. Aujourd’hui, je n’y crois plus !

L’un des thèmes centraux de la conférence concerne l’économie verte. Croyez-vous que ce soit une voie à suivre ?

Il ne faut pas se leurrer : quand quelqu’un se préoccupe d’économie verte, il est plutôt intéressé par l’économie et moins par le vert. Tout comme les termes soutenabilité et développement durable, le terme d’économie verte n’a pas vraiment de sens. Je suis sûr que la plupart de ceux qui utilisent cette expression sont très peu concernés par les problèmes globaux. La plupart du temps, l’expression est utilisée pour justifier une action qui aurait de toute façon été mise en place, quelles que soient les raisons.

Vous semblez penser que l’humanité n’a plus de chance de s’en sortir ?

Avons-nous un moyen de maintenir le mode de vie des pays riches ? Non. Dans à peine trente ans, la plupart de nos actes quotidiens feront partie de la mémoire collective, on se dira : «Je me souviens, avant, il suffisait de sauter dans une voiture pour se rendre où on voulait», ou «je me souviens, avant, on prenait l’avion comme ça». Pour les plus riches, cela durera un peu plus longtemps, mais pour l’ensemble des populations, c’est terminé. On me parle souvent de l’image d’une voiture folle qui foncerait dans un mur. Du coup, les gens se demandent si nous allons appuyer sur la pédale de frein à temps. Pour moi, nous sommes à bord d’une voiture qui s’est déjà jetée de la falaise et je pense que, dans une telle situation, les freins sont inutiles. Le déclin est inévitable.

En 1972, à la limite, nous aurions pu changer de trajectoire. A cette époque, l’empreinte écologique de l’humanité était encore soutenable. Ce concept mesure la quantité de biosphère nécessaire à la production des ressources naturelles renouvelables et à l’absorption des pollutions correspondant aux activités humaines. En 1972, donc, nous utilisions 85% des capacités de la biosphère. Aujourd’hui, nous en utilisons 150% et ce rythme accélère. Je ne sais pas exactement ce que signifie le développement durable, mais quand on en est là, il est certain qu’il faut ralentir. C’est la loi fondamentale de la physique qui l’exige : plus on utilise de ressources, moins il y en a. Donc, il faut en vouloir moins.

La démographie ne sera pas abordée à Rio + 20. Or, pour vous, c’est un sujet majeur…

La première chose à dire, c’est que les problèmes écologiques ne proviennent pas des humains en tant que tels, mais de leurs modes de vie. On me demande souvent : ne pensez-vous pas que les choses ont changé depuis quarante ans, que l’on comprend mieux les problèmes ? Je réponds que le jour où l’on discutera sérieusement de la démographie, alors là, il y aura eu du changement.

Jusqu’ici, je ne vois rien, je dirais même que c’est pire qu’avant. Dans les années 70, les Nations unies organisaient des conférences sur ce thème, aujourd’hui, il n’y a plus rien.

Pourquoi ?

Je ne comprends pas vraiment pourquoi. Aux Etats-Unis, on ne discute plus de l’avortement comme d’une question médicale ou sociale, c’est exclusivement politique et religieux. Personne ne gagnera politiquement à ouvrir le chantier de la démographie. Du coup, personne n’en parle. Or, c’est un sujet de très long terme, qui mérite d’être anticipé. Au Japon, après Fukushima, ils ont fermé toutes les centrales nucléaires. Ils ne l’avaient pas planifié, cela a donc causé toutes sortes de problèmes. Ils ont les plus grandes difficultés à payer leurs importations de pétrole et de gaz. C’est possible de se passer de nucléaire, mais il faut le planifier sur vingt ans.

C’est la même chose avec la population. Si soudainement vous réduisez les taux de natalité, vous avez des problèmes : la main-d’œuvre diminue, il devient très coûteux de gérer les personnes âgées, etc. A Singapour, on discute en ce moment même de l’optimum démographique. Aujourd’hui, leur ratio de dépendance est de 1,7, ce qui signifie que pour chaque actif, il y a 1,7 inactif (enfants et personnes âgées compris). S’ils stoppent la croissance de la population, après la transition démographique, il y aura un actif pour sept inactifs. Vous comprenez bien qu’il est impossible de faire fonctionner correctement un système social dans ces conditions. Vous courez à la faillite. Cela signifie qu’il faut transformer ce système, planifier autrement en prenant en compte tous ces éléments.

La planification existe déjà, mais elle ne fonctionne pas. Nous avons besoin de politiques qui coûteraient sur des décennies mais qui rapporteraient sur des siècles. Le problème de la crise actuelle, qui touche tous les domaines, c’est que les gouvernements changent les choses petit bout par petit bout. Par exemple, sur la crise de l’euro, les rustines inventées par les Etats tiennent un ou deux mois au plus. Chaque fois, on ne résout pas le problème, on fait redescendre la pression, momentanément, on retarde seulement l’effondrement.

Depuis quarante ans, qu’avez-vous raté ?

Nous avons sous-estimé l’impact de la technologie sur les rendements agricoles, par exemple. Nous avons aussi sous-estimé la croissance de la population. Nous n’avions pas imaginé l’ampleur des bouleversements climatiques, la dépendance énergétique. En 1972, nous avions élaboré treize scénarios, j’en retiendrais deux : celui de l’effondrement et celui de l’équilibre. Quarante ans plus tard, c’est indéniablement le scénario de l’effondrement qui l’emporte ! Les données nous le montrent, ce n’est pas une vue de l’esprit.

Le point-clé est de savoir ce qui va se passer après les pics. Je pensais aussi honnêtement que nous avions réussi à alerter les dirigeants et les gens, en général, et que nous pouvions éviter l’effondrement. J’ai compris que les changements ne devaient pas être simplement technologiques mais aussi sociaux et culturels. Or, le cerveau humain n’est pas programmé pour appréhender les problèmes de long terme. C’est normal : Homo Sapiens a appris à fuir devant le danger, pas à imaginer les dangers à venir. Notre vision à court terme est en train de se fracasser contre la réalité physique des limites de la planète.

N’avez-vous pas l’impression de vous répéter ?

Les idées principales sont effectivement les mêmes depuis 1972. Mais je vais vous expliquer ma philosophie : je n’ai pas d’enfants, j’ai 70 ans, j’ai eu une super vie, j’espère en profiter encore dix ans. Les civilisations naissent, puis elles s’effondrent, c’est ainsi. Cette civilisation matérielle va disparaître, mais notre espèce survivra, dans d’autres conditions. Moi, je transmets ce que je sais, si les gens veulent changer c’est bien, s’ils ne veulent pas, je m’en fiche. J’analyse des systèmes, donc je pense le long terme. Il y a deux façons d’être heureux : avoir plus ou vouloir moins. Comme je trouve qu’il est indécent d’avoir plus, je choisis de vouloir moins.

Partout dans les pays riches, les dirigeants promettent un retour de la croissance, y croyez-vous ?

C’est fini, la croissance économique va fatalement s’arrêter, elle s’est déjà arrêtée d’ailleurs. Tant que nous poursuivons un objectif de croissance économique «perpétuelle», nous pouvons être aussi optimistes que nous le voulons sur le stock initial de ressources et la vitesse du progrès technique, le système finira par s’effondrer sur lui-même au cours du XXIe siècle. Par effondrement, il faut entendre une chute combinée et rapide de la population, des ressources, et de la production alimentaire et industrielle par tête. Nous sommes dans une période de stagnation et nous ne reviendrons jamais aux heures de gloire de la croissance. En Grèce, lors des dernières élections, je ne crois pas que les gens croyaient aux promesses de l’opposition, ils voulaient plutôt signifier leur désir de changement. Idem chez vous pour la présidentielle. Aux Etats-Unis, après Bush, les démocrates ont gagné puis perdu deux ans plus tard. Le système ne fonctionne plus, les gens sont malheureux, ils votent contre, ils ne savent pas quoi faire d’autre. Ou alors, ils occupent Wall Street, ils sortent dans la rue, mais c’est encore insuffisant pour changer fondamentalement les choses.

Quel système économique fonctionnerait d’après vous ?

Le système reste un outil, il n’est pas un objectif en soi. Nous avons bâti un système économique qui correspond à des idées. La vraie question est de savoir comment nous allons changer d’idées. Pour des pans entiers de notre vie sociale, on s’en remet au système économique. Vous voulez être heureuse ? Achetez quelque chose ! Vous êtes trop grosse ? Achetez quelque chose pour mincir ! Vos parents sont trop vieux pour s’occuper d’eux ? Achetez-leur les services de quelqu’un qui se chargera d’eux ! Nous devons comprendre que beaucoup de choses importantes de la vie ne s’achètent pas. De même, l’environnement a de la valeur en tant que tel, pas seulement pour ce qu’il a à nous offrir.

Laure NOUALHAT

Les limites à la croissance de Donella Meadows, Dennis Meadows, Jorgen Randers Rue de l’Echiquier, 432 pp., 25 €.

L’argent et ses interactions néfastes avec le comportement humain

Psychologie des influences comportementales de l’argent

L’argent est la seule et unique base du système économique de l’environnement social. L’argent est un simple outil d’échange et un étalon de mesure de la valeur des biens et services. L’argent n’est pas une institution. Les banques, les bourses, les firmes œuvrant dans la finance, les industries et les gouvernements sont des institutions participant à l’économie monétaire appuyés sur l’argent. La totalité de l’environnement humain(1) est assujettie à l’argent et au modèle économique monétaire.

Le concept économique de l’argent, produit des interactions graves avec la nature humaine engendrant des comportements des plus néfastes pour l’espèce et sa civilisation. Il s’agit là probablement du plus grave défaut de conception du système économique de l’environnement humain. Et il perdure depuis plus de 2700 ans! (2)

L’argent est responsable d’interactions avec l’humain engendrant des comportements qui stimulent des activités exclusivement circonscrites à l’environnement social, mais ayant des influences et des impacts dommageables ou nocifs dans l’environnement humain et dans l’environnement biophysique. Ces activités liées à l’argent, sont responsables, entre autres, des inégalités sociales, des conflits, de la criminalité, des guerres, de la surexploitation des ressources humaines et naturelles par l’industrialisation et des changements climatiques. De plus, l’argent, par sa rareté artificielle, agit comme une contrainte majeure à l’innovation, comme un frein au développement et à l’évolution de la civilisation humaine.

Il est donc paradoxal d’observer que l’argent, simple concept humain, outil d’échange et de commerce, base unique du système économique, agit également comme une nuisance majeure pour l’humanité.

L’observation et l’analyse des interactions comportementales entre l’humain et le concept d’argent permettent de conclure que la base du système économique est mauvaise et nuisible.

D’autres observations des interactions comportementales entre l’humain et des acteurs des environnements sociaux et biophysiques permettent d’identifier des interactions bénéfiques avec certains concepts qu’il faudrait envisager d’utiliser comme base au système économique.

Par exemple, au-delà du fait que l’homme doive assouvir ses besoins essentiels en tant qu’espèce mammifère, la nature humaine est constamment à la recherche de moyens pour assouvir ses désirs. Parmi les mécanismes d’interactions liés à l’assouvissement des désirs se trouve le besoin de satisfaction. Or, le sentiment de satisfaction est presque toujours assouvi lors de réalisations de soi ou d’innovations individuelles ou collectives.

Le mécanisme de satisfaction face aux réalisations individuelles est en réalité le moteur économique humain qui permet aux entreprises d’être concurrentielles! Il serait donc extrêmement bénéfique que l’économie, au lieu d’être monétaire et capitaliste, soit basée sur la valeur humaine en terme de capacité novatrice. Cela favoriserait le développement des capacités individuelles en vue d’innover pour augmenter sa valeur économique. Un tel modèle permettrait non seulement à l’individu de satisfaire une partie de ses besoins, mais à la collectivité d’en bénéficier également. De plus, une économie basée sur le développement individuel tout en agissant comme catalyseur de l’évolution favoriserait et accélérerait la résolution efficace et durable des problématiques de l’environnement social tout en minimisant les impacts néfastes sur les environnements humains et biophysiques.

