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Un peu de comptabilité civilisationnelle démontre que l’économie n’est plus rentable…

« Les services rendus par la nature (eau, pollinisation, stabilité des sols, etc.) ont été estimés par des économistes à 125 000 milliards de dollars annuels, soit une fois et demi le PIB mondial. » [1, 2, 3]

« … la Terre a vu ses populations de vertébrés sauvages décliner de 60 % de 1970 à 2014… » [1, 2]

« Mondialement, seuls 25 % des sols sont exempts de l’empreinte de l’homme; en 2050 ce ne sera plus que 10 %, selon les scientifiques de la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques. » [1, 2]

Il est temps de refaire notre budget civilisationnel. Avec 60% de perte de biodiversité et 75% de perte des sols, on peut estimer une dette moyenne de 67,5% d’emprunt sur les services écosystémiques de la biosphère. Cela correspond à une dette de 84 375 milliards de dollars par année de services rendus par la nature qui sont perdus, vraisemblablement compensés en partie par encore plus d’exploitation des ressources, accélérant d’autant cette perte pour les années à venir.

Selon l’AFP dont la source n’est pas citée par La Presse, le PIB mondial serait estimé à 83 333 milliards de dollars [1], l’humanité serait donc en déficit de 1042 milliards de dollars. Ce qui indiquerait que l’économie n’est plus rentable!

Si on distribuait cette dette à l’échelle de la population mondiale de 7 594 147 910 individus [4], cela représente une dette annuelle de 142$ par personne en 2018. En limitant cette dette à la population des pays développés qui en sont responsables, on arrive à 1 272 000 398 individus [5] avec une dette de 819$ par personne en 2018. À cette échelle, cette dette semble négligeable.

Ayant un sérieux doute sur le chiffre avancé par l’AFP pour le PIB mondial (« …125 000 milliards de dollars annuels, soit une fois et demi le PIB mondial. » [1], j’ai fait une recherche rapide pour corroborer le montant du PIB mondial. Le Fond Monétaire International (FMI) fournit des données bien différentes et modulées par pays [6].

Ainsi, le PIB mondial en 2018 serait plutôt de l’ordre de 84 840 milliards de dollars. Ce qui fait qu’avec la même logique de calcul, nous serions en surplus de 465 milliards et non endetté de 1042 milliards. Ce qui indique que l’économie mondiale pourrait encore surexploiter 465 milliards de ressources naturelles équivalentes en services rendus à la biosphère avant de tomber en déficit. C’est l’équivalent, en 2018, de 61$ de surplus par humain ou de 366$ de surplus par citoyen des pays industrialisés.

Peu importe la source de données pour quantifier le PIB, on constate que l’humanité arrive à un point de rupture entre la valeur de son développement économique monétaire et la valeur de sa dette environnementale. Selon le principe des vases communicants, l’économie étant en croissance infinie et les ressources naturelles en déficit continu, la limite de rentabilité sera inévitablement franchie si elle ne l’est pas déjà.

Le problème est que non seulement la dette écologique n’est pas comptabilisée dans le système économique monétaire, mais en plus, l’humanité ne dispose d’aucun autre moyen pour la rembourser que de décroître l’activité économique pour laisser plus de temps à la biosphère pour se régénérer, ce qui est diamétralement opposé à la conception de l’économie et contraire à toutes les politiques étatiques!

En conséquence, le déficit de services écosystémiques va continuer de croître au même rythme que l’économie, sous la pression démographique et la volonté politique de développement. Sachant que la capacité de régénération des écosystèmes se calcul en échelle temporelle allant du siècle à plusieurs centaines de millions d’années, cette dichotomie mène irrémédiablement à l’effondrement de la civilisation et à une extinction massive de la biodiversité, incluant l’homme et ce sur le très court terme sur l’échelle géologique! L’Anthropocène risque de ne pas durer très longtemps…

La seule solution est donc de stopper l’économie monétaire à l’échelle mondiale et de concentrer nos efforts à combler les besoins essentiels de la population tout en optant pour des stratégies d’architecture sociale durable ayant pour objectif de réduire au maximum l’empreinte écologique de l’humanité.

