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L’éthologie humaine est-elle le frein évolutif à sa survie face à l’Anthropocène?

Malgré l’Anthropocène, malgré les conséquences irréparables, malgré les risques encourus, malgré l’apathie généralisée, peut-on préconiser de demeurer dans le camp de ceux qui continuent de prétendre qu’il faut agir au seuil de cette crise? Il faut conclure, à l’observation de la démission de Nicolas Hulot et des efforts internationaux pour tenter de la résoudre, qu’il n’existe en ce moment aucune institution dont la responsabilité est d’agir! Il va falloir la mettre en place…

À l’évidence des décisions politiques des dernières décennies, il n’est plus de la responsabilité des états d’exercer la gouvernance du territoire, des infrastructures et des services afin d’assurer la sécurité de la population. On observe indéniablement que les décisions politiques vont toutes exclusivement dans le sens de la gestion budgétaire, du développement économique et de la rentabilité financière. Ce qui s’explique en partie par la dérèglementation du modèle économique et surtout par la déresponsabilisation étatique du contrôle sur l’émission de la monnaie.

Les conséquences du modèle économique sont critiquées aussi loin dans l’histoire qu’au VIIe siècle. La connaissance sur les impacts climatiques des activités industrielles et économiques est connue depuis 1896. [1] Il est donc devenu indéniablement impossible d’ignorer les faits avec l’accumulation de recherches qui font déborder le consensus. Et les nier pourrait bien finir par être associé à des troubles comportementaux que les neurosciences cognitives sont déjà en mesure de démontrer.

Il est gênant pour l’humain d’avouer qu’il a fait fausse route depuis 5000 ans sur certains aspects de son organisation sociale. Mais il faut remettre en perspective que les connaissances scientifiques sur lesquelles appuyer notre conception de société n’étaient pas acquises à cette période de l’histoire.

Il faut également considérer la profusion de croyances farfelues, d’idéologies erronées et de philosophies déconnectées qui s’expliquent par le fait que la cognition humaine ne favorise pas la logique rationnelle neutre et objective, mais une heuristique de jugements rapides basée sur peu de données, résultant de son adaptation sur des millions d’années et qui a si bien servi sa capacité de survie dans un environnement hostile, contre lequel il n’a pas de moyens de défense physiologiques à part son « intelligence ».

L’éthologie humaine serait-elle un frein évolutif à sa survie face à l’Anthropocène? Avant d’entreprendre des démarches pour tenter de sauver l’humanité, il y a une hypothèse en ce moment qu’il faut vérifier. Cette hypothèse relève de l’évolution et des comportements humains inscrits dans sa génétique.

Il y a consensus scientifique que l’Anthropocène résulte des activités de l’espèce humaine. Ces activités résultent de l’adoption de stratégies comportementales déviantes des lois immuables et intransgressibles de la nature que nous transgressons depuis des siècles au nom du progrès et depuis la seconde guerre mondiale au nom de la croissance économique.

Nous pouvons scientifiquement démontrer que plusieurs stratégies comportementales psychosociales humaines découlent de l’adaptation à l’environnement de société, notamment au concept de monnaie et aux mécanismes de l’économie de consommation et de la finance. [2]

Il devient impossible de nier le lien comportemental direct entre ces concepts et mécanismes et les impacts dévastateurs sur l’environnement biophysique; la biodiversité, les sols, le climat, etc. En clair, les activités humaines résultant du développement économique et de la consommation sont directement responsables des symptômes de l’Anthropocène.

Conscients de ce fait, la question qui s’impose est : pouvons-nous résoudre les défis apparemment insurmontables de l’Anthropocène en éliminant les concepts et mécanismes de société responsables de l’adoption de stratégies comportementales déviantes?

Pour y répondre, il faut vérifier l’hypothèse suivante. Les comportements humains de recherche de pouvoir et d’accumulation de biens relèvent-ils d’une adaptation aux conditions environnementales de société ou sont-ils inscrits dans les gènes de notre espèce en tant que réaction de survie?

Si la première option est validée, il suffit simplement de changer les concepts et mécanismes de société afin d’architecturer un nouvel environnement social auquel les citoyens vont inévitablement s’adapter pour adopter de nouvelles stratégies comportementales.

Au contraire, si la seconde option est validée, il faudra adopter un mode de vie thérapeutique avec un soutien constant de la conscience de ces caractères éthologiques en démontrant qu’il est possible à l’humain de survivre tout en inhibant ces pulsions comportementales innées. Mais il faudra quand même changer radicalement nos concepts et mécanismes de société.

Dans le premier cas, l’adaptation pourrait être assez rapide, quelques années. Il suffit de vérifier les études sociologiques sur l’adoption des technologies comme l’automobile, l’Internet, les jeux vidéo ou les tablettes numériques.

Dans le second cas, l’adaptation pourrait exiger des décennies, voir des siècles. Il faudra que les conditions environnementales contraignantes subsistent suffisamment longtemps pour favoriser la sélection naturelle d’une partie de la population qui aura adapté ses stratégies comportementales pour survivre, ce qui pourrait engendrer les mutations génétiques souhaitées.

Sachant que nous avons 50% de chances pour chacune des options et sachant également par les neurosciences cognitives que l’adaptation est très développée chez l’humain, il serait judicieux de passer à l’action en assumant le succès, plutôt que de baisser les bras devant un éventuel échec à sauvegarder l’espèce humaine.

Bien que le défaitisme gagne du terrain et que la collapsologie se développe en parallèle aux recherches sur l’Anthropocène, il serait dommage de sacrifier trop promptement l’espèce humaine, comme si nous l’avions classée comme une espèce nuisible. Bon nombre d’espèces «nuisibles» sont nécessaires dans le biotope, parce qu’elles participent à maintenir des équilibres fragiles, mais importants.

Malgré le fait que le plus important mouvement dans l’univers soit le changement, il est toujours le résultat de la recherche de l’équilibre entre toutes les forces en présence. Nous avons toutes les connaissances pour faire les changements requis afin de recouvrer l’équilibre pour sortir de l’Anthropocène avant qu’il nous sorte par la liste des espèces en péril.

[1] Svante Arrhenius. On the Influence of Carbonic Acid in the Air upon the Temperature of the Ground, Philosophical Magazine and Journal of Science, Series 5, Volume 41, April 1896, pages 237-276, [http://www.rsc.org/images/Arrhenius1896_tcm18-173546.pdf]

[2] Stéphane Brousseau. L’économie de l’Anthropocène, comment s’en sortir?, Institut de recherche en architecture de société durable (IRASD), 9 aout 2018, [En ligne],

[https://irasd.wordpress.com/2018/08/09/leconomie-de-lanthropocene-comment-sen-sortir/]


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