Dans l’environnement social actuel, assujetti à une économie monétaire, on observe que la majorité des individus qui accumulent des sommes considérables d’argent constituent une minorité de la population. Il serait inquiétant que seule cette minorité possède une valeur novatrice pour la collectivité, ce qui indiquerait que la majorité de la population est relativement peu évoluée…

Dans les faits, l’argent n’est pas du tout un bon indicateur de la valeur des individus. L’argent est avant tout un étalon de mesure de la valeur des biens et services et il est utilisé de manière spéculative et très relative. L’argent semble être un étalon de mesure quantitative, mais en réalité, il n’est qu’un étalon de mesure qualitative très relatif aux lois du marché économique monétaire. Par opposition, la valeur novatrice d’un individu peut se mesurer autant de manière qualitative par la qualité de l’innovation, que de manières quantitatives par le nombre d’individus qui bénéficient de cette innovation dans la collectivité.

L’observation des flux d’argent dans l’économie révèle que sa distribution est fortement hétérogène dans l’environnement humain. En effet, l’argent a tendance à se concentrer entre les mains d’une minorité d’individus. Ce phénomène n’est pas le résultat d’une extrême capacité d’innovation de ces individus, mais plutôt de l’usage bête de stratégies financières et d’exploitation des failles législatives et légales pour accumuler cet argent. Il ne s’agit nullement d’innovation puisque rien de valable n’a été inventé! Par opposition, la valeur novatrice d’un individu est relativement plus homogène dans l’environnement social et ne peut être influencée qu’en restreignant l’accès à l’information et à l’éducation. Cela figure d’ailleurs dans l’arsenal stratégique des politiciens qui entretiennent religieusement une culture de l’ignorance et du langage vide. Le contrôle stratégique et financier des médias permet également de filtrer et de contrôler les informations, ce qui se fait insidieusement malgré l’éthique médiatique.

La concentration de l’argent entre les mains d’une minorité d’individus correspond donc à une interaction comportementale entre la nature humaine et l’argent : le besoin de contrôle qui est artificiellement assouvi par le pouvoir qu’accorde l’argent en sa capacité d’acheter l’opinion par diverses techniques de corruption idéologique comme la publicité et le lobbying afin d’user de stratégies dans l’unique but de posséder encore plus d’argent.

De nombreux autres comportements nuisibles ou néfastes sont engendrés par des interactions entre l’argent et la nature humaine. Après plus de 2700 ans de déformation socioculturelle par l’argent comme base du système économique, la culture humaine s’est graduellement dénaturalisée. Cette dénaturalisation s’est aggravée considérablement depuis le début de l’ère industrielle avec l’instauration du travail structuré.

Avant l’ère industrielle, le travail était justifié par les activités de subsistance. Depuis l’ère industrielle, le travail est justifié par la nécessité d’obtenir de l’argent pour l’échanger contre des biens et services. Une partie de cet argent est accaparée par la subsistance et les besoins essentiels. Le reste par du superflu engendré par le modèle économique afin d’assurer son développement et sa croissance.

Cette situation est devenue insoutenable après plus de 300 ans d’industrialisation galopante. L’industrialisation a provoqué l’explosion démographique de l’humanité qui est passée de quelque 700 millions d’individus vers 1700 à plus de 7 milliards en 2014. Cette explosion démographique a engendré l’accélération de la croissance économique à une vitesse telle que les institutions en ont totalement perdu le contrôle au point de produire des taux de pollution cancérigènes et des quantités de gaz à effets de serre provoquant des changements climatiques dont le GIEC a exposé les impacts dans cinq volumineux rapports depuis 1990.

La place qu’a prise l’argent dans l’environnement social est considérable. Et son impact culturel l’est tout autant, à un tel point qu’il faut faire des efforts pour imaginer et organiser une vie sans l’argent.

Au-delà de ces problématiques, le modèle économique est caractérisé par le fait qu’il ne peut survivre que s’il est en croissance.

Le fait que l’économie soit monétaire, donc basée sur l’argent, induite, par la caractéristique de croissance infinie, une pression sur les environnements sociaux, humain et biophysique.

La pression sur les environnements social et humain se reflète par des pressions fiscales et des obligations fiscales, comme l’obligation de travailler, l’obligation de payer ses impôts, l’obligation de payer ses taxes, etc. Cette pression soulage partiellement l’individu de la nécessité d’innover tout en l’amputant du temps requis pour l’acquisition de connaissances, ce qui le maintient dans un état de développement individuel statique ou extrêmement lent.

La pression sur l’environnement biophysique se reflète par la surexploitation des ressources naturelles qui engendre la dégradation de l’eau, des sols et de l’air nécessaires au maintien de l’équilibre des écosystèmes supportant la faune et la flore.

L’espèce humaine est un mammifère dont le maintien de la vie n’est pas exonéré de cet équilibre dans l’environnement biophysique, car sa survie en dépend directement, comme toutes les autres formes de vie.

En conséquence, l’argent est responsable de déséquilibres sociaux qui mettent à risque la pérennité de la civilisation humaine, et de déséquilibres biophysiques qui mettent à risque la survie de l’espèce humaine.

Les travaux d’architecture sociale visant à moderniser l’économie, devront tenir compte de la nocivité de l’argent pour l’humanité afin de définir de nouvelles bases sur lesquelles établir l’économie non monétaire. Si la civilisation et la race humaine souhaitent survivre durablement, l’argent ne pourra certainement pas être maintenu dans l’environnement social. En effet, peu importe les régulations législatives ou juridiques que le système social pourrait mettre en place, ces lois ne seront jamais intransgressibles ni immuables comme celles de l’environnement biophysique. Et comme l’argent induit des comportements chez l’humain, il trouvera toujours moyen d’identifier les failles dans ces lois pour les contourner afin de s’accaparer plus d’argent.

Les comportements humains induits par l’acquisition de connaissances requises au développement individuel nécessaire à l’innovation réalisée au profit de la collectivité sont d’un tout autre ordre et n’apportent que des bénéfices tout en accélérant la résolution des autres problématiques…

(1) https://irasd.wordpress.com/dossiers/larchitecture-sociale/
(2) https://irasd.wordpress.com/dossiers/analyse-et-historique-du-modele-economique-monetaire-capitaliste/

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http://www.huffingtonpost.fr/2014/01/08/psycholgie-de-l-argent-comportement_n_4558981.html

Psychologie : comment l’argent influence notre comportement

Le terme « affluenza » est un néologisme américain formé de la contraction des mots ‘affluence’ et ‘influenza’, et défini comme: « Une douloureuse maladie contagieuse, transmise par la société et dont les signes sont un sentiment de remplissage, de dette, d’anxiété et de dégoût résultant de l’idéologie du ‘toujours-plus’. » Or, il est souvent dénié, considéré comme un mot creux à la mode, créé pour exprimer notre dédain culturel pour le consumérisme. Bien que souvent utilisé pour plaisanter, ce terme recouvre pourtant peut-être plus de vérité que beaucoup ne voudraient le penser.

L’affluenza a ainsi été utilisée récemment comme argument de défense lors du procès très médiatisé d’un jeune Texan de 16 ans, conduisant sous l’emprise de l’alcool. Ce dernier a en effet soutenu que la richesse de sa famille devait le dégager de la responsabilité d’avoir causé la mort de quatre personnes. Le jeune s’en est sorti avec dix ans de mise à l’épreuve et une thérapie (payée par sa famille), ce qui a provoqué la colère de nombreuses personnes considérant que les juges s’étaient montrés trop cléments.

Le psychologue G. Dick Miller, appelé à la barre en tant qu’expert par la défense, a argumenté que l’adolescent souffrait d’affluenza, ce qui aurait pu l’empêcher de réaliser pleinement les conséquences de ses actes.

« J’aurais souhaité ne jamais avoir utilisé ce terme », a déclaré par la suite Miller sur CNN. « Tout le monde semble n’avoir retenu que ça. »

Que l’affluenza soit réelle ou imaginaire, l’argent change vraiment tout, – et les gens appartenant aux classes supérieures ont tendance à se considérer bien différemment des autres.

La richesse (et sa quête) a été associée à un comportement immoral, et pas seulement dans des films comme Le Loup de Wall Street. Les psychologues qui ont étudié l’impact de la richesse et de l’inégalité sur le comportement humain ont constaté que l’argent peut exercer une grande influence sur nos pensées et nos actes sans qu’on en ait forcément conscience, et indépendamment de notre situation économique. Bien que la richesse soit quelque chose de subjectif, la plupart des études actuelles mesurent la richesse à l’échelle des revenus, du statut du travail ou d’autres facteurs socio-économiques, comme la réussite des études et la richesse intergénérationnelle.

Voici 7 choses à savoir sur la psychologie de l’argent et de la richesse.

Plus d’argent, moins d’empathie ?

monopoly game

Plusieurs études ont montré que la richesse peut rentrer en conflit avec l’empathie et la compassion. Des recherches publiées par le journal Psychological Science ont également constaté que les personnes moins aisées déchiffraient mieux les expressions faciales d’autrui –signe majeur d’empathie– que les plus riches.

« On constate surtout que les classes défavorisées ont tendance à manifester plus d’empathie, et les classes supérieures, moins », a indiqué au Time Michael Kraus, co-auteur de l’étude. « L’environnement des classes populaires est très différent de celui des classes supérieures. Les individus issus de milieux défavorisés doivent faire face régulièrement à un certain nombre de faiblesses et de menaces sociales. Or, vous devez vraiment dépendre des autres pour qu’ils vous informent si une menace sociale ou une opportunité va survenir, ce qui vous rend plus perceptible aux émotions. »

Si manquer de ressources crée une plus grande intelligence émotionnelle, avoir plus de moyens peut être l’unique source d’un mauvais comportement. Une étude de l’université de Berkeley a ainsi conclu que même de l’argent fictif peut pousser les gens à agir avec moins de considération pour les autres. Les chercheurs ont ainsi noté que lorsque deux étudiants jouent au Monopoly -l’un recevant au départ bien plus d’argent que le second- le joueur le plus riche manifeste d’abord de la gêne. Mais il se met à jouer ensuite plus agressivement, occupant davantage le terrain, et finit même par se moquer du joueur plus pauvre.

La richesse peut obscurcir le jugement moral

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Il n’est pas surprenant d’apprendre que dans ce monde post-2008, la richesse peut provoquer chez quelqu’un le sentiment que tout lui est dû. Une étude de Berkeley a ainsi constaté qu’à San Francisco – où selon la loi, les voitures doivent s’arrêter devant les passages piétons pour laisser passer les gens – les conducteurs de voitures de luxe s’arrêtaient quatre fois moins que ceux conduisant des voitures moins chères. Ils étaient également plus enclins à couper la route aux autres conducteurs.

Une autre étude a suggéré que le simple fait de penser à l’argent peut conduire à un comportement immoral. Des chercheurs d’Harvard et de l’université d’Utah ont établi que les participants à l’étude avaient plus tendance à mentir ou à se comporter de façon immorale après avoir entendu des mots en rapport avec l’argent.

« Même quand on est bien intentionné, même quand on pense qu’on sait reconnaître le bien du mal, il existe des facteurs qui influencent nos décisions et nos comportements dont on n’a pas conscience », a expliqué à MarketWatch Kristin Smith-Crowe, professeur en management et l’une des auteurs de l’étude.

La richesse est associée à l’addiction.