Je n’ai pas eu le temps de faire les recherches, mais il serait fort intéressant de documenter la valeur du PIB limitée à combler les besoins essentiels de la population mondiale à laquelle on aurait retranché toute activité de développement économique inutile comme la création de nouveaux marchés exclusivement dédiés à la simulation d’une croissance économique monétaire, mais qui ne fait que contribuer à accélérer le déficit écosystémique. Nous pourrions être surpris de documenter la faisabilité de stopper l’économie…

Stéphane BrousseauDirecteur de recherche
B.Sc. Géologie
IRASD – Institut de recherche en architecture de société durable

[1] Catherine Hours. La Terre a perdu 60% de ses animaux sauvages en 44 ans, Agence France-Presse, La Presse, 29 octobre 2018, [En ligne],

[https://www.lapresse.ca/environnement/dossiers/changements-climatiques/201810/29/01-5202155-la-terre-a-perdu-60-de-ses-animaux-sauvages-en-44-ans.php]

[2] Grooten, M. and Almond. Living Planet Report 2018, WWF, R.E.A.(Eds). WWF, Gland, Switzerland, October 2018,

[http://wwf.panda.org/knowledge_hub/all_publications/living_planet_report_2018/]

[3] IPBES. The methodological assessment report on scenarios and models of biodiversity and ecosystem services, 348, Secretariat of the Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services, 2016,

[https://sciencesnaturelles.ch/service/publications/80013-assessment-report-on-scenarios-and-models-of-biodiversity-and-ecosystem-services],

[https://www.ipbes.net/sites/default/files/downloads/pdf/2016.methodological_assessment_report_scenarios_models.pdf]

[4] PopulationMondiale.com – World population clock,

[http://www.populationmondiale.com/#sthash.zl8HhVRz.dpbs]

[5] Ined. Population, naissances, décès – Europe et pays développés – Les chiffres, Institut national d’études démographiques, 2016,

[https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population/chiffres/europe-pays-developpes/population-naissances-deces/]

[6] IMF. IMF Data Mapper, Datasets, World Economic Outlook (October 2018), Gross Domestic Product (GDP), GDP, current prices, [https://www.imf.org/external/datamapper/NGDPD@WEO/OEMDC/ADVEC/WEOWORLD]


Un commentaire

  1. Martin Savard dit :

    « il serait fort intéressant de documenter la valeur du PIB limitée à combler les besoins essentiels de la population mondiale à laquelle on aurait retranché toute activité de développement économique inutile comme la création de nouveaux marchés exclusivement dédiés à la simulation d’une croissance économique monétaire, mais qui ne fait que contribuer à accélérer le déficit écosystémique. Nous pourrions être surpris de documenter la faisabilité de stopper l’économie… »

    Intéressant, mais puisque cette portion du PIB concerne des tâches inutiles, ou plutôt virtuelles, elles ne produisent pas de CO2 (sauf pour leur usage des serveurs informatiques). Leur disparition n’entraînerait pas de gros bénéfices pour l’environnement. Par contre socialement, leur disparition ralentirait la concentration de la richesse et le détournement des efforts qui pourraient être plus utiles ailleurs.
    Non seulement les efforts, mais les fonds, aussi… ceux qui manquent cruellement aux administrations pour gérer correctement les problèmes environnementaux.

    Quand Aberkane propose de sauver l’économie, ou plutôt la croissance, par « l’économie du savoir », ce qu’il propose c’est d’augmenter la part du virtuel… échanger de l’argent contre des informations. Comme il le démontre, si on donne à l’information une valeur, et que vous partagez cette information à 1000 personnes, vous avez multiplié 1000 fois sa valeur ???!!! Bienvenue dans la magie du virtuel ! Faut-il encore que ces 1000 personnes puissent la monnayer cette info. Quand elle sera partagée par tous, elle ne vaudra plus rien, parcew personne ne voudra échanger d’argent pour l’acquérir (ils l’auront déjà). C’est donc une arnaque de Ponzi, cette économie du savoir d’Aberkane.

    Mais ce n’est pas l’argent qui permet aux économies de fonctionner, c’est l’énergie, et elle est en quantité limitée, que ce soit en stocks (énergies fossiles) ou en flux (ce dernier est limité dans une période donnée). Et ça, Aberkane devrait le mentionner.

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