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Acquisition de connaissances et interprétation du réel

Toutes les espèces vivantes sont génétiquement et instinctivement assujetties à leurs comportements et aux conséquences qui en découlent sur leur capacité de survie parce que leurs stratégies comportementales sont adaptées aux conditions environnementales de leurs niches écologiques.

Chez les espèces dont la capacité cognitive est peu développée, les stratégies comportementales génétiques et instinctives qui prédominent sont essentiellement des produits d’adaptations successives de l’évolution. Si ces espèces présentent des modifications de leurs comportements de manière à nuire à leur capacité de survie ou de reproduction, elles vont subir les conséquences qui en découlent et devoir s’adapter à nouveau.

Les espèces adaptent leurs stratégies comportementales pour faire face à des changements environnementaux et non l’inverse, elles ne modifient pas leurs comportements de manière volontaire.

Toutefois, l’espèce humaine est dotée d’une capacité cognitive permettant le raisonnement conscient. Ses individus, en plus d’être génétiquement et instinctivement assujettis aux conséquences de leurs comportements, en sont aussi consciemment responsables.

Ni les lois de l’environnement social ni les principes de morale philosophique ou religieuse ne constituent des limites réelles aux actions et comportements. Elles ne sont que des conventions humaines permettant à l’espèce de fonctionner avec une certaine cohésion dans son environnement social. Aucune loi physique, chimique, psychologique ou autre n’empêche un individu d’en tuer un autre.

Les réelles conséquences des actions humaines sont liées aux impacts qu’elles ont sur l’équilibre des lois immuables et intransgressibles de la nature concrétisant les environnements humain et biophysique dont les sciences permettent d’expliquer les mécanismes. De nombreux principes psychologiques sont sollicités et impactés lorsqu’un individu en a tué un autre.

Afin de minimiser les impacts destructifs et maximiser les impacts constructifs, chaque individu de l’espèce humaine doit apprendre énormément au quotidien et tout au long de son vivant. Parmi les actions et comportements, ceux qui peuvent sembler à première vue des erreurs devraient toujours être convertis en occasions d’apprendre pour favoriser l’amélioration continue. Cet apprentissage implique et entraine des adaptations aux stratégies comportementales. Ce qui apporte une forme d’autorégulation par introspection cognitive qui doit nécessairement être couplée avec une acquisition de connaissances.

Les seules vraies erreurs sont commises lorsque l’humain s’empêche émotionnellement d’apprendre en refusant l’erreur, chaque fois qu’il considère exacte sa perception et son interprétation de la réalité. Pourtant, les sens et la capacité cognitive de l’espèce humaine ne lui permettent pas d’atteindre une interprétation juste de la réalité. Ces erreurs sont précisément liées aux limitations de perception, aux influences de ce qui est ressenti et à la cognition de l’information et qui est limitée par les connaissances acquises.

La philosophie est constamment utilisée pour tenter d’interpréter la partie cognitive du réel. La philosophie, du grec ancien φιλοσοφία (composé de φιλεῖν, philein : « aimer »; et de σοφία, sophia : « sagesse »), signifie littéralement : « l’amour de la sagesse ».

La philosophie n’est pas une science regroupant un ensemble de connaissances. La philosophie est une démarche réflexive sur des savoirs disponibles se présentant comme un questionnement, un débat d’idées et une interprétation du monde et de l’existence humaine. Elle peut se concevoir comme une activité d’analyse, de définition, de création ou de méditation sur des concepts existants dans le but d’une recherche de la vérité, d’une méditation sur le bien, le beau, le juste ou la quête du sens de la vie et du bonheur.

La philosophie s’appuie donc exclusivement sur des concepts de l’environnement humain intrinsèque à sa nature et largement influencés par sa culture, elle-même induite par les stratégies comportementales de l’évolution et de l’histoire de l’espèce qui ont donné lieu à l’émergence de la pensée humaine.

La philosophie est intrinsèquement liée à la nature humaine et n’existe pas comme externalité mesurable par les approches scientifiques à l’extérieur de l’environnement humain. La philosophie est donc une stratégie comportementale humaine et non une science.

La philosophie est donc insuffisante en soi pour expliquer le réel. Elle peut tout au plus aider l’humain à mieux utiliser sa capacité cognitive. Il n’existe aucune preuve scientifique probante et fiable que la philosophie a déjà réussi à expliquer avec exactitude le réel.

Par contre, la science utilise des outils d’acquisition de données qui dépassent les sens humains, des outils mathématiques qui sont aux limites de la capacité cognitive humaine et des outils de modélisation informatiques qui dépassent la capacité cognitive humaine. Avec ces outils et ces approches méthodologiques, il est possible d’acquérir méticuleusement des éléments de connaissance qui se rapprochent du réel parce qu’ils transcendent les sens et la capacité cognitive de l’espèce humaine.

Mais aucune des sciences ne peut prétendre refléter ni représenter le réel, car elles correspondent toutes à des domaines distincts de l’étude d’aspects spécifiques du réel. Seule l’intégration scientifique de tous les domaines des sciences peut favoriser la mise au point d’une image plus représentative du réel que celle fournie par les sens et la capacité cognitive humaine limités.

L’homme a donc tout avantage à développer le réflexe de tenter de comprendre au lieu de s’appuyer instinctivement sur des croyances erronées découlant d’une perception limitée et de connaissances déficientes. Pour comprendre, il faut acquérir la connaissance tout en gardant à l’esprit qu’elle sera toujours limitée par les moyens d’acquisition donc, jamais parfaite à 100 %.

Plus la fiabilité ou la précision de l’image de la réalité acquise par l’humain est précise, moins il commettra d’actes aux conséquences destructrices tout en maximisant les actions aux conséquences constructrices.

Le réel n’est pas ce que l’humain en pense. La pensée humaine est une interprétation de ce qu’il perçoit du réel au travers des limitations de ses sens pour construire une image et une compréhension personnalisée du réel, dont l’analyse est toujours limitée par la somme de connaissances acquises.

Avec l’accumulation de connaissances, l’humain passe du jugement critique au constat analytique. Il peut cesser de critiquer pour commencer à expliquer. Il passe du mode destructif au mode constructif. Cette approche ne peut être autrement que bénéfique pour l’individu et pour la collectivité.

Refuser d’apprendre ou se conformer à ses croyances équivaut à brouiller volontairement notre interprétation du réel et à limiter la capacité humaine tout en acceptant d’être entraîné par un flot d’erreurs plutôt que dans un univers de réussites. Il sagit là de stratégies comportementales déviantes.

La vie de l’espèce humaine devrait être une séquence continue d’apprentissages pour compenser le fait que les individus ne naissent pas avec des connaissances innées dans le cerveau et que cet organe n’est pas complètement formé avant l’âge de 20 ans. Ce qui n’enlève rien au fait que la génétique comportementale humaine puisse programmer des stratégies comportementales instinctives qui seront modulées par adaptations psychosociales.

Pour que cette séquence d’apprentissages soit possible, il faudra sans doute réformer complètement la société humaine en commençant par le processus d’apprentissage de connaissances appelé « éducation » et en modifiant en profondeur les priorités de l’espèce et les objectifs de la civilisation afin de d’altérer en conséquence les stratégies comportementales humaines nécessaires à l’atteinte de ces objectifs.

Tel est le but de l’architecture sociale : forcer consciemment l’adaptation des stratégies comportementales humaines en modifiant son environnement social de manière précise et spécifiquement conçue pour atteindre les comportements souhaités.

Stéphane BrousseauDirecteur de recherche


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