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Si l’argent en lui-même ne provoque pas d’addiction ou de dépendance (à l’alcool, la drogue, les médicaments…), la richesse a été associée à un risque plus élevé de problèmes d’addiction. Un certain nombre d’études ont constaté que les enfants riches sont plus susceptibles d’avoir des problèmes de dépendance, possiblement en raison de la forte pression exercée par leurs parents pour qu’ils réussissent, et du fait de leur isolement. Les recherches ont aussi montré que les enfants ayant des parents riches ne sont pas forcément exempts de souci d’adaptation; en fait, des études ont constaté que les lycéens des milieux privilégiés fournissaient plus d’exemples d’inadaptation que les étudiants issus des quartiers défavorisés. Les chercheurs ont découvert que ces enfants semblaient encore plus enclins à intérioriser leurs problèmes, ce qui a été associé au problème de dépendance.

Et il ne s’agit pas que des adolescents : même à l’âge adulte, les riches consomment 27 % de plus d’alcool que les pauvres.

L’argent lui-même peut devenir addictif.

money rich

La quête de la richesse en elle-même peut aussi devenir une obsession. Comme l’explique le psychologue Dr Tian Dayton, on considère souvent le besoin compulsif d’avoir de l’argent comme appartenant à un genre d’addictions répertoriées comme les « addictions ou dépendances comportementales », qui sont à distinguer de la toxicomanie.

Actuellement, l’idée de dépendance comportementale est largement acceptée. C’est une dépendance qui implique une relation compulsive et/ou incontrôlable avec certains comportements tels le jeu, le sexe, l’alimentation, et même… l’argent. Dans ce type d’addiction comportementale, se produit un changement neuronal semblable aux effets de l’alcool ou des drogues sur l’humeur. Quand ce type de dépendance s’exerce sur certaines activités comme regarder de la pornographie, avoir une alimentation compulsive ou un rapport obsessionnel à l’argent, cela peut déclencher la production d’hormones comme la dopamine, qui provoquent une sensation de planer similaire à la réaction chimique provoquée par la drogue. Une personne dépendante de ce genre de comportement a appris inconsciemment à manipuler l’équilibre chimique de son propre cerveau.

Bien qu’une addiction comportementale diffère d’une addiction physique, elle implique bien un comportement compulsif – en ce cas, une dépendance à la sensation positive provoquée par le fait d’avoir de l’argent ou des biens – qui peut avoir des conséquences négatives sur le bien-être de l’individu. L’addiction au fait de dépenser de l’argent – connue parfois sous le nom d’achat compulsif – est un autre genre plus répandu de dépendance comportementale associée à l’argent.

Les enfants riches peuvent être plus perturbés

rich kids of instagram

Les enfants grandissant dans des familles riches peuvent sembler tout avoir, mais tout avoir coûte parfois très cher. Les enfants plus riches ont tendance à être davantage perturbés que les enfants plus défavorisés et présentent un risque élevé d’anxiété, de dépression, de toxicomanie, de troubles alimentaires, de tricherie et de vol. Des études ont également constaté une forte proportion de ‘binge-drinking’ et de consommation de marijuana chez les enfants issus de famille blanche biparentale, ayant de hauts revenus.

« Dans des communautés en pleine ascension sociale, les enfants subissent souvent une certaine pression pour exceller dans les études et les activités extrascolaires, afin de maximiser leurs perspectives d’études à long terme. Ce phénomène peut engendrer un stress élevé », écrit la psychologue Suniya Luthar dans son article « The Culture Of Affluence. » « De même, sur un plan émotionnel, l’isolation dérive souvent de l’érosion du temps familial du fait des obligations des carrières de leurs parents aisés et des nombreuses activités extrascolaires des enfants. »

On a tendance à percevoir la richesse comme « le Mal ».

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De l’autre côté de la balance, les individus ayant de plus bas revenus ont tendance à juger et à faire des généralités sur ceux qui sont plus riches qu’eux, jugeant souvent les riches comme « indifférents ». Il est cependant vrai que les pauvres doivent lutter contre leurs propres stéréotypes sociaux.

Selon le magazine Scientific American
, les gens riches provoquent souvent envie et méfiance, jusqu’au point où l’on prend plaisir à les voir en difficulté. Une étude de l’université de Pennsylvanie a ainsi démontré que la plupart des gens ont tendance à associer la perception de profits avec une nuisance sociale. Quand on a demandé aux participants d’évaluer différentes entreprises et industries (certaines réelles, d’autres hypothétiques), aussi bien les gens de gauche que de droite ont catalogué les institutions faisant plus de profits comme nuisibles à tous les niveaux, indépendamment des actions réelles de l’entreprise ou de l’industrie en question.

L’argent ne fait pas le bonheur (et n’achète pas l’amour)

mountaintop couple

Dans notre quête du succès (car, après tout, qui ne voudrait pas réussir ?), on a tendance à chercher l’argent et le pouvoir, ce qui peut interférer avec ce qui compte vraiment : le bonheur et l’amour.

Il n’existe pas de corrélation directe entre revenus et bonheur. Une fois atteint un certain niveau de revenus pouvant subvenir à nos besoins élémentaires et soulager la pression (certains disent environ 37.000 euros par an, d’autres 55.000), la richesse ne fait plus vraiment la différence au niveau du bien-être et du bonheur. Elle a même plutôt des effets négatifs sur le bien-être. Les gens extrêmement riches souffrent plus de dépression. Certaines données suggèrent que ce n’est pas l’argent en lui-même qui conduirait à l’insatisfaction, mais l’effort constant pour en acquérir. Les valeurs matérialistes ont même été associées à une satisfaction relationnelle plus faible.

Il y a cependant une bonne raison de se réjouir: plus d’Américains commencent à regarder au-delà de l’argent et du statut social quand il s’agit de définir la réussite dans la vie. Selon une étude de 2013 de LifeTwist, seul un quart des Américains croient encore que c’est la fortune qui détermine le succès.

L’échec du modèle politique représentatif et ses interactions avec l’économie

Dans le texte qui suit, Mme Lise Payette, ancienne politicienne (1), exprime en apparence l’incompétence des politiciens. Plus concrètement, elle exprime un symptôme des défauts graves de conception du système politique représentatif, responsable d’instabilités sociales.

Le problème concerne ici le mode procédural de communication et le langage vide utilisé par les politiciens pour cacher la vérité afin de protéger leurs intérêts et ceux de leurs ministères et fonctionnaires. En effet, on observe que les stratégies politiques sont délibérément maintenues secrètes, si elles existent…

Or, les gouvernements sont des structures « publiques » dont le rôle, la mission et la raison d’exister sont de servir le peuple et d’assurer l’intégrité de la société. Ce rôle impose l’éthique et la transparence car le gouvernement est imputable et responsable. Il est évident que ce rôle et ces responsabilités ont été perdus ou absorbés…

La culture du langage politique vide est un grave défaut opérationnel issu du modèle politique représentatif. Cette culture de communication politique fait en sorte que l’absence de transparence du système donne l’impression qu’il tente de corrompre l’opinion publique au lieu de divulguer la vérité. À moyen et long terme, cette culture finit également par corrompre les politiciens qui s’accoutument à cette culture du mensonge, de la communication vide et de l’absence de transparence.

Ce manque de transparence, d’objectivité et de neutralité se retourne contre le système politique parce que le peuple perd de plus en plus confiance envers les politiciens et ce système. Cette perte de confiance engendrant des instabilités sociales exprimées par les discours acerbes des citoyens à l’égard des politiciens et du système et par des manifestations de plus en plus nombreuses et fréquentes.

Plus récemment, depuis environ une décennie, cette instabilité sociale se manifeste de manière plus constructive par des forums sociaux, rencontres de citoyens qui se font de plus en plus nombreux à échanger activement sur les problématiques liées aux échecs du système social. Mais ces forums ne font encore qu’exprimer des constats, en exposant rarement des solutions locales aux symptômes, sans jamais proposer de solutions globales aux problèmes de conception du système social qui sont la source et la cause de ces symptômes.

Le texte de Mme Payette n’aborde pas directement le problème de l’interaction entre la politique représentative et l’économie monétaire, contrainte majeure de l’environnement social, dont la pression sur la population augmente proportionnellement à la croissance économique. Cette pression, le gouvernement a choisi de l’exprimer par des compressions, technique politique nommée « austérité » par l’idéologie néolibérale.

Mais ne faut pas perdre de vue le fait que les gouvernements sont également assujettis au système économique et subissent les mêmes contraintes. Lorsque l’incohérence entre les compressions budgétaires d’un côté s’opposent à d’importants investissements de l’autre, l’austérité perd toute justification et l’instabilité sociale explose.

Ces défauts opérationnels de conception de la politique représentatives doivent être corrigés afin de stabiliser l’opinion sociale. L’objectivité, la transparence et la communication juste et franche est obligatoirement requise. La cohérence budgétaire doit également refléter la situation économique. Si l’on doit se serrer la ceinture, on doit couper partout, ou à tout le moins, ne pas couper à gauche pour investir à droite…

(1) http://fr.m.wikipedia.org/wiki/Lise_Payette

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http://www.ledevoir.com/politique/quebec/420069/les-cowboys-de-la-politique

Les cowboys de la politique

Ils parlent haut et fort, convaincus de détenir la vérité en tout. S’ils ont des doutes, ils ne les expriment jamais car ça pourrait avoir l’air d’être un aveu de faiblesse. La peur, sous toutes ses formes, est une alliée précieuse qui fait augmenter le thermomètre du stress vécu par des citoyens qu’il vaut mieux garder dans le désespoir que dans la joie. Écraser pour régner est une devise qui a fait ses preuves à travers le temps.

Ma question ce matin est « combien de stress des citoyens normaux peuvent-ils endurer avant de perdre la tête » ? Si on fait un petit tour de la planète en ce moment, on constate assez rapidement que ça éclate partout. Vous avez l’embarras du choix. Il y a quelques semaines à peine, les yeux du monde entier étaient tournés vers le sort qu’Israël faisait vivre à Gaza, semant la mort et la destruction massive sans que quelque autorité intervienne pour mettre fin à cette haine insensée qui n’a pas de fin.

Puis, le ton a soudainement monté du côté de l’Ukraine et les accusations portées contre la Russie dans ce dossier étaient assez graves pour alerter le monde entier. Le conflit est-il réglé ? C’est peu probable, et il a peut-être bien tout ce qu’il faut pour se rallumer d’un seul coup.

Comment est-ce seulement possible que l’extrême droite française, qui n’offre pourtant pas un comportement dont la France peut se glorifier, arrive à se frayer un chemin chez les électeurs et électrices ? La France est-elle tellement sous le stress devant les chiffres du chômage, devant l’avenir bloqué pour ses étudiants désespérés d’accéder un jour à une vie pleine et entière, qu’elle se jette dans les bras des apôtres de l’extrême droite, oubliant un passé pourtant porteur de bons conseils à ce sujet ?

Les chiffres avancés sur les ravages de l’Ebola en Afrique font peur aussi. L’incapacité du monde entier de répondre rapidement aux besoins des peuples touchés est un désastre collectif. Devant l’évidence qu’il sera impossible de tout faire, comment partager les ressources disponibles avec justice ? Imaginez le stress de ces citoyens qui attendent une aide internationale qui n’arrive pas alors que la maladie continue ses ravages dévastateurs.

Comment partager adéquatement les ressources disponibles pour sauver l’Afrique d’une part et détruire les tueurs qu’on a nommés « État islamique » qui sèment la terreur en Irak et en Syrie, qui coupent la tête d’autres humains devant les caméras dans l’espoir de faire avancer leur cause grâce à la peur ?

Les citoyens de Hong Kong sont dans la rue pour réclamer que la démocratie à laquelle ils aspirent leur soit rendue par le gouvernement de Beijing. Ils sont nombreux et les Chinois ont la réputation d’être tenaces. Ils ont déjà tout vu, tout retenu, et ils ont une mémoire fabuleuse de leur propre Histoire. Juste à côté, les Japonais vivent la terreur des secousses sismiques, des éruptions de volcans, des tsunamis et des dangers que représentent encore les déversements des eaux des réservoirs des usines atomiques touchées par le dernier tsunami.

Je n’ajouterai rien au sujet du Canada. Les Canadiens que je connais n’ont pas mérité le gouvernement qui sévit à Ottawa. Comme le Québec n’a pas mérité M. Denis Lebel non plus.

Vous aurez compris que je crois sincèrement que la politique des cowboys, où qu’elle se pratique dans le monde, est une politique dangereuse. De là ma question avec des mots plus simples : « combien de stress un être humain peut-il supporter avant de péter les plombs » ?

Au Québec, les puissants cowboys, au pouvoir depuis six mois dans quelques jours, ont volontairement fait monter le stress de la population. Entre le « serrez-vous la ceinture » et le « ça va faire mal » qu’on nous répète ad nauseam depuis des mois, je sens la moutarde qui monte au nez des citoyens qui commencent à se dire qu’ils n’ont jamais voté pour ça.

Les manifs sont commencées. Il y en aura d’autres. La commission Charbonneau déçoit, car elle donne l’impression de se terminer en queue de poisson et finit par semer le doute sur le fait qu’il pourrait y avoir des intouchables au pays du Québec et des « au-dessus de toutes les lois » comme si cela allait de soi. C’est un climat favorable pour la mauvaise humeur.

M. Couillard répète à qui veut l’entendre que «tout est sur la table». Tout quoi ? Tout ce qu’on a gagné de peine et de misère ? Tout ce qui a été mis dans la poche de tellement de monde qu’on ne connaît toujours pas ? Tout l’argent des paradis fiscaux ou seulement celui du monde ordinaire qui voudrait bien joindre les deux bouts de temps en temps ? Nous avons passé l’âge d’avoir peur du Bonhomme Sept Heures.

« Nous allons vers une économie hybride entre capitalisme et partage », Enquête

http://www.lesechos.fr/journal20141002/lec1_enquete/0203819242689-nous-allons-vers-une-economie-hybride-entre-capitalisme-et-partage-1048947.php#Xtor=AD-6000

« Nous allons vers une économie hybride entre capitalisme et partage »

Jeremy Rifkin.

Dans son dernier livre, l’essayiste américain Jeremy Rifkin annonce l’« éclipse » du capitalisme, obligé de s’adapter à la montée en puissance de l’économie collaborative. Il milite aussi pour une régulation des géants du Net.

Vous aviez déjà prédit la fin du travail, la troisième révolution industrielle ou le déclin de la propriété individuelle. A présent, votre nouveau livre annonce le déclin du capitalisme. Vous n’avez pas l’impression d’aller trop loin ?

Je ne fais que mettre en évidence des tendances qui émergent : quasiment tout ce que je décris existe déjà, du moins en partie. Nous commençons à voir l’émergence d’un nouveau système, lié à l’économie du partage. C’est encore très neuf, très petit, mais c’est le premier système économique qui apparaît depuis le capitalisme et le socialisme ! Aujourd’hui, l’économie collaborative se développe en parallèle de l’économie capitaliste, et les frontières sont encore floues : parfois les deux systèmes cohabitent, parfois ils se concurrencent. Je pense que, dans trente ou quarante ans, le capitalisme sera toujours là, mais qu’il aura été transformé par l’économie collaborative et que les deux modèles en tireront des bénéfices. Nous allons vers une économie hybride.

Quel est le risque pour les entreprises ?

Les entreprises ne disparaîtront pas. Mais la plupart des groupes qui survivront seront ceux qui agrégeront les productions des individus et des communautés, comme le font aujourd’hui Google, Twitter ou Facebook. On voit déjà cela dans le numérique et l’information, mais ce phénomène arrivera aussi dans les transports ou l’énergie. Et cela va poser une question essentielle : comment réguler ces agrégateurs pour éviter les monopoles ?

Vous n’annoncez donc pas vraiment la fin du capitalisme, mais son évolution vers un modèle inédit…

Oui, et cela arrive déjà. Ce qui va l’accélérer, c’est ce que j’appelle le « coût marginal zéro ». Nous sommes face à un paradoxe qui est au coeur même du capitalisme et que ni Marx ni Keynes n’avaient anticipé : la « main invisible » des marchés a triomphé, mais ce triomphe va donner naissance à un monde où le coût marginal (coût de la dernière unité produite, NDLR) devient presque nul pour certaines catégories de biens et de services – ceux-ci sont alors si abondants qu’ils échappent aux lois du marché.

Thomas Piketty, dont le livre est sorti aux Etats-Unis en même temps que le vôtre, affirme au contraire que le capitalisme ne s’est jamais aussi bien porté qu’au XXIe siècle…

J’ai aimé son livre, mais je pense qu’il se trompe. Il est très doué pour mettre en évidence ce que nous savons déjà : la baisse des revenus fiscaux, la concentration des richesses… Mais il rejette le déterminisme technologique, il pense que les rapports économiques dépendent uniquement des interactions entre êtres humains. Il y a une naïveté incroyable à ne pas voir que les changements technologiques redistribuent le pouvoir économique ! Pour Piketty, la concentration des richesses est liée à des acteurs individuels, qui s’allient aux politiques pour retirer un maximum de profit. Il ne voit pas que ce sont les plates-formes technologiques actuelles qui autorisent cette concentration.

Vous affirmez que la crise actuelle n’est pas financière, mais énergétique. Pourquoi ?

Le problème, c’est que le pétrole ne redeviendra jamais bon marché. Or toute la deuxième révolution industrielle reposait sur les énergies fossiles, que ce soit pour les transports, les matériaux avec le plastique et les textiles synthétiques, ou l’agriculture avec les engrais chimiques. Quand le baril de pétrole a atteint 147 dollars, en juillet 2008, les prix sont devenus si élevés que les gens ont arrêté d’acheter – ce qui a entraîné la crise. Depuis, à chaque ralentissement de l’économie mondiale, les prix du pétrole descendent. Dès que l’économie repart, les prix du pétrole remontent et l’économie ralentit de nouveau. Il n’y a aucune raison que cela change.

Dans le même temps, le gaz de schiste a contribué au redressement de l’économie américaine…

Le gaz de schiste n’est qu’une bulle, c’est la seconde ruée vers l’or – avec un phénomène identique : les concessions sont achetées pour une exploitation de très court terme, de l’ordre de dix-huit mois. Actuellement, toutes les réserves sont exploitées en même temps, ce qui fait chuter les prix. Même le département de l’Energie américain pense que les prix remonteront à partir de 2019-2020, car les réserves accessibles seront épuisées. Le problème, c’est que cela a fait perdre cinq années où nous avons investi dans l’exploitation de gaz non conventionnel au lieu d’investir dans la transition énergétique, ce qui est dramatique pour l’avenir de notre planète. Le gaz de schiste n’a fait que retarder notre entrée dans la nouvelle révolution industrielle.

En face, l’Europe n’exploite pas de gaz de schiste, mais elle n’investit pas beaucoup non plus. Pourquoi ?

En Europe, c’est l’austérité qui pose problème. Bien sûr, il faut couper dans les dépenses, s’adapter au marché mondial, comme Schröder l’a fait en son temps. Mais cela ne suffit pas. Si l’Europe reste avec des outils de communication, de transport et d’énergie qui datent du siècle dernier, son économie ne repartira pas. Je pense cependant que plusieurs pays sont en train de se préparer à la troisième révolution industrielle, notamment l’Allemagne. A l’autre bout du monde, la Chine le fait aussi.

Au-delà des énergies renouvelables, vous affirmez qu’Internet sera au coeur de la troisième révolution industrielle…

Internet est en train de se transformer pour devenir non seulement une plate-forme de communication, mais aussi une plate-forme de gestion de l’énergie et une plate-forme de gestion des objets physiques, avec l’Internet des objets, qui va révolutionner les transports et la logistique. Certaines entreprises l’ont compris, comme Cisco, GE, Siemens, IBM… Elles installent des capteurs à tous les niveaux de la chaîne de valeur, dans les usines, les entrepôts et même sur les terres agricoles. En 2030, il y aura 100.000 milliards de capteurs, connectant chaque objet à un immense réseau global. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, cela permettra de démocratiser vraiment la vie économique.

Qu’entendez-vous par « démocratiser » ?

Aujourd’hui, 40 % de l’humanité est connectée. Et ce n’est qu’un début : une entreprise chinoise propose un smartphone à 25 dollars, ce qui veut dire que, même en vivant avec 2 dollars par jour, il sera possible d’avoir un smartphone. N’importe qui, riche ou pauvre, pourra se connecter à l’Internet des objets et devenir un « prosommateur », à la fois producteur et consommateur. C’est ce qui se passe déjà dans la culture, où des jeunes diffusent des vidéos ou des chansons à un coût proche de zéro, sans copyright, dans un modèle de partage et en court-circuitant les maisons de disques ou les chaînes de télévision. Cela arrivera ensuite dans l’énergie : avec le solaire ou l’éolien, des millions de personnes produisent déjà leur propre énergie. Le même phénomène se produira dans les transports, dans les services, et même dans les objets physiques avec l’impression 3D, qui n’en est qu’à ses balbutiements.

Mais quand les jeunes échangent des vidéos sur YouTube, pour reprendre votre exemple, les bénéfices reviennent essentiellement à une grande entreprise… Comment rémunérer les « prosommateurs » dont vous parlez ?

C’est vrai que des entreprises comme Google, Facebook ou Twitter se sont développées en créant et enmaintenant des plates-formes, en agrégeant les contenus et les services, ce qui fait qu’aujourd’hui les données transitent par leurs « pipelines » pour leur seul profit. Mais, pour moi, c’est du déjà-vu. Cela est arrivé au début de l’industrialisation, au XIXe siècle : les propriétaires des grandes usines ont concentré la production, concurrencé les artisans, et cela a entraîné une paupérisation. Mais, ensuite, partout dans le monde, les travailleurs ont réalisé que le seul moyen de survivre était de créer des syndicats et, collectivement, de pousser les industriels à leur accorder une rémunération juste. La prise de conscience sera la même pour les acteurs d’Internet. Déjà, la Commission européenne s’est emparée de sujets comme Google, la neutralité du Net, la protection des données personnelles…

Google investit aussi dans l’économie collaborative, avec Uber, mais il garde une vision extrêmement capitaliste…

C’est une réponse que l’on me fait souvent : le capitalisme ne va pas décliner, il va seulement changer de forme. Mais, pour chaque Google, il y a un Wikipedia, qui est l’un des dix sites les plus visités au monde. Ce que je dis, c’est que les nouveaux géants venus d’Internet basent leur succès sur les créations communes des internautes, au détriment des autres industries. Je pense donc qu’il faudra les traiter comme des « commodities » mondiales. A l’avenir, il faudra exiger d’eux de la transparence, de la sécurité pour les données et des garanties sur la vie privée. Ils sont devenus si importants qu’il faudra qu’ils acceptent une régulation.

Combien de temps faudra-t-il avant d’aboutir à cette régulation ?

Dans quelques années, l’ensemble de l’humanité sera connecté à l’Internet des objets, avec l’opportunité de démocratiser la vie économique à très grande échelle. Peut-on imaginer que l’ensemble de l’humanité reste silencieux, et laisse une poignée de grandes entreprises avoir le monopole de leurs contenus, de leurs informations ? Je pense que les internautes vont s’organiser, qu’une prise de conscience va aboutir à une déclaration des droits numériques qui empêchera les nouveaux monopoles de capter l’essentiel de la valeur. Avec les outils actuels, cela peut être relativement facile à organiser, beaucoup plus que quand j’ai commencé ma carrière d’activiste il y a quarante-cinq ans ! Ce sera une lutte longue et compliquée, mais je pense que, à la fin, Google, Facebook ou les autres devront être régulés.

Benoît Georges, Les Echos

Son actualité

Consultant, il conseille des gouvernements et des collectivités locales (dont la région Nord – Pas-de-Calais depuis 2012) pour établir des plans d’action vers une économie postcarbone.
Sorti en avril dernier aux Etats-Unis, son dernier livre, « La Nouvelle Société du coût marginal zéro », vient d’être publié en France (Les Liens qui Libèrent, 510 pages, 26 euros).

Son parcours

Diplômé de la Wharton School de l’université de Pennsylvanie, Jeremy Rifkin a cofondé en 1977 la Foundation on Economic Trends, qui étudie l’impact des nouvelles technologies sur l’économie et l’environnement.
Il est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages de prospective, dont « La Fin du travail » (1995), « L’Age de l’accès » (2000), « L’Economie hydrogène » (2002) et « La Troisième Révolution industrielle » (2011).

Une économie sociale et solidaire | Le Devoir

L’implantation d’une économie sociale passe par la décapitalisation de l’économie monétaire.

Pour réussir cette transition, il faut démocratiser le contrôle de l’économie en implantant une démocratie citoyenne participative et déplacer les fondations de l’économie mondiale de la valeur monétaire des biens et services, vers la valeur novatrice de l’apport individuel à la collectivité.

Une telle économie, sans argent ni capital, sera viable, équitable, durable et assurera la compatibilité et le maintien de la démocratie citoyenne.

Toute autre forme d’économie capitaliste ou monétaire rendra impossible l’implantation d’une démocratie stable et conservera le risque actuelle d’effondrement de la civilisation humaine par attrition des ressources naturelles et extinction de la biosphère par l’accentuation des changements climatiques.

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http://www.ledevoir.com/economie/actualites-economiques/419845/6e-rendez-vous-de-la-chaire-de-recherche-et-de-developpement-des-collectivites-plaider-pour-une-economie-a-caractere-social-et-solidaire

Plaider pour une économie à caractère social et solidaire

Selon Gérald Larose, on est en train de révolutionner un peu les rapports Nord-Sud avec des échanges internationaux dans le domaine du café et des fleurs, entre autres.

La reconnaissance de l’économie dite sociale et solidaire (ÉSS) en qualité de joueur important sur l’échiquier mondial par les acteurs politiques est l’un des mandats que se sont donnés Les Rencontres du Mont-Blanc – Forum international des dirigeants de l’économie sociale et solidaire (RMB) depuis leur fondation. Des représentations en ce sens ont été faites récemment par cette association auprès des Nations unies à New York et le vice-président des RMB, Gérald Larose, était aux premières loges.

En marge de la toute dernière Assemblée générale des Nations unies, les RMB ont organisé, le 22 septembre dernier, la première réunion du groupe-pilote international de l’économie sociale et solidaire. Deux grands thèmes ont ponctué cette rencontre, soit le développement de l’ÉSS dans le monde et le soutien à la création et au développement d’entreprises dans ce secteur à l’échelle planétaire, notamment par l’entremise de la question des formes de financement. Gérald Larose en revient d’ailleurs avec des idées plein la tête et des convictions bien assises. «À la suite de cette première rencontre, on va souhaiter qu’il y ait davantage d’États et d’ONG qui seront autour de la table, de sorte que l’économie sociale et solidaire occupe sur le plan politique» la place qui lui revient sur l’échiquier mondial, fait-il valoir.

Il précise que l’ÉSS compte pour environ 10 % du PIB mondial. Si, à l’échelle économique, cette filière fait son chemin, il en reste encore beaucoup à faire sur le plan politique. «Politiquement, il faut le dire, l’économie sociale est très méconnue. C’est peu pris en compte et le contexte actuel nous oblige à démultiplier nos démarches pour faire en sorte que la voix de ce secteur se fasse entendre partout sur la planète.»

Ce groupe-pilote vise notamment à promouvoir l’ÉSS et à accroître la prise en compte de ce modèle économique dans la mise en oeuvre des politiques publiques. De manière concrète, c’est une plateforme composée d’États (la France, le Maroc, le Luxembourg, l’Équateur, la Colombie et le Québec à titre d’observateur) et d’associations, comme l’Association internationale de la mutualité et l’Alliance coopérative internationale, de même que d’organisations internationales telles que des agences de l’ONU (ONUSIDA, PNUD, UNESCO et ONU Femmes, entre autres).

Des militants

Comment les RMB sont-elles perçues à New York ? «Je pense qu’on nous prend pour des militants. Ce n’est pas mauvais. Ils nous savent déterminés et nous faisons la démonstration que le mouvement de l’économie sociale et solidaire est présent partout dans le monde. Ils trouvent qu’on brasse la cage un peu.»

M. Larose fait d’ailleurs remarquer que les entreprises et les organismes du secteur de l’ÉSS ont su, plus que d’autres, résister à la crise financière de 2008. «Toutes les agences nous l’ont confirmé. Et par ailleurs — je mets ici mon chapeau de syndicaliste — on notera que c’est dans ce secteur de l’économie qu’on retrouve les meilleures conditions de travail et salariales. C’est une économie collective et communautaire. C’est une économie qui poursuit des objectifs, qui a des finalités sociales. C’est également une économie qui est plurielle. Elle est innovante, elle est mature.»

Des pelleteux de nuages ?

Le passage à New York du groupe-pilote était aussi une occasion de faire tomber certains préjugés qu’on accole à l’ÉSS. Quand on lui fait remarquer que parfois les entreprises de ce secteur sont perçues comme des « pelleteux de nuages », M. Larose répond par l’affirmative. «Oui, oui, c’est vrai. Mais, par contre, quand on fait la démonstration que les entreprises de ce secteur représentent 10% du PIB, qu’au Québec c’est l’ÉSS qui amasse le plus d’épargne par l’entremise du Mouvement Desjardins et que l’agriculture au Québec se pratique en mode social et solidaire à hauteur de 70% — pensons à Agropur et la Coopérative fédérée — là on s’aperçoit qu’on est dans les ligues majeures!», lance d’un souffle Gérald Larose, qui poursuit sur sa lancée en rappelant que l’ÉSS, c’est également le commerce équitable. «On est en train de révolutionner un peu les rapports Nord-Sud avec des échanges internationaux dans le domaine du café et des fleurs, entre autres.»

Gérald Larose rappelle avec raison que la bonne conduite de l’ÉSS ne va pas sans l’apport des femmes, au Québec comme ailleurs. «Les femmes sont fondamentalement présentes dans ce secteur. Je pense à l’Afrique, où l’économie est une réalité de femmes. Elles sont majoritaires dans cette économie.»

La journée du 6 octobre

Tout juste débarqué de New York, Gérald Larose sera sous peu à Québec avec son association, les RMB, dans le cadre des rendez-vous du Sommet international des coopératives. À cette occasion, la Chaire de recherche en développement des collectivités de l’Université du Québec en Outaouais organise un événement, le 6 octobre, sur le thème de la transition écologique et de la solidarité internationale. «Je souhaite que cette rencontre du 6octobre de même que ce Sommet international des coopératives, note Gérald Larose, soient des occasions pour que les gens prennent la mesure de la puissance — disons-le ainsi — qu’ils ont entre les mains pour influer sur un nouveau type de développement économique.»

Les RMB

Mise sur pied en 2005, l’association Les Rencontres du Mont-Blanc – Forum international des dirigeants de l’économie sociale et solidaire est née de la volonté de dirigeants d’entreprises sociales et solidaires de se rassembler pour construire des projets conciliant efficacité sociale, civique, écologique et économique. Des événements bisannuels sont organisés à travers le monde, lors desquels des échanges ont lieu autour d’un grand thème.

Il résulte toujours de ces événements des idées et des engagements. En 2013, lors de leur dernière rencontre, tenue à Chamonix, en France, les participants s’étaient entendus pour engager «des actions de lobbying pour que, dans tous les pays, des lois sur l’ÉSS soient votées et que les indicateurs des entreprises des ÉSS soient intégrés dans les systèmes nationaux de statistiques». Il était aussi question de renforcer les alliances entre les banques coopératives et les nouveaux systèmes de financement (crowdfunding) pour développer les capacités de financement de l’ÉSS.

L’implantation de la démocratie passe par une réforme de l’économie

L’IRASD travaille sur cette analyse depuis des années et il est clair qu’aucune démocratie ne peut s’implanter ni survivre tant et aussi longtemps que le système économique sera établi sur des fondations monétaires et capitalistes.

Nous avons d’ailleurs publié une analyse concernant les inégalités économiques :
https://irasd.wordpress.com/2014/09/30/les-inegalites-symptome-de-lechec-social-du-modele-economique-monetaire-capitaliste/

Nous invitons le lecteur à prendre connaissance des solutions préliminaires proposées par le CCU en 2012 que l’IRASD va analyser afin de mesurer ses interactions potentielles dans le système humain pour éviter de reporter de nouveaux problèmes sociaux et déterminer la faisabilité sociale. Ces solutions sont toutefois déjà viables et durables tout en assurant l’évolution rapide de la civilisation humaine tout en soutenant sa pérennité :
http://ccuucc.wordpress.com/economie/

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http://www.ledevoir.com/economie/actualites-economiques/419844/la-democratie-passe-par-l-economie

La démocratie passe par l’économie

« Nous n’avons aucune chance d’avancer vers le développement durable si l’économie et la société tournent autour de la surconsommation », estime le professeur d’épidémiologie Richard Wilkinson.

L’inégalité économique est un fléau pour la société : selon Richard Wilkinson, professeur émérite d’épidémiologie sociale à l’Université de Nottingham et à l’University College de Londres, une société en bonne santé est une société démocratique. Mais, loin de se réduire à la sphère politique, la démocratie doit aussi être l’affaire des entreprises : l’avenir de nos sociétés, et de la planète, en découle.

Auteur du livre L’égalité, c’est la santé, Richard Wilkinson estime que le prochain grand projet de l’humanité se situe du côté de l’économie et qu’il est urgent «d’étendre la démocratie à la sphère économique». Le professeur accuse en premier lieu les inégalités salariales, fléau qui gangrène la société à de multiples niveaux. «Dans certaines grosses entreprises, le ratio salarial entre le p.-d.g. et un petit employé est de 300, voire 400 contre 1. C’est extrêmement néfaste: d’un point de vue psychosocial, il n’y a pas de façon plus forte de dire à un pan entier de la population qu’il ne vaut presque rien. C’est monstrueux», avance-t-il. De telles inégalités contribuent à ce qu’un sentiment de supériorité s’installe en haut de l’échelle, tandis qu’un sentiment d’infériorité en ronge le bas.

Or ces inégalités ont des conséquences graves, notamment en alimentant une anxiété permanente et une obsession du statut social, particulièrement chez les jeunes. «Les inégalités salariales affectent le tissu social en encourageant la compétition et l’insécurité.» Plus une société est inégalitaire, plus cette obsession sociale se fait sentir, jusque dans la façon dont ses membres «s’inquiètent de la façon dont ils sont perçus et jugés». Dans les sociétés les plus inégalitaires, ces considérations s’immiscent dans la vie privée : «les hommes et les jeunes femmes choisissent leur conjoint en accordant une plus grande priorité à des considérations financières que dans les sociétés plus égalitaires. L’ensemble du tableau devient dominé par ce genre d’enjeu.»

Et la santé du pays en pâtit. Le professeur fait état de plus de violence, de maladies mentales, de prison, de grossesses précoces ou de toxicomanie dans les sociétés inégalitaires, et ce, à tous les niveaux de l’échelle sociale. «Nous sommes tous affectés par les inégalités, explique-t-il. Réduire les inégalités salariales aurait un impact positif sur la qualité de vie de l’ensemble des citoyens.»

Inévitablement, la surimportance du statut social alimente l’engrenage de la surconsommation, obstacle majeur au développement durable. De plus, la surconsommation a des effets psychologiques non négligeables. En effet, «ceux qui passent le plus de temps à magasiner et qui dépensent trop ne sont pas heureux: ils vivent dans l’insécurité permanente et non dans le bien-être». D’autant plus que, pour satisfaire leurs aspirations matérielles, ces personnes auront tendance à travailler de plus longues heures, à épargner moins et à s’endetter davantage.

C’est donc l’ensemble de notre rapport à l’économie que nous devons repenser. «Nous devons défaire le pacte de surconsommation entre les compagnies et les consommateurs. Les consommateurs y tiennent, car elle est devenue synonyme de réussite. Les compagnies l’encouragent, car elles veulent faire de plus gros profits. Nous n’avons aucune chance d’avancer vers le développement durable si l’économie et la société tournent autour de la surconsommation.»

À l’échelle mondiale, des solutions à court terme existent, affirme-t-il. En premier lieu, il faut s’attaquer aux paradis fiscaux et à la fraude fiscale. Mais nous devons surtout penser au «prochain grand projet de l’émancipation humaine»: l’extension de la démocratie dans le milieu du travail. Et les coopératives sont une bonne porte d’entrée pour le faire, notamment parce qu’on y fait état de moins d’inégalités salariales. Richard Wilkinson cite également la présence d’employés dans les conseils d’administration et dans les instances décisionnelles des entreprises, ainsi que le rachat de compagnies par des employés. «Plusieurs pays de l’Europe de l’Ouest ont légiféré pour exiger qu’il y ait des représentants d’employés dans les conseils d’administration. Mais, à l’exception de pays comme l’Allemagne, ce phénomène demeure malheureusement trop léger. Et, dans des pays comme l’Angleterre et les États-Unis, ça n’existe pas du tout. Nous devons nous concentrer là-dessus. Il faut également encourager le développement d’entreprises démocratiques, comme les coopératives.»

Et, contrairement aux idées reçues, une entreprise démocratique n’est pas forcément une entreprise en mauvaise santé économique. Au contraire, «les études montrent que les compagnies égalitaires ont une meilleure productivité, car les conditions de travail y sont favorables. Lorsque des employés rachètent leur compagnie, celle-ci cesse d’être considérée comme la propriété de quelqu’un, pour devenir une communauté. C’est important. De nombreuses compagnies s’en sortiraient mieux s’il n’y avait pas d’énormes inégalités salariales.»

Mais une telle évolution va nécessiter «des luttes, des lois, des campagnes et des politiques publiques». Peine perdue ? Loin de là : aux États-Unis, pourtant au banc des mauvais élèves, un ou deux États ont imposé une taxe supplémentaire aux entreprises qui ont de plus grandes inégalités salariales. Les entreprises qui ont moins d’inégalités salariales bénéficient au contraire d’avantages fiscaux. «Nous devons aller dans ce sens-là, favoriser les entreprises plus démocratiques et accorder des prêts à des employés souhaitant racheter une entreprise.»

Malheureusement, le monde continue d’avancer dans la mauvaise direction. Même les bons élèves, comme les pays scandinaves et le Japon, perdent du terrain. «Les pays ont tendance à devenir de plus en plus inégalitaires. C’est une grande perte pour la qualité de vie et notre société.»

L’économie capitaliste n’a pas d’autre choix que de se réformer

Tiens donc… Le message passe!

« Pour affronter les nouveaux défis qui menacent la planète, l’économie capitaliste, telle qu’on la pratique aujourd’hui, n’a pas d’autre choix que de se réformer. »

Mais il ne faut pas faire n’importe quoi, n’importe comment. Il est nécessaire que l’humanité se dote d’objectifs afin d’élaborer des solutions qu’il faudra planifier avec un agenda agressif d’implantation serrée.

C’est la mission de l’IRASD : https://irasd.wordpress.com/mission/

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http://www.ledevoir.com/economie/actualites-economiques/419850/les-cooperatives-fer-de-lance-de-l-economie-verte

Les coopératives, fer de lance de l’économie verte

La Bourse de Toronto a mis en place un nouvel indice tenant compte des émissions de carbone pour guider les investisseurs vers des actions d’entreprises à faibles émissions de carbonne

Pour affronter les nouveaux défis qui menacent la planète, l’économie capitaliste, telle qu’on la pratique aujourd’hui, n’a pas d’autre choix que de se réformer. Et les coopératives, en particulier les coopératives financières, pourraient être le fer de lance de cette transformation du capitalisme.

C’est ce qu’avance Toby Heaps, président-directeur général et cofondateur de l’entreprise torontoise Corporate Knights, éditrice d’un magazine sur l’économie verte et également agence de notation écologique. Il viendra présenter une étude à ce sujet, réalisée par Corporate Knights, dans le cadre d’un forum au Sommet international des coopératives.

Commençons d’abord par mettre la table. Quels sont ces nouveaux défis ? «Selon l’Agence internationale de l’énergie, explique-t-il, l’économie mondiale devrait investir, d’ici 2050, 1000milliards de dollars américains chaque année dans l’énergie renouvelable, dans l’efficacité énergétique et dans les infrastructures à faibles émissions de carbone, si on veut s’assurer que la température de la planète n’augmente pas de plus de 2 degrés Celsius.»

Mais où trouver ce capital de 1000 milliards par année, qu’on nomme maintenant, dans les milieux financiers, le « billion vert » ou le « billion propre » ? Il faudrait, dans un premier temps, un changement dans la mentalité des investisseurs, croit Toby Heaps. «Selon la firme Mercer Investment Consulting, il est aujourd’hui considéré comme prudent pour un actionnaire individuel de transférer 40% de son portefeuille vers des actions liées à des investissements verts, par exemple dans des entreprises d’énergie de sources renouvelables ou dans des entreprises engagées dans le transport collectif. De même, on suggère aux investisseurs institutionnels de faire la même opération de transfert pour 2% de leurs actifs. Dans les deux cas, l’effort à consentir n’est pas énorme, d’autant plus que ces investissements verts affichent un seuil de rentabilité comparable aux investissements traditionnels.»

Autres mesures économiques vertes

Selon Toby Heaps, les investisseurs, qu’ils soient individuels ou institutionnels, ont aujourd’hui à leur disposition des produits et des outils pour effectuer ce transfert. Au premier chef, il nomme les obligations vertes. «De plus en plus de gouvernements et d’entreprises émettent sur le marché obligataire des obligations vertes. Hydro-Québec le fait et la province de l’Ontario s’apprête à le faire. C’est le cas aussi d’entreprises privées comme Toyota et Unilever. Ces obligations rapportent le même taux d’intérêt que les obligations ordinaires. Par contre, contrairement aux obligations ordinaires, les obligations vertes garantissent aux acheteurs que les capitaux ainsi amassés seront uniquement investis dans des projets verts. Par exemple, les obligations vertes de l’Ontario serviront à développer le transport collectif et les obligations vertes de Toyota sont investies dans la recherche pour améliorer la voiture électrique.»

Une autre stratégie que peuvent emprunter les investisseurs est de concentrer une part de leurs investissements sur le marché boursier dans des actions d’entreprises à faibles émissions de carbone. « Déjà, pour aider l’investisseur à s’y retrouver, l’indice TSX de la Bourse de Toronto a mis en place un nouvel indice qui tient compte des émissions de carbone. Ainsi, les entreprises performantes à cet égard reçoivent une meilleure cote que celle attribuée aux entreprises moins performantes.»

Les investisseurs institutionnels, qui ont tous dans leur portefeuille d’importants investissements dans l’immobilier, devraient aussi revoir leur pratique dans ce secteur. «Nous suggérons que ces investisseurs institutionnels commencent d’abord par tenir compte de l’efficacité énergétique des immeubles dans lesquels ils investissent, pour ensuite investir une partie de ce portefeuille dans des immeubles écoresponsables. C’est d’ailleurs ce qu’a choisi de faire CalPers, le fonds d’investissement des employés publics de la Californie.»

Toby Heaps souhaite aussi que les établissements prêteurs augmentent considérablement les prêts consentis aux entreprises vertes. «Il y a là maintenant d’excellentes occasions d’affaires, sans compter que plusieurs des entreprises engagées dans l’économie verte sont des coopératives.»

Le rôle des coopératives

Et on revient au rôle que peuvent jouer les coopératives dans cette transformation de l’économie capitaliste. Selon Toby Heaps, il y a deux raisons pour lesquelles les coopératives peuvent ici faire une différence. La première, c’est leur philosophie. «Les coopératives, avec leur structure de type un membre un vote, sont plus ouvertes à ce genre d’idée. Ensuite, comme elles ne sont pas inscrites en Bourse, elles ne sont pas assujetties aux diktats du marché boursier. De plus, elles ne visent pas uniquement le rendement à court terme et peuvent donc mieux envisager des stratégies d’investissement à long terme.»

La seconde raison, c’est leur taille. «Les coopératives financières dans le monde gèrent des actifs d’environ 10000 milliards de dollars américains. Et c’est sans compter les milliers de milliards en actifs que détiennent les coopératives oeuvrant dans d’autres secteurs. Il s’agit là de très importants actifs. Par exemple, on suggère aux coopératives de commencer par transférer vers des investissements verts environ un demi-point de pourcentage, pour atteindre en 2017 la proportion de 5%. Si on fait le calcul, 5% de 10000 milliards, ce sont 500milliards, soit la moitié des 1000milliards verts qu’on doit investir chaque année.»

Selon Toby Heaps, la stratégie pour recueillir ces 1000 milliards verts commence d’abord par la prise de conscience des investisseurs de l’empreinte écologique de leurs investissements. «L’Engagement de Montréal sur le carbone, qui vient d’avoir lieu, est un premier pas dans cette direction.» Le second élément de cette stratégie consiste à mettre en place un plan visant à convertir 5 % des actifs en investissements verts. «Et c’est justement ici que les coopératives ont un rôle stratégique à jouer. En commençant dès aujourd’hui à convertir leurs actifs en investissements verts, et grâce à la taille de leurs actifs. Les coopératives peuvent enclencher le bal et produire un effet d’entraînement sur le marché financier.»

L’austérité a échoué | Joseph Stiglitz | Votre opinion

Nous n’ajouterons rien… C’est clair!

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http://www.lapresse.ca/debats/votre-opinion/201409/29/01-4804704-lausterite-a-echoue.php

L’austérité a échoué

« Toute la souffrance infligée aux Européens -... (PHOTO DANIEL ROLAND, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE)

Selon un vieil adage, si les faits ne correspondent pas à la théorie, il faut changer la théorie. Mais trop souvent il est plus facile de garder la théorie et de changer les faits. C’est en tout cas ce que semblent croire la chancelière Angela Merkel et d’autres dirigeants européens partisans de l’austérité. Malgré les faits qui sautent aux yeux, ils continuent à nier la réalité.

L’austérité a échoué. Mais ses défenseurs prétendent le contraire sur la base de la preuve la moins tangible qui soit : l’économie n’est plus en chute libre. Mais si tel est le critère utilisé, on pourrait tout aussi bien affirmer que sauter d’une falaise est le meilleur moyen d’arriver en bas.

Toute crise se termine un jour. Il ne faut donc pas conclure à la réussite d’une politique du seul fait de la reprise économique, mais l’évaluer à l’aune des dommages dus à la crise et du temps qu’il aura fallu pour en sortir.

De ce point de vue, l’austérité a été un désastre complet. C’est évident si l’on considère les pays de l’Union européenne qui sont à nouveau au bord de la stagnation, si ce n’est d’une récession à triple creux, avec un chômage qui reste à des sommets et dans beaucoup de pays un PIB réel par habitant (corrigé de l’inflation) toujours inférieur à son niveau d’avant-crise. Même dans les pays qui s’en sortent le mieux comme l’Allemagne, depuis la crise de 2008, la croissance est tellement faible que dans d’autres circonstances on la qualifierait de lamentable.

Les pays les plus touchés sont en dépression. Il n’y a pas d’autres mots pour décrire l’économie de l’Espagne ou de la Grèce, où près d’un quart de la population (et plus de la moitié des jeunes) est au chômage.

Il y a trois ans, les Français ont voté en faveur du changement. À la place du changement, ils subissent une dose supplémentaire d’austérité au bénéfice des entreprises. L’une des propositions les mieux enracinées en matière d’économie est de rechercher un multiplicateur budgétaire équilibré, soit l’augmentation simultanée des impôts et des dépenses pour stimuler l’économie. Ce multiplicateur peut être particulièrement élevé si les impôts visent les riches et que les dépenses sont orientées vers les pauvres.

Mais sous les applaudissements de l’Allemagne, le soi-disant gouvernement socialiste de la France baisse la fiscalité des entreprises et diminue les dépenses – une recette pour affaiblir l’économie presque à coup sûr.

Cette politique repose sur l’idée que la baisse de la fiscalité des entreprises va stimuler l’investissement. C’est une absurdité. C’est l’insuffisance de la demande qui limite l’investissement (tant aux États-Unis qu’en Europe), et non les impôts. Étant donné que la plupart des investissements sont financés par la dette et que le versement des intérêts est déductible d’impôt, le niveau de la fiscalité des entreprises n’a que peu d’effet sur l’investissement.

Toute la souffrance infligée aux Européens – au service d’un artifice créé par l’homme, à savoir l’euro – est d’autant plus tragique qu’elle est inutile. L’Allemagne et d’autres faucons ont doublé la mise sur l’austérité, jouant l’avenir de l’Europe sur une théorie discréditée de longue date alors que les preuves de son inefficacité s’accumulent. Inutile d’en fournir des exemples supplémentaires aux économistes !

© Project Syndicate

L’écosocialisme comme projet politique? Une piste à analyser…

Sans architecture sociale, il est présomptueux de proposer des solutions, si bonnes puissent elles paraître.

Mais certaines idées valent la peine d’être analysées…

Il faudra les peaufiner pour atteindre nos objectifs de civilisation!

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http://ecosocialisme.ca/feedeco/lecosocialisme-projet-politique/#.VCxjxd2y6K1

L’ÉCOSOCIALISME COMME PROJET POLITIQUE

Par Jonathan Durand Folco

Le projet écosocialiste part de l’idée que la présente crise écologique, sans précédent dans l’histoire de l’humanité, ne pourra être résorbée sans la remise en question du système économique, politique et social qui lui a donné naissance et qui nous y renferme toujours davantage : le capitalisme. Le mot d’ordre « system change, not climate change » résume dans sa plus simple expression l’impératif de notre temps, soit le dépassement du mode de production qui conduit à l’épuisement des « deux sources d’où jaillissent toute richesse : la terre et le travailleur »1.

Mais la théorie critique qui consiste à expliquer les mécanismes complexes qui relient l’exploitation du travail, la marchandisation des biens communs, la surexploitation des ressources naturelles, le militarisme, l’érosion de la démocratie, le productivisme, le consumérisme, l’externalisation des conséquences sociales et environnementales et la privatisation des profits, ne saurait suffire à changer le système par le seul pouvoir de la raison négative. Ce qu’il manque cruellement depuis l’effondrement des régimes communistes et les dérives de la social-démocratie reconvertie aux préceptes de l’économie de marché, c’est la présence d’une alternative globale et positive à la société capitaliste.

Par ailleurs, la solution à la catastrophe écologique ne peut se limiter à un mode de vie basé sur la simplicité volontaire, la critique culturelle de la société de consommation ou la constatation que la croissance infinie est impossible dans un monde fini. Bien qu’une partie importante de la population serait prête à accepter l’idée que l’organisation de notre société repose sur un mode de production non soutenable, Frederic Jameson rappelle qu’il « est plus facile d’imaginer la fin du monde que la fin du capitalisme ». Le fatalisme formulé par la célèbre phrase de Margaret Thatcher – there is no alternative – continue d’exercer son hégémonie sur l’imaginaire collectif alors qu’il devient absolument nécessaire d’envisager une alternative radicale à l’ordre dominant.

Il est donc nécessaire de forger une nouvelle vision du monde, un ensemble d’idées générales et cohérentes capables d’interpréter le monde actuel pour mieux le transformer. Cette vision ne peut reposer uniquement sur l’addition des luttes sociales en cours, la juxtaposition des identités opprimées (femmes, indigènes, immigrants, LGBT, etc.), ou une combinaison des revendications de la société civile réunies dans une plateforme électorale. Il faut avant tout un projet politique, c’est-à-dire une philosophie commune permettant d’unifier les mouvements populaires dans une perspective d’émancipation sociale. La transformation à large échelle des rapports sociaux implique nécessairement la construction de nouvelles institutions, et donc la conquête du pouvoir politique.

Or, les deux seuls mouvements de gauche qui ont été capable de gouverner au XXe siècle, le socialisme révolutionnaire et la social-démocratie, ont lamentablement échoué à instaurer une société libre, égalitaire, écologique et démocratique. C’est pourquoi l’écosocialisme ne peut se contenter de saupoudrer le marxisme d’un brin d’écologisme en parlant de changement climatique, de restauration des écosystèmes et de justice environnementale, bien que ces sujets soient de première importance. Il faut avant tout interroger les mécanismes responsables de la dérive productiviste, bureaucratique et anti-démocratique des régimes politiques qui se réclamaient jadis des idéaux émancipateurs du mouvement ouvrier.

Le problème ne consiste pas à se demander si nous pouvons ou non abolir théoriquement le système capitaliste, mais à réfléchir plus profondément sur la manière pratique de le dépasser. Entendons-nous d’abord sur une définition minimale du capitalisme : il s’agit d’une structure économique fondée sur deux institutions distinctes mais intimement reliées. D’une part, la propriété privée des moyens de production divise la société en deux classes, soit les propriétaires (patrons) et les non-propriétaires qui sont obligés de vendre leur force de travail (salariés). D’autre part, le marché représente le principal mécanisme de coordination des activités économiques par l’auto-régulation des prix, en étendant la valeur d’échange et la catégorie de marchandise à l’ensemble de la vie sociale. C’est pourquoi le capitalisme est non seulement un système économique, mais une forme de société où toutes les sphères de la vie humaine se retrouvent encastrées dans le marché, pour reprendre l’expression de Karl Polanyi.

Le socialisme révolutionnaire ou communisme, tel que défini par Karl Marx et Engels dans le Manifeste du Parti communiste, représente la tentative la plus radicale pour renverser la société capitaliste, fondée sur la propriété privée et le marché, grâce au pouvoir despotique de la propriété étatique et la planification centralisée. « Nous avons déjà vu plus haut que le premier pas dans la révolution ouvrière est la constitution du prolétariat en classe dominante, la conquête de la démocratie. Le prolétariat se servira de sa suprématie politique pour arracher peu à peu à la bourgeoisie tout capital, pour centraliser tous les instruments de production entre les mains de l’État, c’est-à-dire du prolétariat organisé en classe dominante, et pour augmenter au plus vite la masse des forces productives. Cela ne pourra se faire, naturellement, au début, que par une intervention despotique dans le droit de propriété et les rapports bourgeois de production, c’est-à-dire par des mesures qui économiquement paraissent insuffisantes et insoutenables, mais qui, au cours du mouvement, se dépassent elles-mêmes et sont inévitables comme moyen de bouleverser le mode de production tout entier. »2

Cette idéologie repose sur une conception téléologique de l’histoire, une vision optimiste de l’industrialisation selon laquelle le développement technique et le plein déploiement des forces productives, de plus en plus entravées par la propriété privée et l’anarchie du marché, pourrait assurer un progrès économique et social via une rationalisation accélérée du travail et une planification centralisée. Le mouvement du capitalisme ferait ainsi naître, par un renversement révolutionnaire, une société communiste. « À la place de l’ancienne société bourgeoise, avec ses classes et ses antagonismes de classes, surgit une association dans laquelle le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous. »3

Cette conception faisait dire à Lénine que « le communisme, c’est le pouvoir des Soviets plus l’électrification du pays », et à Trotsky que « le taylorisme, comme technique d’organisation du travail, est mauvais dans son usage capitaliste et bon dans son usage socialiste. » Nous voyons aisément pourquoi cet imaginaire productiviste privilégiait l’industrialisation, la militarisme, l’organisation hiérarchique du travail, la croissance économique et la conquête spatiale, au détriment de la réduction du temps de travail, l’autogestion, la décentralisation, l’agriculture paysanne, la démocratie directe et d’autres formes de mécanismes de décision qui auraient permis aux communautés et aux classes populaires de se gouverner elles-mêmes. Ce n’était pas les travailleurs librement associés et les citoyens qui dirigeaient la société, mais le Parti-État qui vise à triompher du capitalisme par le développement technologique, la course aux armements, l’endoctrinement idéologique et la conquête du monde.

Il faut comprendre que cette dérive des régimes du « socialisme réellement existant » n’est pas une simple erreur de parcours due à des facteurs conjoncturels comme des individus malintentionnés, une bureaucratisation mal contrôlée ou d’autres contextes historiques spécifiques, mais le résultat d’un biais structurel découlant d’une conception étatiste du socialisme. L’abolition de la propriété privée était comprise à partir de la dictature du prolétariat, l’étatisation des moyens de production et la répression impitoyable de la bourgeoisie, comme l’affirme clairement Lénine dans l’État et la révolution. Ce « socialisme par le haut » est non seulement incompatible avec l’égalité sociale et la démocratie, mais avec les contraintes écologiques parce qu’elle empêche toute forme de délibération publique et de contrôle populaire sur des questions aussi essentielles que le niveau de consommation, la croissance économique et la protection de l’environnement.

C’est pourquoi l’écosocialisme exige de repenser non seulement la propriété du système de production et d’échange, mais aussi le contenu des productions et les modes de consommation. Ce projet de société alternatif au capitalisme doit troquer l’étatisation des moyens de production par la planification démocratique et décentralisée de l’économie, car elle seule permettrait de sortir du paradigme de la croissance infinie en réduisant certaines productions et consommations porteuses d’une empreinte écologique inacceptable. S’il faut rompre avec la dictature de la propriété privée et du marché, il faut également critiquer le productivisme, le consumérisme, la publicité et la marchandisation généralisée qui conduisent à des gaspillages destructeurs pour la société et l’environnement.

Mais une fois que nous avons dénoncé les dérives autoritaires de l’étatisme et le mythe du progrès dont il était porteur, que reste-t-il ? L’écosocialisme ne peut être la simple négation du bon vieux socialisme, jumelée aux slogans du développement durable et de la démocratie participative. Or, ce piège est précisément celui de la social-démocratie verte dans lequel la plupart des groupes environnementalistes, des partis verts et des organisations citoyennes sont en train de s’enfoncer. Si la social-démocratie verte a le mérite de rejeter les dogmes du néolibéralisme qui vise la marchandisation intégrale de la société et la nature, de même que l’austérité qui conduit à l’explosion des inégalités sociales, elle ne remet pas en question le cœur du problème, soit les lois d’accumulation de la valeur, le primat du gouvernement représentatif, et les insuffisances des régulations du marché par l’État.

La social-démocratie, en tant que capitalisme partiellement étatisé ou d’étatisme moyennement privatisé, ne repose pas sur la défense des biens communs, l’auto-gouvernement populaire, l’auto-organisation citoyenne, la démocratie locale et industrielle, l’économie sociale et solidaire inscrite dans des réseaux de proximité et le territoire. Elle reproduit encore la même dichotomie entre le marché et l’État, le privé et le public, en insistant sur la nationalisation, la défense des entreprises étatiques et la prédominance de l’appareil administratif sur la vie sociale et économique. Il ne s’agit pas ici de rejeter en bloc les institutions nationales, les entreprises publiques et les mécanismes de sécurité sociales héritée de l’époque des Trente glorieuses et de l’État-providence, mais de constater que celles-ci sont nées dans un contexte de croissance économique et d’un certain compromis entre les intérêts du capital et du travail, deux facteurs constitutifs qui ne sont plus présents aujourd’hui, et ne pourront plus revenir au XXIe siècle qui sera marqué par la crise écologique et la disparation de la société d’abondance.

Pour le meilleur et pour le pire, nous entrons dans un nouveau monde, que nous devrons construire nous-mêmes afin de ne pas être soumis aux guerres impérialistes pour la conquête des ressources naturelles et énergétiques, à la fermeture des frontières pour limiter les migrations de réfugiés climatiques, économiques et politiques, à la domination du modèle extractiviste et à la financiarisation des catastrophes environnementales. De plus, nous ne pouvons pas attendre un éventuel effondrement du capitalisme, à cause de l’épuisement des hydrocarbures ou d’une grande crise financière, car ce système a toujours réussi à profiter des crises pour se relancer sur de nouvelles bases. Pourtant, nous pouvons miser sur le fait que le prochain siècle sera marqué par l’intensification systémique de la crise, que ce soit au niveau politique, économique, énergétique, social, culturel et environnemental. Le capitalisme ne sera plus capable de « livrer la marchandise », c’est-à-dire d’assurer le confort matériel pour la majorité sociale et la prospérité générale. Avec la perte de légitimité de sa principale idéologie, le néolibéralisme, le système devra de plus en plus recourir à la force pour se maintenir. La montée des grandes contestations populaires depuis 2011 en est le premier signe annonciateur.

Dans ce contexte historique que nous pouvons apercevoir dès maintenant sous nos yeux, l’aveuglément de la social-démocratie ne consiste pas à revendiquer des réformes (car nous en avons cruellement besoin !), mais à penser que la transition sociale et écologique se fera en douceur, graduellement, par voie électorale, sans remise en question des puissants intérêts établis, de l’oligarchie politique et économique qui nous dirige sans scrupules. Il ne s’agit pas non plus d’opposer abstraitement réformes et révolution, mais de concevoir que la justice sociale et la préservation des écosystèmes ne pourront être assurées sans une transformation radicale du système économique et politique dans lequel nous vivons. Cela nécessite de penser aux modalités d’une reconversion écologique des industries, d’une réforme agraire véritable, d’une révolution fiscale permettant d’inverser les priorités sociales en faveur des classes populaires, ainsi qu’une décentralisation massive des décisions politiques, sociales et économiques.

Mais plus fondamentalement, au-delà du programme que nous mettrons de l’avant, nous devons envisager une nouvelle perspective stratégique permettant de forger des alliances robustes non seulement entre différents groupes de gauche, les mouvements sociaux et les comités citoyens, mais avec les classes moyennes et populaires sans lesquelles nous ne pourrons former une majorité sociale. Cela suppose également de réfléchir sérieusement à la forme d’organisation pratique d’un tel mouvement, soit la définition collective du véhicule politique qui pourra servir de plateforme aux multiples initiatives qui luttent déjà pour un réel changement social. Il n’y a pas de projet politique sans parti politique, c’est-à-dire sans une organisation permettant de rassembler les citoyens par une philosophie commune visant à transformer les institutions pour réaliser un projet de société.

Or, à l’heure de la crise de légitimité des institutions démocratique et du système des partis, qui se manifeste autant par le cynisme, l’apathie, l’absentéisme, mais également par les mobilisations populaires ferventes de démocratie directe et farouchement opposées à toute forme de réduction idéologique, il semble quelque peu illusoire, au mieux téméraire, de recourir à la forme du parti pour relancer un mouvement politique d’ampleur. Par ailleurs, le décalage entre les mouvement sociaux et les partis politiques semble toujours plus prononcé, les premiers étant cantonnés dans une sphère de contestation toujours plus réduite, surveillée et réprimée, les seconds étant de plus en plus tentés par les sirènes de l’électoralisme, les positions plus consensuelles et l’obligation de donner l’image de bons gestionnaires des coffres de l’État.

Comment dépasser cette dichotomie rigide entre mouvements sociaux et partis politiques, la séparation croissante entre la rue et les urnes ? Une piste de recherche s’ouvre actuellement en Catalogne et en Espagne, avec de nouvelles formations fort originales comme la Candidatura Unitat Popular (CUP) et Podemos. D’un côté, la CUP est un parti anticapitaliste, indépendantiste, féministe, écologiste et anti-impérialiste, qui présente des candidatures dans l’ensemble des municipalités du territoire catalan. Ce parti ne fait pas que promouvoir la démocratie participative comme un supplément inoffensif au gouvernement représentatif, mais la comprend comme une transformation radicale de la culture politique. Sa volonté déclarée est de jouer le rôle d’un « cheval de Troie » des classes populaires dans les conseils municipaux et l’appareil d’État, par le biais de candidat(e)s directement branché(e)s sur les assemblées locales. Son action politique est extrêmement démocratique : les députés ne peuvent obtenir plus d’un mandat, leur rémunération ne doit pas dépasser 1600€ par mois, les activités parlementaires sont soumises à la consultation permanente des militant(e)s, il y a un non-cumul des postes à l’interne, etc. Leur objectif ultime est de créer de mécanismes de démocratie directe, active et participative au niveau des institutions, de simplifier les structures administratives à travers la dissolution de conseils provinciaux, et les remplacer par les municipalités, les comtés et autres institutions supra-municipales comme bases d’une politique de proximité. Autrement dit, la CUP défend les municipalités comme les seules institutions qui restent à la portée du peuple, en promouvant le municipalisme comme outil de transformation sociale.

L’autre exemple majeur est sans aucun doute la formation espagnole Podemos, une alternative aux partis de gauche traditionnels qui a remporté 8% des voix lors des dernières élections européennes de mai 2014, et ce seulement après quatre mois d’existence. À quoi ce nouveau venu doit-il son succès ? Tout d’abord, Podemos émane du mouvement des Indignés (15-M), de l’initiative de groupes anticapitalistes et d’un réseau de militant(e)s proches de la télévision web indépendante La Tuerka, fondée par un jeune professeur charismatique en sciences politiques, Pablo Iglesias. « Son fonctionnement favorise la participation politique du peuple, organisant des élections primaires ouvertes, l’élaboration d’un programme politique participatif, la constitution de plus de 400 cercles et assemblées populaires dans le monde entier. Podemos obtient ses ressources exclusivement de contributions populaires, refusant tout prêt bancaire, et toute sa comptabilité est publique et accessible en ligne (podemos.info). Tous ses représentants seront révocables, et soumis à la stricte limitation de leurs mandats, leurs privilèges et leurs salaires. »4

Selon Pablo Iglesias, ce qui différencie Podemos de ses concurrents comme Izquierda Unida, « ce n’est pas tant le programme. Nous voulons un audit de la dette, la défense de la souveraineté, la défense des droits sociaux pendant la crise, un contrôle démocratique de l’instrument monétaire… Ce qui nous différencie, c’est le protagoniste populaire et citoyen. Nous ne sommes pas un parti politique, même si nous avons dû nous enregistrer comme parti, pour des raisons légales, en amont des élections. Nous parions sur le fait que les gens « normaux » fassent de la politique. Et ce n’est pas une affirmation gratuite : il suffit de regarder le profil de nos eurodéputés pour s’en rendre compte (parmi les cinq élus, on trouve une professeur de secondaire, un scientifique, etc.) ».5

La particularité de ce parti « nouveau genre » ne réside donc pas dans son idéologie ou son projet de société, mais dans son modèle d’organisation souple et horizontal. Il représente une « innovation politique » qui dépasse la séparation traditionnelle entre le parti et les mouvements sociaux, en traduisant les pratiques de démocratie participative et délibérative des grandes contestations populaires amorcées en 2011 sur le plan institutionnel. Il représente en quelque sorte la « forme politique enfin trouvée » de l’émancipation populaire ; les luttes sociales et initiatives citoyennes peuvent dès lors dépasser leur méfiance du pouvoir et des partis pour construire directement et collectivement un projet politique capable de se confronter aux urnes tout en restant ancré à la base par des « cercles ». « Pas de nombre minimum de participants, pas besoin d’affiliation, ni de donner son identité seulement un nom et une adresse mail suffisent pour faire partie d’un cercle. À la veille des élections, 400 cercles virtuels s’étaient constitués de manière spontanée. Le parti Podemos n’a pas de bâtiment ni de lieux physiques. Les rencontres et assemblées se programment sur Internet et se font dans la rue sur des places. […] Le parti vit grâce aux réseaux sociaux, mais ne les utilisent pas comme un moyen de propagande, sinon comme un moyen pour s’organiser »6.

Quelles leçons doit-on tirer pour le projet écosocialiste ? Tout d’abord, les militant(e)s ne doivent pas se concentrer sur l’élaboration du programme, mais sur la formation d’une structure démocratique qui pourra faire vivre un nouveau protagoniste citoyen et populaire, un sujet politique qui sera susceptible de se diffuser dans l’ensemble de la société civile, les institutions municipales, provinciales et fédérales. Une telle expérimentation politique pourrait-elle être traduite dans le contexte canadien ? Pourrait-on se servir de rencontres comme le Forum social des peuples, de nouveaux médias indépendants comme Ricochet, de mobilisations citoyennes et autochtones contre les grands projets pétroliers, et se doter d’une organisation souple pour présenter des candidatures populaires lors des prochaines élections fédérales de 2015 ?

Un projet politique proposant une transition sociale et écologique pour sortir de la dépendance aux hydrocarbures, une redistribution massive de la richesse, une décentralisation majeure des décisions économiques et politiques, la reconnaissance du droit à l’auto-détermination des peuples, et une démocratie radicale pourrait-elle mobiliser de larges secteurs de la population ? Comment dépasser le fossé culturel entre la gauche québécoise, les groupes militants du Canada anglais, et les Premières Nations qui à commencent à peine à discuter ensemble dans le cadre du Forum social des peuples ? Toutes ces questions complexes mais essentielles doivent servir de tremplin à l’organisation d’une alternative politique qui pourra articuler la question écologique, sociale et nationale sous une forme originale. Comme disait Marx, « l’humanité ne se pose jamais que des problèmes qu’elle peut résoudre, car, à y regarder de plus près, il se trouvera toujours, que le problème lui-même ne surgit que là où les conditions matérielles pour le résoudre existent déjà ou du moins sont en voie de le devenir. »7

1 Karl Marx, Le Capital, tome I, p.

2 Karl Marx, Friedrich Engels, Le Manifeste du Parti communiste, Les Classiques des sciences sociales, 1848, p.23

4http://www.contretemps.eu/interventions/appel-international-nous-soutenons-podemos

6 De la rue à toile jusqu’aux urnes : « Podemos ». http://emi-cfd.com/echanges-partenariats/?p=3591